La menace inflationniste n’est pas seulement monétaire, elle est bien davantage d’ordre lexical. C’est une inflation de mots, d’énoncés aussi suffisants que peu nécessaires qui menace l’entendement.
Les préfixes abondent pour indiquer le changement de sens : illibéral vous précipite au purgatoire, tandis que décolonial vous remet dans le bon chemin. En France, on adore se payer de mots et celui de « décivilisation » est le dernier en date dans la palette des signifiants proposés dans le débat public. Cette fois-ci, la charge est lourde, angoissante tant elle prend appui sur une terrible actualité mais elle inscrit cette actualité dans un processus installé dans la durée. Si c’est la civilisation qui fout le camp, qu’allons-nous devenir?
Est-ce seulement une affaire de mots ? En France, en la matière, les communicants débordent de créations ! Après le « séparatisme », après les « sauvageons » de Chevènement, après les « jeunes-des-banlieues-difficiles » ou des « quartiers-sensibles » issus de la « fracture-sociale » et de la « diversité », voilà qu’une nouvelle formule pourrait aider les décideurs, mais aussi le peuple à y voir plus clair. En effet une question vient immédiatement à l’esprit : quand un réfugié tchétchène a pris soin d’acheter un couteau neuf pour aller couper la tête d’un professeur d’histoire géographie qui aurait mal parlé du prophète, ce réfugié tchétchène était-il un « sauvageon » ou un « décivilisé » ? Quand un fumeur, excessif de cannabis certes, frappe à mort une vieille femme de soixante-quatorze ans et la jette par la fenêtre aux cris de « Allah akbar ! » ce jeune, était-il un « séparatiste », un « sauvageon », un « décivilisé » ? Quand un autre jeune en scooter tue d’une balle dans la tête une petite fille dans une cour d’école, était-il un « décivilisé », un « séparatiste », un « sauvageon » ? À moins qu’il soit un malade mental ne sachant pas ce qu’il faisait ?
Repoussoir magique
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