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Le boucher parisien qui n’en peut plus des bobos


Le boucher parisien qui n’en peut plus des bobos
Photo D.R

Hidalgo aura beau ratatiner la grandeur de Paris, les bobos gentrifier ses quartiers populaires et les idiots utiles défendre la trottinette, les Parigots resteront des têtes de veaux.


Avant, j’étais un Français périphérique. Je vivais tranquille là où finit la banlieue et où commence la campagne. Et puis ma femme, qui ne survivrait pas plus d’un week-end loin de Paname, a acheté un trois pièces de 45 m2 sans ascenseur dans le 14e arrondissement de Paris pour le prix d’un château en Bretagne.

Opération de communication d’Anne Hidalgo à vélo, juillet 2019 © ERIC DESSONS/JDD/SIPA Numéro de reportage: 00915389_000023

Au rez-de-chaussée de l’immeuble, il y a un boucher installé depuis les années 1970 avec sa femme et deux garçons bouchers sortis d’un film en noir et blanc de Truffaut. Il tient le dernier commerce « vieille France » de la rue. La plupart des boutiques ont été remplacées et pratiquement tous les commerçants. Un café est devenu kebab, un autre restaurant thaïlandais, un troisième est resté café, repris par des Chinois en gardant ses piliers de bar marocains, un coiffeur pour hommes a cédé la place à un « barber shop » pour métrosexuels, le marchand de presse est asiatique et le primeur arabe. Au milieu de cette diversité, deux agences immobilières restent françaises et prospèrent sur la gentrification, comme le boucher.

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Depuis quelques mois, une association de riverains, les hypervoisins, se charge de changer la vie d’habitants qui n’ont rien demandé avec la complicité de la mairie hidalgo-socialiste. L’ambition affichée est de mettre l’urbain à hauteur d’enfants. Le risque est de mettre la ville à hauteur de clodos et de vendeurs de shit nomades, et les sédentaires redoutent avec l’arrivée du printemps, celle des dealeurs et des braillards sous leurs fenêtres. Les adultes zigzaguent en rentrant du travail dans des rues à sens unique et sans places pour leurs voitures, remplacées par des emplacements pour trottinettes, des boîtes à compost et des containers multicolores pour déchets triés. 

Les habitants qui ont fui la surveillance de leurs voisins en province pour la paix de l’anonymat parisien et qui boudent les banquets citoyens regardent les hypervoisins financer du lien social subventionné avec leurs impôts, et découvrent que l’urbanisme est un isme du 21ème siècle qui entend changer la vie pour leur bien. 

Le boucher, dernier Gaulois réfractaire, dernier des Mohicans, regarde sa ville devenir un village mondial écolo pour bourgeois débraillés et mal rasés. Les affaires marchent mais la clientèle n’a pas l’air de lui plaire. Sa viande est tendre mais il a un caractère de cochon. Je l’avais remarqué. Depuis notre arrivée dans le quartier, quand on se croise, il ne dit pas bonjour. Il doit me mettre dans le même sac que le bobo qui féminise son quartier après avoir chassé le petit peuple prolo de Paris en faisant grimper le prix de l’immobilier pour faire de la capitale un tiers-monde à 10 000 euros le m2.

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Au début, je lui ai dit bonjour. Une fois mais pas deux. Il ne m’avait pas répondu. J’aurais pu l’affranchir : « Hé ducon, y a gourance. Je ne bosse pas dans le tertiaire, je roule au diesel, je fume des clopes et je vote FN ! », mais j’ai préféré la fermer. Je n’ai pas de comptes à rendre à ce mal-élevé. À présent moi aussi, je le croise sans dire un mot, même pas bonjour, bonsoir. Moi aussi, je lui fais la gueule. Moi aussi je deviens parisien.

Janvier 2022 - Causeur #97

Article extrait du Magazine Causeur




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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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