Tout le monde ne connaît pas Laurence Equilbey. Elle ne campe ni chez Delahousse ni chez Ruquier, thermomètres à popularité rayon culture – en attendant que Stupéfiant !, le magazine « moderne, accessible, addictif et parfois insolent » présenté par Léa Salamé sur France 2 décolle au-dessus de 5%.
Donc, tout le monde ne connaît pas Laurence Equilbey. Sauf dans le milieu. Il y a vingt-six ans, la frangine a fondé un chœur, Accentus, qui a envoyé des étincelles au-delà du sérail. C’est même un don qu’elle a, de pouvoir enregistrer des tubes commerciaux genre Adagiode Barber, ou carrément électro sous le pseudo d’Iko, tout en restant l’égérie de la Musique Contemporaine avec un M grand comme Ministre, qu’elle n’est pas (encore), et un C grand comme Commandeuse, des Arts et des Lettres qu’elle est. Pas que Commandeuse : Chevalière de la Légion d’honneur, Officière du Mérite, Victorine de la Musique classique (plein de fois), etcetera, etcetera. Et depuis le 22 avril résidente, pour ne pas dire châtelaine, d’un auditorium flambant neuf : la Seine musicale, boule de verre grandiose qui remplace maintenant les usines Renault dans l’île Seguin à Billancourt.
Où sont les femmes ?
Tous ces féminitifs pas pour faire joli mais parce que la Chevalière Laurence, entre autres combats, mène depuis quelques années celui de la parité des chef(fe)s. À l’époque où elle se présentait pour rire à l’élection présidentielle (élection, nom féminin, un bon point. Mais comme « féminin » est un nom masculin, on sent tout de suite l’arnaque), donc à l’époque, son programme comportait cet article présidentiel-ci : « Je proposerai la mention suivante dans le cahier des charges des institutions culturelles publiques : la direction fera les meilleurs efforts pour intégrer des femmes dans les génériques des créations artistiques. » Notamment et surtout aux postes de commande. Programme relayé dans la plaquette de la SACD soutenue par la Chevalière malgré son titre piqué à un Patrick Juvet période Berlusconi : « Où sont les femmes ? »
C’est vrai, ça, où sont-elles ? À la tête d’aucun orchestre français en tout cas. Pour des tas de raisons. Comme par exemple que[access capability= »lire_inedits »] depuis la naissance du métier, mettons vers 1800, chef d’orchestre est un bizness de mecs et que c’est dur de lutter contre les siècles (enfin, c’était dur jusque y a pas longtemps).
La féminisation du métier
Bref, disait La Palice, le fait est que le fait est. Et le fait est que ça change au galop. Juste avant que la Chevalière Laurence et son orchestre accèdent au trône de l’île Seguin, une consœur accomplissait des miracles.
Nathalie Stutzmann, contralto depuis les langes devenue elle aussi un « authentique chef d’orchestre » (dixit le patron du Philarmonique de Berlin, Simon Rattle), et Chevalier, et Officier et tout et tout (pas de désinences aux hormones dans son cas, ça la déprime), notre Nathalie nationale vient de se faire élire Premier chef invité de l’Orchestre symphonique de la radio-télévision irlandaise. L’hiver dernier, elle dirigeait Tannhäuser de Wagner à Monte-Carlo – pas n’importe quoi, pas n’importe où, pas n’importe comment. Vive Nathalie !
Et Simone Young qui vient de toréer Carmen aux Champs-Élysées. Et Susanna Mälkki, créatrice de Trompe-la-Mort à l’Opéra de Paris. Et Emmanuelle Haïm qui convertit à Händel les Berliner et les Wiener Philharmoniker. Et Odaline de la Martinez, et Alondra de la Parra, et les filles qui arrivent d’Amérique latine où y a du mambo dans les institutions. Et d’Asie aussi. Baguette, nom féminin, ça se confirme.
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