Joseph Blatter, qui préside la FIFA, vient de jeter un pavé dans la mare en annonçant vouloir supprimer les séances de tirs au but, pour départager les équipes lors des matches à élimination directe, lorsque la prolongation n’a pas pu désigner de vainqueur. C’est peu dire que cette proposition ne recueille pas mon assentiment.
Ne le cachons pas, j’ai sur Joseph Blatter une opinion mitigée. Autant je salue sa résistance devant la puissance des télévisions pour ne pas leur donner les clefs de la boutique en autorisant le vidéo-arbitrage, autant il n’est pas exempt de tout reproche pour l’attribution des phases finales de Coupe du Monde, la FIFA rivalisant largement avec le CIO quant aux suspicions qui ont pu entourer les dernières désignations.
A propos des tirs au but, Blatter nous explique qu’ils ne constituent pas « l’essence du football » en ce qu’ils lui retirent son aspect collectif. Cet argument ne nous convainc pas. D’une part, les qualités collectives intrinsèques sont sollicitées pendant cent-vingt minutes avant de passer à cette épreuve. D’autre part, cette dernière fait appel à au moins cinq joueurs de champ en plus du gardien de but. L’aspect collectif des tirs au but ne saurait donc être complètement gommé. Et puis, on va mettre quoi à la place ? On ne va pas revenir à la pièce de monnaie ! La solution idéale serait de rejouer le match. C’est encore le cas pour les coupes nationales en Angleterre et cela se pratiquait naguère en finale de Coupe de France. Mais les calendriers surchargés rendent cette solution obsolète. Ajoutons qu’en phase finale de Coupe du Monde, qui s’étend sur trois semaines, rejouer la finale trois jours plus tard serait possible mais quid des huitièmes, quarts et demi-finales ? Impossible à organiser.
Et puis, supprimer cette épreuve, c’est nous priver à l’avance de magnifiques souvenirs, de dramaturgies qui font date dans l’histoire de ce sport. Séville 82, Guadalajara 86 (face au Brésil) et le quart de finale 1998 contre l’Italie ont marqué les Français pour l’éternité. Moi-même, j’ai vécu avec mon club favori deux finales victorieuses et inoubliables, en 2004 et 2007 au Stade de France, grâce au fantastique gardien – et personnage – Teddy Richert[1. Je ne pouvais omettre au passage de rendre hommage à celui qui vient de quitter, à 38 ans, le FC Sochaux-Montbéliard, alors qu’il lui a offert ses deux seuls trophées depuis 1937. Bon vent à lui !].
Reste que Blatter reste prudent et a opté, à la manière d’un Jean-Marc Ayrault, pour une concertation. Ce sont des vieilles gloires footballistiques, de Beckenbauer à Karembeu, qui seront chargées de lui formuler des propositions. Gageons que ces stars du ballon rond, après lui avoir fort heureusement conseillé de ne pas mettre le doigt dans l’engrenage du vidéo-arbitrage, lui recommanderont encore le statu quo.
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