Je ne pensais pas revivre 1990. Non, 1990, cela ne pouvait pas se dérouler deux fois pour le passionné. Et pourtant ce fut pire que 1990. Cette fois, il n’y eut quasiment rien à se mettre sous la dent, rien que l’indigence toujours recommencée. De cette Coupe du monde annoncée comme historique, on retiendra donc les bonnes intentions teutonnes et quelques éclairs ibériques. C’est bien maigre. Mais c’est l’état actuel du football mondial. Ennui, tristesse, et Platini ventripotent à l’UEFA…
Bien entendu, la citadelle barcelonaise est toujours là, irréductible, rappelant que le jeu est au mouvement et à l’inventivité, on l’a vu lors du classico de décembre dernier contre le Real de Madrid. Le Barça abrite en son sein deux ou trois joueurs atypiques comme le sensationnel Lionel Messi. Mais voilà bien longtemps que l’idée du beau jeu ne séduit plus les centres de formation, postulat qu’Arsène Wenger, pourtant adepte d’un style virevoltant avec Arsenal, a résumé en ces termes : « Ce qui est beau n’est pas forcément efficace, ce qui est efficace est forcément beau. »
Oui, voilà longtemps que la fête est finie, une petite trentaine d’années pour être précis, quand la camarde, par le truchement de Paolo Rossi, décida de punir la plus fantastique génération de footballeurs brésiliens à avoir foulé un terrain. Le triplé de Rossi, ce 5 juin 82, sonna le glas d’une certaine conception du ballon rond. Plus jamais le Brésil ne joua comme le Brésil et tous ceux qui suivirent décrétèrent que jouer comme le Brésil, c’était perdre à coup sûr. Ainsi la France, qui s’offrit deux matchs de légende mais préféra, pour gagner sa Coupe du Monde, les bonnes vieilles méthodes puisées dans le Calcio et la mise au placard de son fameux carré magique au profit de trois demis défensifs à la technique incertaine.
Oui, je ne pensais pas revivre 1990. Et, en effet, la finale de la Ligue des Champions ne fut pas tout à fait 1990. Ce fut juste l’Inter au lieu du grand Milan. Mais à quoi bon contester le triomphe de José Mourinho ? Il est l’entraîneur le plus charismatique de son sport mais tout son charisme consiste à détruire le jeu de son adversaire. Il est le dernier avatar de ce football voué à l’efficacité et il nous ferait presque croire qu’il a raison, le diable, avec sa belle gueule d’acteur et ses talents de polyglotte. C’est un fossoyeur hors catégorie.
Bientôt l’ombrageux Ferguson et le distingué Wenger tireront leur révérence et dans l’univers des grands techniciens de la chose footballistique, il ne restera que des énarques sans génie et une étrangeté, Pep Guardiola. Il faudra s’y faire. Ennui, tristesse, et Platini ventripotent à l’UEFA…
Certes, seule la victoire est belle. Elle l’est cependant un peu plus quand elle émane du Barça. En cette période de vœux, souhaitons donc longue vie à la plus fabuleuse équipe de club depuis le mythique Ajax d’Amsterdam. Barcelone, c’est encore un rêve de gosse. Et à quoi rime le football sans cela ?
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