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Le député de la Somme et la politique au faciès

Ruffin / Mélenchon : ils ne vieilliront pas ensemble


Le député de la Somme et la politique au faciès
Le député d'extrème gauche François Ruffin, Assemblée nationale, 18 juillet © J.E.E/SIPA

François Ruffin, qui avait rompu avec Jean-Luc Mélenchon durant les législatives, révèle dans son livre que la stratégie électorale communautariste de LFI ne lui convenait pas. Mieux vaut tard que jamais! Mais, il ne va pas jusqu’à dénoncer la dérive islamo-gauchiste de son ancien parti concernant le conflit israélo-palestinien.


« Clientélisme électoral », « mépris de classe », « campagne au faciès », le livre de François Ruffin, député de la Somme, décrit un parti LFI soumis au culte d’un chef, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s’empêche pas beaucoup, ne se tient guère et se contrôle à peine. 
Pourtant, si le portrait de Jean-Luc Mélenchon correspond à ce que l’homme montre de lui-même et le décrit en autocrate vain et méprisant, il évite cependant le sujet le plus important : cet homme a ôté toute consistance morale à la gauche. Il est son déshonneur. Il a libéré l’antisémitisme en tant que force politique et puissance mobilisatrice. Depuis Hitler pourtant, on croyait l’Europe protégée de ce type de dérive. Depuis Jean-Luc Mélenchon, en France, je n’en suis plus si sûre.

Nouvelle France

Dans Itinéraire, ma France en entier, pas à moitié, François Ruffin raconte des tracts conçus en fonction du faciès de la clientèle visée. Un tract avec le visuel de Mélenchon dans les quartiers dits difficiles où est regroupée la population arabo-musulmane notamment, et un autre type de tracts pour les « Blancs » et les habitants du monde rural. Derrière cette anecdote, il y a surtout l’histoire d’un leader politique qui fait une distinction entre un peuple ancien à délaisser, les classes populaires et les habitants de la ruralité, et un peuple nouveau à investir : celui issu des quartiers. 

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Le député de la Somme révèle ainsi avoir eu « honte » d’avoir mené une « campagne au faciès » lors des dernières législatives, distribuant des tracts à l’effigie de Jean-Luc Mélenchon aux « Noirs et aux Arabes » d’Amiens-Nord, mais pas aux « Blancs ». Pourquoi ? Parce que Jean-Luc Mélenchon pense que ces deux peuples ont des identités peu compatibles et qu’il faut choisir son camp. Le problème est que dans les quartiers existe déjà une force constituée : l’islam dans sa version politique. Cibler cette clientèle, surtout en investissant les jeunes, c’est miser sur les plus radicalisés, ceux qui font passer l’islam avant les lois de la République. C’est ce choix-là que Jean-Luc Mélenchon a fait en conscience. 
Mais cette analyse-là n’est pas faite jusqu’au bout par ses opposants, car tout le clientélisme de la gauche, y compris non LFI, est bâti sur cette logique-là. Pourquoi croyez-vous qu’EELV a invité Médine à ses journées d’été ? Pourquoi croyez-vous qu’Olivier Faure préfère sacrifier le bon score de Raphaël Glucksmann pour préserver son lien de soumission au leader Insoumis ? Parce que dans nombre des derniers bastions qui leur reste, c’est le clientélisme islamiste ou communautariste qui leur permet de garder leur fief, et ce clientélisme-là est entre les mains de LFI.

Marine Tondelier débattait avec le rappeur Médine, au Havre en aout 2023, malgré un tweet à connotation antisémite adressé à Rachel Kahn quelques jours plus tôt © ISA HARSIN/SIPA

Militants radicaux outrés contre Ruffin

Sur ces critiques, François Ruffin a été défendu par Fabien Roussel, victime en son temps, comme l’est aujourd’hui le député de la Somme, du fanatisme de nombre de militants LFI, lesquels sont puissants sur les réseaux sociaux. Il faut dire que le dirigeant du PC partage probablement le qualificatif de « repoussoir » attribué par Ruffin à Jean-Luc Mélenchon. Mais que pèse encore réellement le patron du PC aujourd’hui? Si on en croit le programme de la fête de l’Humanité, Houria Bouteldja, dont l’ouvrage raciste et antisémite Les Blancs, les Juifs et nous est pourtant passé crème à gauche, devrait participer à une table ronde sur l’antisémitisme. Cela ne manque pas de piquant, à moins qu’elle ne soit là comme spécimen à étudier… Cela démontre surtout que la gauche républicaine est totalement marginalisée, et qu’aujourd’hui c’est bien la stratégie du leader Insoumis qui l’a emporté. La gauche cornaquée par LFI est islamo-gauchiste. Ce sont les islamistes qui apportent leur projet; la gauche, elle, les légitime et est chargée de passer une fine couche de vernis social sur les couches de haine raciale. On peut s’en indigner, mais en politique, choisir sa clientèle peut permettre l’accès au pouvoir ; c’est ce calcul que fait Mélenchon. Et en soi, il n’est pas illégitime.

Nos sociétés politiques actuelles se sont construites sur le souvenir de la Seconde Guerre mondiale

En revanche, ce qui est profondément illégitime, dangereux et inacceptable, ce n’est rien de tout cela. C’est d’avoir rompu avec le principal acquis de la Seconde Guerre mondiale. En faisant du conflit à Gaza un moyen de faire passer la jeunesse à l’action politique, le leader Insoumis a fait de la haine et particulièrement de la haine des Juifs un outil de constitution d’une force électorale et militante. Cela ne s’était plus vu en Europe depuis… Hitler. Là est la rupture impardonnable. 

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Mais cela ne sera dénoncé par personne à gauche, car tous se sont alliés à LFI en pleine connaissance de cause et cela les a salis à jamais. Aujourd’hui, que ce soit dans le camp de Mélenchon ou dans le clan de Ruffin, les militants de gauche continuent à donner des leçons sur les réseaux, mais ils ont perdu leur magistère moral. 
Il faut dire que cautionner le retour de l’antisémitisme au cœur des sociétés européennes, on l’aurait plutôt attendu de l’extrême-droite. Mais non, grâce à LFI, le privilège de cette infamie revient à la gauche. Le pire est que cette forfaiture a, comme je l’ai expliqué, sa forme de rentabilité. S’il y avait une seule chose à dénoncer, c’était celle-là. Le sujet aura pourtant été évité par tout le monde.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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