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Laurent Blanc n’aime-t-il pas les Noirs ?


Le foot français est en émoi. Même la ministre des Sports, Chantal Jouanno, entre deux marathons, celui de Paris et celui des sénatoriales, a demandé qu’on fasse toute la lumière sur les accusations formulées par Mediapart. Le site d’ Edwy Plenel prête en effet à Laurent Blanc, sélectionneur de l’équipe de France de football et à François Blaquart, directeur technique national, la volonté de limiter le nombre « des Noirs et des Arabes » dans les centres de formation. Il accuse notamment le successeur de Domenech d’avoir prononcé les propos suivants : « Les Espagnols, ils disent : nous on a pas de problème, des Blacks, on n’en a pas ». Ainsi, un quota officieux de 30 % de joueurs français d’origine africaine ou maghrébine aurait été fixé.

Laurent Blanc explique qu’il a effectivement participé à une redéfinition des critères d’entrée dans les centres de formation mais qu’elle s’appuie sur des éléments techniques. Il s’agit de rompre avec une discrimination qui avait cours depuis les années 1990 en vertu de laquelle les jeunes joueurs, considérés comme trop peu athlétiques mais dotés d’autres qualités comme la créativité, la vivacité et la virtuosité technique, étaient écartés. En gros, il s’agit de copier l’Espagne. De l’autre côté des Pyrénées, on favorise davantage les petits gabarits et, à voir jouer Iniesta, Xavi et Messi[1. Lequel est argentin mais a été formé à Barcelone où il est arrivé à l’âge de 13 ans], les Espagnols n’ont pas forcément à le regretter.

Rappelons que l’action de Laurent Blanc à la tête de la sélection nationale plaide pour lui. Le 25 mars dernier, il nommait Samir Nasri capitaine de l’équipe de France. Voilà un joueur créatif, vif et doué d’une technique de classe mondiale comme les aime Blanc. Des Nasri, il en veut davantage encore dans les prochaines années et il veut, à l’instar de nos voisins espagnols, en avoir plusieurs dans son équipe. Et Samir Nasri, en plus de toutes les qualités précitées, se trouve avoir des origines maghrébines. Si Laurent Blanc voulait bouter Noirs et Arabes hors de nos sélections, commencerait-il par confier les clés du jeu des Bleus au lutin d’Arsenal ?

Sans doute le sélectionneur aurait-il, dans le futur, souhaité sélectionner aussi le jeune sochalien Ryad Boudebouz, Français né à Colmar, mais il a opté pour la sélection algérienne grâce à la nationalité de ses parents. C’est là qu’on en arrive à la deuxième accusation de Mediapart. Le site explique que les autorités du foot, Blanc en tête, déplorent le fait que des gamins bénéficiant de la double-nationalité finissent par jouer dans d’autres sélections après avoir été formés dans les centres de formations français et après avoir évolué sous les couleurs françaises dans les équipes nationales de jeunes. Sur ce sujet précis, Blanc et Blaquart assument. Là encore, point de quotas ethniques à l’horizon mais une réflexion autour de l’idée de s’adapter à l’évolution des règlements du foot international. Pourtant, Mediapart persiste et signe. Samedi matin, le site publiait de nouveaux éléments dont le verbatim d’une réunion, ce qui a conduit Chantal Jouanno à suspendre François Blaquart, directeur technique national, dans l’attente de la fin de l’enquête interne à la Fédération.

Plaçons-nous dans l’hypothèse que cette enquête confirme les faits relatés par Mediapart. Admettons que Blanc et Blaquart trouvent, comme Georges Frêche en son temps, que les joueurs blancs de peau, comme le chantait Nougaro, sont trop peu nombreux dans le foot français lequel ne serait pas à l’image de la France et de sa diversité. Cela serait-il aussi scandaleux que les déclarations de la présidente d’Areva sur les « mâles blancs » trop nombreux selon elle dans l’encadrement de son entreprise ? Cela serait-il aussi révélateur de notre échec que l’instauration autoritaire de la parité en politique ? Cela serait-il aussi honteux que le soutien de Patrick Lozès, président du CRAN, à André Santini, qui entreprit en décembre 2008 de nettoyer les concours administratifs (catégorie B et C) de la Culture générale, sous le prétexte, raciste – n’ayons pas peur de l’écrire -, que cela ferait davantage de place à la diversité ? Ma réponse est oui. Cela serait tout aussi scandaleux, honteux, révélateur de notre échec. Pas moins. Mais pas davantage. L’universalisme est une idée qui se porte mal en France, qui en avait pourtant fait un pilier de son pacte républicain. Que l’on sache, l’idée de quotas, d’affirmative action, elle n’est pas arrivée dans notre pays dans le sac de sports de Laurent Blanc. C’est bien un Président de la République, Jacques Chirac, qui a publiquement déploré que les minorités visibles ne le soient pas assez, visibles, à la télévision. C’est bien son successeur qui a envisagé de constitutionnaliser la « discrimination positive », cet oxymore maudit[2. Que Simone Veil soit remerciée de son action à la tête de la commission qui décida, finalement, d’y mettre le hola]. A chaque fois, ceux qui s’y sont opposés ont été dépeints comme des archéo-républicains, quand ce n’était pas des nationaux-républicains. Aujourd’hui, on les qualifierait plutôt de néo-réacs. Finalement, en dénonçant cette éventuelle mise en place de quotas, Mediapart est peut-être devenu un organe de presse néo-réac. Bienvenue au club[3. Je sais, ce n’est pas beau de se moquer] !



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