Entre sursaut démocratique et déclin, l’Algérie est un pays où le système continue d’être contesté chaque vendredi. Des élections seront organisées en décembre.
« Sahla démission ». Le message est clair et expéditif. La contestation continue encore et encore… dans le pays qui a vu naître El Ouafi, Mimoun, Boulmerka et Morcelli, l’endurance semble un don. Mais le Graal espéré est loin d’être gagné d’avance. Trente-trois vendredis de suite, des dizaines de milliers d’Algériens défilent encore et encore pour un changement de régime et une démocratie nouvelle. Toute la caste est visée. L’exemple de leur voisin tunisien donne un étrange mélange de frustration et d’espoir qui n’entérine pas l’orgueil populaire. Et malgré la décision du chef de l’Etat-major d’interdire l’accès à la capitale aux Algériens des autres wilayas, Alger a été le théâtre de l’une des plus imposantes manifestations depuis le début de l’Hirak.
Le système en place joue la montre
D’après les slogans brandis par les manifestants dans tout le pays, les Algériens refusent l’organisation d’élections avant un changement complet des symboles de l’ancien système.
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Après deux reports, la date du scrutin présidentiel est officiellement fixée au 12 décembre par le chef de l’État par intérim Abdelkader Bensalah. Mais cela ne suffit pas aux habitants de ce pays qui demande un grand coup de balais à la tête des institutions. Le ton s’est également durci au sein de l’appareil d’état. Le général Sahla[tooltips content= »En 2019, à la suite de manifestations massives contre le régime, il pousse à la démission le président Abdelaziz Bouteflika, dont il était jusqu’ici un proche. Il est appelé à son tour à quitter le pouvoir, dont il a de facto hérité d’une grande partie ndlr »]1[/tooltips], le chef d’état-major, continue d’imaginer l’Algérie comme une caserne géante : augmentation des arrestations arbitraires, interdiction des drapeaux kabyles dans les manifestations, visite constante auprès des effectifs militaires dans chacune des wilayas… On est loin de l’angélisme de certains commentateurs qui pensaient l’Hirak comme une révolution de velours. Chassé le naturel il revient au galop. Certes nous ne sommes pas dans la Kabylie des années 60, en 88 à Alger ou durant les années noires… mais l’art du compromis ne semble pas être une tradition algérienne et chacun des deux camps semble jouer la montre.
Les hauts-gradés et les officiers capables de régénérer le pays se font rares, sont vieux et n’ont plus la légitimité de leurs aînés. Ils n’ont aucune vision collective et ne peuvent plus jouer le coup de l’islamisme. L’armée actuelle n’est plus issue de l’armée des frontières des années 60 qui combattaient pour un clan les opposants kabyles ou les socialistes. Encore moins celle des années noires affrontant le Front Islamique du Salut. Ce n’est également pas une armée ethnique à la alaouite en Syrie défendant une vision tribaliste de la société. C’est l’Algérie jacobine avec son armée nationale composée de jeunes conscrits dont les mères, les sœurs, les pères représentent l’Hirak. Le pouvoir peut beugler, grogner, aboyer mais rien n’y fait les Algériens lui tiennent tête pacifiquement mais fermement.
Une élection irréelle
Garantir des élections est une chose. Balayer le pouvoir en place et changer de constitution en est une autre. Et l’opposition est ferme sur ce point. Si ferme que l’Autorité nationale indépendante des élections a annoncé il y a deux semaines que 10 postulants à la candidature avaient retiré les formulaires de souscription.
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Le président du parti politique d’opposition « Talaie El Hourriyat », Ali Benflis a retiré les formulaires de candidatures. Il a été suivi. De l’autre côté de la barricade, Abdelkader Bengrina, l’ancien ministre du Tourisme, candidat du parti au pouvoir et du système a annoncé à son tour, samedi dernier, sa candidature. Il est même le premier à faire part de sa participation candidat au scrutin. « Je ne vois aucun candidat potentiel à ce scrutin organisé par les symboles du système! » s’exclame la jeune et talentueuse journaliste Amira Boudjemah, symbole de ce pays plein de ressources mais bloqué par les conservatismes et le népotisme…
Mais refuser le réel, refuser de manière mendésiste à participer à ce scrutin, c’est aussi fuir le combat. Car si la rue est si forte pourquoi ne pas soutenir un candidat d’union nationale susceptible de battre sur son propre terrain l’Algérie du passé pour incarner durablement celle de demain ? La politique de la chaise vide ne peut que conforter le crochet tendu par le pouvoir, et continuer en janvier 2020 la morose routine d’un déclin collectif permanent.
L’Hirak ne craque pas, le pouvoir non plus. Mais l’Algérie va-t-elle craquer ? Le pays né et consolidé sur un mythe est face à son destin. Aux âmes de bonne volonté d’être lucides sur le chemin collectif à suivre pour démonter ces légendes usurpées et tenter de continuer une histoire. Qui sait, peut-être un jour avec un grand « H ».
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