Le poème du dimanche
Quand on lit Mariées rebelles, on comprend enfin pourquoi la grande Laura Kasischke dit qu’elle a toujours voulu être d’abord reconnue pour sa poésie. Et pourtant, ses romans comme, par exemple, En un monde parfait ou Sa vie devant elle, hantent encore les lecteurs qui ont eu la chance de rencontrer les livres de cette autrice américaine qui ne cesse de surprendre par un univers qui n’appartient qu’à elle, comme si elle était le barycentre improbable entre Stephen King et Joyce Carol Oates ou Margaret Atwood et Bret Easton Ellis.
Disons, pour aller vite, qu’on retrouve dans sa poésie le même art de la précision et de l’émotion, de l’inquiétude et de l’étrangeté nichées au coeur du quotidien. La cruauté, la beauté et un lyrisme presque sauvage ajoutent une note proprement américaine à cette poésie parfaitement rendue par la traduction de Céline Leroy.
« Quand ce sera terminé je dirai,
Il y a eu de belles nuits.
Certaines ont le même goût
qu’a eu ma vie toute entière.
Comme cette nuit d’août
où un voisin m’a payée
Pour danser sur sa table de pique-nique.
La Voie Lactée comme une trainée
de fumée dans le ciel.
Moi, la bouche ouverte, de l’air
partout
et son visage éclairé et flottant
sur l’étoile d’une cigarette.
J’avais dix ans et jusqu’à maintenant
je ne me rendais pas compte
que j’étais nue. »
Laura Kasischke, « Perte de vitesse. » in Mariées Rebelles. (Editions Page à Page)
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