C’est une étude publiée ce matin qui fait trembler l’Élysée et les QG de campagne des autres candidats, particulièrement à gauche de l’échiquier politique…
Du 13 au 16 décembre, l’IFOP a mené une enquête auprès d’un échantillon de 1 003 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatif de la population adulte résidant dans les « banlieues pauvres ». L’IFOP désigne ainsi « les communes situées en périphérie d’une agglomération qui affichent un niveau de vie médian annuel par habitant (RMUC) qui les classe parmi les 10% des banlieues les plus pauvres de France métropolitaine ».
En d’autres termes, l’équipe de François Kraus a décidé de prendre au mot le terme de banlieue, sans le réduire au terme de « quartiers ». Les entretiens ont été menés sous la forme de questionnaires auto-administrés en ligne. Commandée par Écran de veille, la revue mensuelle du site Global Watch Analysis, l’enquête met en lumière un fort ancrage à droite.
Santé, argent, sécurité…
Interrogés sur les « enjeux déterminants » sur leur vote à la présidentielle, les sondés placent sur le podium la santé et pouvoir d’achat ex æquo. La troisième place revient à la lutte contre l’insécurité, talonnée par la lutte contre le terrorisme puis par l’éducation.
À la traîne, la lutte contre le racisme et les discriminations, la lutte contre les replis communautaires et identitaires, la réduction de la dette et la lutte pour les droits des LGBT, qui pataugent en bas du classement. Un coup dur pour la gauche Terra Nova qui s’imaginait que les banlieues partageaient sa passion pour la lutte contre les discriminations. La sécurité étant un « enjeu déterminant », pour sept à huit sondés sur dix, difficile de ne pas y voir une corrélation avec l’écroulement de la gauche (réputée faible sur ces questions) en banlieue depuis dix ans.
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En 2012 encore, l’ensemble des gauches avait raflé 56% des voix en banlieue aux présidentielles. Il y a cinq ans, elle n’en totalisait plus que 38%. Si les élections avaient lieu dimanche prochain, elle n’en réunirait plus que 36%. Un effritement d’autant plus humiliant qu’avec 35% d’intentions de vote, la « droite nationale populiste » (Le Pen, Zemmour et Dupont-Aignan) écraserait tout le reste en banlieue. Loin devant la gauche radicale (Mélenchon ou Roussel), crédités de seulement 26% des voix. Et encore plus loin devant LREM. Avec 15% d’intentions de vote, les troupes du président Macron sont au coude à coude avec LR (14%) pour une troisième place. Néanmoins, notons que si la gauche radicale ne réunirait que 14 % des voix dans les quartiers non prioritaires, elle en réunirait 46% dans les quartiers prioritaires.
Le Pen et Mélenchon en tête, Zemmour à la peine
« Si dimanche prochain devait se dérouler le premier tour de l’élection présidentielle, pour lequel des candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? », a donc demandé l’IFOP aux banlieusards. Marine Le Pen. Avec 22% des intentions de vote, l’amie des petites gens et des chats devance d’une tête Jean-Luc Mélenchon, qui en réunirait 20%. Au revoir Macron (15%) et Pécresse (14 %) donc. Et au revoir Zemmour.
Avec 12% d’intentions de vote, la « reconquête » des banlieues s’annonce âpre et laborieuse.
54% des ouvriers de banlieue auraient l’intention de voter Marine Le Pen. Très largement sans religion (29 %) ou de religion catholique (23 %), les électeurs potentiels de la droite bleu marine seraient aussi composés de 5% de musulmans, et de 11% de personnes d’origine extra-européenne. Du côté de Jean-Luc Mélenchon, il y aurait 32% de musulmans et 47% de personnes d’origine extra-européenne. Si l’offensive de séduction des musulmans et autres « damnés de la Terre » par Jean-Luc Mélenchon a porté ses fruits, pas sûr que cela suffise pour avoir les banlieues à ses pieds.
Vers des banlieues bleu marine?
Depuis les émeutes de Clichy-sous-Bois en 2005, le personnel politique s’est attelé à nous sensibiliser au sort des banlieues, ceci quitte à négliger la « France périphérique » -laquelle est apparue dans l’espace médiatique grâce aux travaux du géographe Christophe Guilluy puis au mouvement des gilets jaunes. Mais les banlieues ne se résument pas aux survêtements, au rap, à l’islam ou aux MJC. Martelé depuis des années par la classe politique, le fantasme d’une classe populaire urbaine n’ayant rien ou presque en commun avec la classe populaire rurale ou semi-rurale est mis à mal par cette enquête.
« Dans les banlieues périphériques, il y a un vote très à gauche qui correspond bien aux clichés de la banlieue rouge. À côté, il y a ce que Jérôme Fourquet avait déjà très bien mis en avant dans « Karim vote à gauche et son voisin vote FN » : on a un vote pour les droites au sens large qui est très fort. Dans ces banlieues, on veut avant tout de l’argent, de la protection sociale et des services publics. On se rend compte que la sensibilité au discours anti-raciste, sur les violences policières, le genre ou pour les LGBT est très faible », nous a précisé François Kraus par téléphone. Après la banlieue rouge, il faudra désormais compter avec la banlieue bleu marine.
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