Quand on est français, c’est pour la vie. Cette proposition ne fait pas l’unanimité à Causeur. Cyril Bennasar a en effet défendu l’idée sarkozyste de « retirer la nationalité française aux Français d’origine étrangère qui attenteraient à la vie d’un policier ». Et il m’apprend qu’en lançant cette proposition, Nicolas Sarkozy ne s’inscrivait pas, comme on l’a répété de toutes parts, dans les traces de Pierre Laval mais dans celles de Léon Blum : une loi votée sous le Front populaire prévoyait en effet de déchoir de leur nationalité les Français naturalisés depuis moins de deux ans condamnés à des peines de prison supérieures à deux ans. Cette précision rend encore plus indécente l’évocation, à ce sujet, des « années noires ».
Je persiste cependant à penser que Bennasar et Sarkozy se trompent. L’égalité devant la loi n’est pas un colifichet juridique ni un chichi bien-pensant, elle est au cœur de l’ADN démocratique. Sauf à devenir une « nation morale » aussi privée de capacité d’action que la gauche du même nom, il nous faut admettre qu’un criminel français et un salopard français sont aussi français que vous-et-moi. Au-delà des principes, le président commet une faute politique, non pas parce qu’il tente de séduire ou de rassurer les électeurs qui se baladent entre l’UMP et le Front national – il me semble, à moi, que convaincre les électeurs fait partie de son boulot –, mais parce que le message subliminal véhiculé par cette proposition est purement et simplement mensonger : à supposer que cette mesure soit adoptée[1. Et, contrairement à mes prévisions, il semble bien qu’elle soit en passe de devenir une loi.], elle ne règlera rien. Nos concitoyens « issus de l’immigration » resteront nos concitoyens et laisser penser le contraire, aux électeurs frontistes comme aux autres, est inutile et dangereux. Nous devons les aider, au besoin les obliger (par la loi), à être des Français à part entière et non pas des « Franco-ceci ou des Cela-français » vivant au rythme et selon les codes culturels des pays d’origine tout en bénéficiant des droits et libertés afférents à la citoyenneté.
[access capability= »lire_inedits »]La nationalité, donc, ne se reprend pas. Raison de plus pour ne pas la donner à n’importe qui. La France des droits de l’homme n’est pas un droit de l’homme. Si le divorce n’existe pas, on peut et on doit se montrer encore plus regardant quant au choix de l’épousée. En clair, le « droit du sol » n’est pas un impératif catégorique. En dépit des heures sombres de leur histoire, les Allemands continuent à appliquer le « droit du sang », corrigé et amendé par l’existence de procédure de naturalisations. Mais un descendant d’Allemands, vivrait-il au Chili, peut revendiquer sa qualité d’Allemand.
La France peut être un héritage ou un désir. Elle ne saurait être un hasard
Est français tout individu né sur le territoire français. On aimerait se contenter de ce beau principe. L’ennui, c’est qu’il aboutit à une conception purement bureaucratique de l’appartenance nationale, d’ailleurs récusée par la majorité des intéressés qui proclament avec constance leur refus d’être seulement « Français de papiers ». Renaud Camus rappelait dans notre dernier numéro que la France peut être un « héritage » quand on a la chance d’être né Français[2. Ce qui signifie, contrairement à ce que prétend Brice Hortefeux, qu’on n’a rien fait pour la mériter.]. Elle peut aussi, ajoutait-il, être un « désir », voire un « ensorcellement » comme pour Paulina Dalmayer qui répond à l’écrivain (son texte sera prochainement en ligne). Elle ne saurait être un pur hasard. Au lieu de nous embarquer dans une impasse, le président devrait donc demander à ses services de réfléchir sérieusement à la possibilité de durcir les conditions d’acquisition de la nationalité française.
Si elle confère une citoyenneté pleine et entière de même que l’adoption est une filiation pleine et entière, la naturalisation ne saurait être une obligation mais un choix et un choix librement consenti par les deux parties. En théorie, c’est le cas puisque les enfants nés en France de parents étrangers ne deviennent français qu’à l’âge de 13 ou 16 ans et après en avoir clairement exprimé la volonté. Dans la pratique, la procédure est quasiment automatique.
Le « droit du sol » restera la base de la nationalité à la française, ne serait-ce que parce que nous ne disposons pas d’autres critère. La France n’est pas une nation ethnique : ce n’est pas un principe mais une réalité historique. En revanche, il est temps de rappeler que la citoyenneté confère des droits et des devoirs. S’il y a un « droit du sol », il doit aussi y avoir un « devoir du sol ». Le désir ne suffit pas. On n’ira pas jusqu’à demander aux candidats au passeport « ce qu’ils peuvent faire pour leur pays ». Mais on peut exiger d’eux qu’ils adhèrent, non seulement aux lois, mais aussi à ce qu’on appelle, au sens large, la « culture ». Il ne s’agit pas de les obliger à lire Balzac ou Marivaux[3. Encore que ce serait le meilleur service à leur rendre, à eux comme à leurs jeunes concitoyens « de souche ».] mais de leur rappeler que la France est composée d’individus libres et non de groupes autorisés à faire prévaloir leur propre loi sur les territoires où ils sont majoritaires. Si on refuse le « passeport à points », il faut aussi refuser la France à la carte.[/access]
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