Le gouvernement renonce à subordonner le passage en seconde à la réussite au brevet. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.
C’était pourtant un petit pas dans la bonne direction. Le « choc des savoirs » de Gabriel Attal prévoyait que seuls les élèves reçus au brevet passeraient en seconde.
Cela semblait d’ailleurs être une mesure de bon sens. Premièrement, à quoi peut bien servir un examen, s’il n’y a aucune conséquence à ne pas le passer (demandez donc à votre ado de le préparer, si cela ne sert à rien d’obtenir le diplome…)? Deuxièmement, on connait le niveau dramatique des élèves français (et maintenant des adultes) largement lié à l’absence de sélection et de contrôle des connaissances.
Usine à gaz
Anne Genetet, ministre de l’Education nationale de septembre à décembre 2024, avait déjà renvoyé l’application de cette mesure à 2027. Elisabeth Borne recule encore et enrobe cette reculade de démagogie: je fais confiance aux profs et aux conseils de classe qui décident du passage en seconde… Et elle promet, bien sûr, de nouveaux dispositifs de soutien. Résultat: on pourra toujours arriver en terminale et même obtenir le bac, sans maitriser un français basique. Autant vous dire que pour construire les centrales nucléaires de demain, ou mettre au point de nouvelles IA made in France, on peut avoir de légers doutes…
Cet enjeu scolaire devrait pourtant être l’obsession de tous, la mère des batailles. Sauf révolution éducative, la France de demain sera hors course. Sans même parler au plan individuel de tous de ces jeunes gens gâchés, et privés du moyen de penser leur vie et le monde. Et des plus brillants qui partent à l’étranger, soucieux de trouver un environnement plus stimulant.
Tout le monde sait ce qu’il faut faire, en réalité : restaurer l’exigence, la méritocratie, la compétition, la transmission. Mettre les savoirs au centre du système éducatif, et non plus l’égo ou le narcissisme des élèves.
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Échec collectif
Pourquoi ne le fait-on pas ? Comment expliquer cette nouvelle reculade ? Lâcheté, courte vue, bienpensance : on commence à connaitre le tableau.
Dans le cas précis du brevet, entrent surement en jeu des considérations budgétaires (le redoublement coûte très cher). Mme Borne a évidemment aussi cédé à des syndicats enseignants qui, en pilote automatique, dénonçaient un « tri social ». Pensent-ils que les pauvres sont par essence plus mauvais que les autres ? Derrière tout cela, c’est l’idéologie égalitaire qui est à l’œuvre; la gauche éducative, qui peuple la rue de Grenelle, déteste les examens, les notes, la compétition. Pour ne pas froisser les mauvais élèves, on préfère décourager les bons. Tout ça au nom de l’égalité, bien sûr. Or plus on met en place des mesures égalitaires, plus l’école est inégalitaire car les privilégiés peuvent échapper au système commun. Voilà le triste constat de 40 ans de cette idéologie.
À entendre du matin au soir que les élèves ne sont responsables de rien, que leurs cartables sont trop lourds, leurs profs trop méchants ou les horaires trop chargés, que les élèves ont tous le droit de faire de longues études, on a surtout désappris aux jeunes Français le goût de l’effort. Et comme cela dure depuis maintenant des décennies, cela se constate aujourd’hui aussi chez les adultes – demandez à un chef d’entreprise.
Ces gens nous parlent des générations futures toute la journée, mais ils commettent le pire crime contre elles.
C’est logique : nous vivons dans une société d’individus narcissiques, et qui fait de moins en moins d’enfants. Pourquoi se soucierait-elle de ce qu’elle leur transmet ? Pourquoi se soucierait-elle de les élever par la connaissance ?
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
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