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Le boycott politique d’un évènement sportif: l’arme des faibles?

Pékin: pas de trêve olympique?


Le boycott politique d’un évènement sportif: l’arme des faibles?
Pékin, 4 février 2022 © Alexei Druzhinin/TASS/Sipa USA/SIPA

États-Unis, Grande-Bretagne, Canada et Australie boycottent les cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux Olympiques en Chine. La France a décidé de « suivre la ligne de l’Union européenne » c’est à dire pas de boycott, mais une présence raisonnable.


Les Jeux Olympiques d’Hiver de Pékin ont donc été inaugurés le 4 février en l’absence notable des politiques occidentaux, à commencer par les Etats-Unis et ses alliés.

L’absence de Joe Biden, de Boris Johnson, ou d’Emmanuel Macron n’y changera rien : la plupart des pays du monde verront bien leurs athlètes concourir, et la course aux médailles restera bien une compétition sportive et non politique ! Alors, pourquoi sans cesse invoquer ce cache sexe du boycott politique des JO ? Pourquoi slalomons-nous en permanence en Occident entre nos positions politiques et nos choix économiques ?

Schizophrénie occidentale

La présence de Vladimir Poutine a été raillée, lui qui est venu soutenir son allié géopolitique chinois, lui qui sait quelque chose du boycott après les menaces britanniques et polonaises de 2018 à l’approche de la Coupe du monde de football.

À quoi bon tout ce barnum et ces effets de manche à géométrie variable ? Car au fond, on proteste dans un cadre sportif, mais que ferait économiquement l’Occident sans la Chine qu’il prend un malin plaisir à critiquer constamment ? Ne pourrait-on pas plutôt continuer à protester via les chancelleries et dans le cadre du multilatéralisme ou du bilatéralisme, plutôt que de punir indirectement les délégations sportives ? Et pourquoi ne pas plutôt se préoccuper au plus vite de notre dépendance à ce pays, plutôt que de rendre toujours autrui responsable de notre propre faiblesse économique, de nos démissions ?

Sans pour autant nier les atteintes frappantes aux droits de l’homme, le boycott politique dont fait l’objet la Chine, et qui avait été annoncé depuis longtemps, est à relativiser tant les positions occidentales nous semblent schizophrènes. On peut manifester contre une situation politique donnée, contre une crise, le risque d’une guerre, l’oppression d’une minorité, mais dans un contexte global de radicalisation du monde, l’ilot occidental de paix et de « liberté » qu’est l’Europe peut-il continuer à ce point de se gausser de ses atouts alors qu’une bonne part du vieux contient, à l’est, bascule déjà du côté anti-européen et antidémocratique de la force ? Les Jeux Olympiques et les manifestations culturelles ne sont-ils pas en réalité l’occasion la plus lâche pour s’insurger contre des pays organisateurs et faire passer un message au détriment de sportifs qui n’ont rien demandé ? C’est parfois à croire que tous les pays qui décrochent l’organisation de tels évènements à retentissement mondial ont acheté les instances sportives mondiales, alors que ces dernières ont justement sélectionné les candidatures, et opté pour ce qu’elles considéraient être à l’instant T le meilleur choix à faire ! Oui, tout cela parait assez farfelu, et aussi totalement lâche…

On nous rebat les oreilles avec les craintes d’une nouvelle guerre froide, de troisième Guerre Mondiale à venir, mais l’on ne sait pas mettre entre parenthèses quelques instants la realpolitik. Si le sport est éminemment politique aujourd’hui, il demeure aussi le dernier instrument pour rassembler, fédérer des millions d’êtres humains, et oublier un temps les crispations géopolitiques. Les Jeux Olympiques de Pékin et la Coupe du Monde à venir sont une bulle d’air bienvenue, après deux ans d’asphyxie. Et il y a bien d’autres moyens pour faire passer un message, sanctionner un pays ou condamner sa politique que le boycott des compétitions sportives.

La Chine mal vue depuis le Covid

La Chine est au cœur de nos attentions depuis le déclenchement du Covid-19. La politique chinoise est désormais indissociable de la pandémie, à commencer par les mensonges institutionnalisés et on le sait tous. Mais n’oublions pas que cela fait des années que nous nous jetons dans les bras de Pékin, en commençant par le choix économique totalement suicidaire de notre désindustrialisation totale.

Le president chinois Xi Jinping dans la ville de Wuhan le 10 mars 2020 © CHINE NOUVELLE/SIPA Numéro de reportage : 00949247_000014

Les Ouïgours pèsent donc bien peu face à notre dépendance. On critique la Chine, mais on se rend compte à quel point on ne peut plus rien faire sans elle aujourd’hui. Par culpabilité, on s’agite tel un épouvantail pour protester contre les JO d’hiver. Cela semble bien ridicule, c’est l’aveu d’un échec occidental. La Russie n’est pas non plus aimée, et ce de nous tous, depuis 1991. Elle a non seulement été humiliée, mais isolée. On sait ce que l’histoire fait des pays frustrés et humiliés. Moscou se rapproche donc de Pékin par solidarité, face à l’attitude moralisatrice et autocentrée occidentale.

Il serait bon de retrouver une dynamique qui ne crée par perpétuellement des humiliants et des humiliés, des vainqueurs et des vaincus. D’autant que si l’Occident avait actuellement l’ascendant, ça se saurait. Les valeurs qu’il défend se réduisent en réalité comme peau de chagrin sur le globe. C’est fort regrettable, mais c’est ainsi et c’est aussi sûrement le signe que quelque chose ne fonctionne pas ou ne fonctionne plus chez nous. Ce boycott de deux journées dans un évènement sportif mondial est assurément l’arme des faibles du multilatéralisme. 



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est chercheur en sciences politiques associé à l’ULB (Bruxelles) et à l’UQAM (Montréal). Publications récentes: "Les Emirats Arabes Unis à la conquête du monde" (2021, MAX MILO), "Les nouvelles menaces mondiales: La grande pandémie du déni" (2021, Mardaga).

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