Il manquait à tout amateur de cuisine et d’anecdotes culinaires une somme réunissant, avec humour et érudition, histoire, recettes et historiettes. C’est chose faite, il est encore tout chaud, c’est Le Bouquin de la gastronomie.
Jean Vitaux est un grand monsieur. Président de l’Académie des gastronomes – au fauteuil de Curnonsky, excusez du peu –, archiviste du Club des Cent et membre d’une ribambelle d’associations gourmandes, ses connaissances littéraires et académiques se doublent d’un savoir scientifique qui n’est pas inutile pour comprendre l’évolution de la gastronomie française au fil des siècles. Comme le souligne Nicolas d’Estienne d’Orves dans sa préface: « À bien y regarder, le goût est même le dernier sens que la France n’ait jamais cessé de faire rayonner. Si nous avons pu dicter la pensée, la politique, la diplomatie, une certaine philosophie, la littérature et les arts, cet empire s’est émoussé ; en revanche, chez nous, tout se passe encore à table. » Pour comprendre tous les rouages secrets, toutes les étapes nécessaires à l’élaboration de cet art de vivre, Jean Vitaux présente la gastronomie sous tous les angles: aspects théoriques et pratiques, ordonnancement des repas (service à la russe ou à la française), descriptions des produits et de leur usage, variations des recettes selon les classes sociales, sociologie du comportement du gastronome… sans oublier, bien sûr, les recettes. Son Bouquin en compte près de 500 ; des rôtis de Taillevent (XIVe siècle) aux bouillons d’apothicaires (tel ce bouillon de vipères pour purifier le sang), en passant par la grande cuisine bourgeoise du XIXe et, plus facile à réaliser, l’œuf à la coque ou la quiche au lard. Les amateurs retrouveront aussi quelques extraits du Festin Joyeux (1738), de J. Lebas. Les recettes sont en vers et, pour chacune, l’auteur indique sur l’air de quelle chanson elle doit être prononcée. Si Jean Vitaux consacre une large place aux gibiers, viandes rouges, foies gras et cassoulets, les recettes à base de légumes se comptent par dizaines: asperges à la Pompadour (de Monselet), concombres farcis (de Ligier), macédoines de légumes printaniers (d’Alexandre Dumas), purée d’oignons à la Soubise (de Carême), tomates farcies à la provençale (d’Escoffier), etc.
Plusieurs textes anciens et modernes prouvent par ailleurs que la question de la saisonnalité n’est pas la lubie d’une nouvelle génération de locavores, mais répond à un souci juste et humain, celui de savoir bien manger. Les plats proposés par Prosper Montagné (1865-1948) en sont la preuve. En janvier: barquettes d’huîtres à la normande ou darnes de saumon à la bourguignonne (sauce au vin rouge); en février, endives au parmesan; en mars, soufflé aux épinards dit à la florentine; en avril, paupiettes de merlan…
Ce livre se lit d’une main, l’autre étant occupée à tenir la casserole, et permet de méditer cette phrase de Brillat-Savarin : « La cuisine est le plus ancien des arts, car Adam naquit à jeun. »
Jean Vitaux, Le Bouquin de la gastronomie, Robert Laffont, 2020.
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