Le procès intenté à Laurent Blanc n’est pas seulement injuste, il est scandaleux. Comme souvent, quelques Torquemada de bac à sable se sont jetés sur une proie. Pourtant, la binationalité dans le football est un problème réel. Quant à la volonté de diversifier les profils techniques et physiques des joueurs, je la trouve pour ma part fort louable.
Laurent Blanc est accusé d’avoir approuvé le principe d’une limitation par voie de quotas du nombre de joueurs susceptibles d’opter pour une sélection étrangère, autrement appelés « binationaux ». Cette idée est peut-être inopportune et inefficace. On devrait néanmoins remercier Laurent Blanc et François Blaquart, directeur technique national, de se soucier du fait que les deniers publics servent la sélection nationale plutôt que les sélections rivales.
Il est par ailleurs totalement faux que les quotas sont rigoureusement interdits dans le football. Certes les quotas ethniques sont illégaux et c’est heureux. En revanche, chaque samedi, les dirigeants des clubs professionnels qui s’affrontent dans les championnats doivent aligner des équipes comportant au plus trois joueurs ressortissants de pays extra-européens. Jusqu’au funeste arrêt Bosman de la Cour de justice de Luxembourg, en 1996, il ne s’agissait pas d’un quota hors-UE mais d’un quota de « non-sélectionnables » en équipe nationale. Huit joueurs sélectionnables en équipe de France devaient donc être alignés par les entraîneurs dans les clubs français.[access capability= »lire_inedits »]
La discrimination des « petits gabarits »
C’est ainsi que, jusqu’à cette décision des juges européens, les joueurs « binationaux », afin de ne pas compter comme « étrangers » dans leur club, optaient naturellement pour la sélection française. Grâce à ce quota, un joueur comme Zidane, de parents algériens, choisit naturellement l’équipe de France. Sans l’arrêt Bosman, on peut penser que Erding, l’avant-centre du PSG, ou Moussa Sow, le meilleur buteur du championnat de France, l’auraient imité au lieu de se laisser tenter par les sélections turque et sénégalaise. Comme toujours, ce sont les institutions européennes non élues qui ont créé la chienlit. Leur soif de détruire les États-nations et de promouvoir l’idéologie néolibérale les ont conduites à détruire les équilibres économiques, sociaux et culturels qui prévalaient jusqu’alors et qui, dans le cas d’espèce, permettaient aux petits clubs de conserver beaucoup plus longtemps les joueurs qu’ils avaient formés.
On reproche par ailleurs à Laurent Blanc d’avoir voulu instaurer une politique discriminatoire à l’encontre des jeunes Noirs à l’entrée des centres de formation. Or, ce qu’il voulait, au contraire, c’était rééquilibrer le recrutement non pas en fonction de l’origine mais des qualités physiques, autrement dit mettre fin à la discrimination que subissaient les « petits gabarits » − de toutes origines. D’où sa fameuse phrase sur « les Espagnols et les Blacks »[1. La phrase prêtée à Laurent Blanc est : « Les Espagnols, ils disent : » Nous, on n’a pas de problème. Des Blacks, on n’en a pas. » »]. Pendant des années, la Direction technique nationale, contrairement aux centres de formation de certains clubs professionnels, a favorisé la détection de jeunes joueurs sur la base des qualités athlétiques. Ainsi, les « pôles Espoirs » avaient refusé le jeune Marvin Martin, meilleur passeur du championnat de France. Une radio du poignet – dite « âge osseux » − avait conclu que sa taille adulte présumée (1,71m) serait insuffisante. Refusés à la fois par la DTN et par les clubs, certains joueurs ont dû s’expatrier, à l’instar d’Antoine Griezmann, champion d’Europe des moins de 19 ans, installé en Espagne. Ce choix technique a abouti au recrutement d’une forte proportion de jeunes Antillais ou de jeunes gens d’origine africaine, souvent plus en avance physiquement à l’adolescence. Et c’est évidemment ce choix technique et physique que Laurent Blanc a voulu remettre en cause pour ouvrir le football national à tous les types de joueurs, politique soutenue par Zinedine Zidane, qui s’est notamment traduite par la nomination de Samir Nasri au poste de capitaine le 25 mars. Lui prêter l’ombre d’un sentiment raciste est tout simplement obscène.[/access]
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