La dernière fois qu’Annie Assouline vit Philippe Muray, il montait dans un taxi, laissant à la photographe en guise d’adieu quatre mots à demi-prononcés : « Je suis très fatigué. » Confidence extraordinaire d’un homme qui poussait la civilité à toujours donner le change et à faire passer l’intelligence avant la lassitude et la maladie.
[access capability= »lire_inedits »]Brouiller les pistes
Au cours des dix années qui venaient de s’écouler, Hannah avait photographié l’écrivain à plusieurs reprises. La couverture de ce numéro et les photos reproduites dans le dossier consacré à Philippe Muray sont signées d’elle. « Il avait, dit-elle, une manière extrêmement sensuelle et virile de fumer. Aucun homme ne fume plus comme ça aujourd’hui. Il y a beaucoup de photos où son cigarillo est présent… Il me regardait le photographier, tout en fumant. Son clope était son propre appareil photographique. »
Et si c’était cela, le secret de Philippe Muray ? La séduction, le jeu de regards : oui, peut-être. Mais le brouillage de pistes avant tout. L’animal fétiche de l’écrivain n’est pas le chat mais le caméléon : Muray se transforme en photographe quand il est photographié. Il proclame toute littérature impossible quand son grand œuvre aspire à reprendre le métier là où Balzac l’avait laissé. C’est qu’il vaut mieux savoir jouer incognito quand on se consacre à dépeindre la Comédie humaine.[/access]
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