Dans un entretien accordé au journal Le Monde[1. Jean-Louis Bianco, « La France n’a pas de problème avec sa laïcité », propos recueillis par Stéphanie Le Bars, Le Monde, 25 juin 2013.], le président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, ose affirmer que « ces dernières années, on a eu tendance à faire de la laïcité une référence commode, une “réponse-valise” à tous les problèmes de la société » et que « les atteintes à la laïcité ont peut-être été surestimées ». On connaît bien ce refrain pour l’avoir maintes fois entendu au sujet des questions d’insécurité. C’est le cerveau des Français, sujet aux mirages, qui leur jouerait des tours. Dormez, braves gens !
Ayant fait partie de la « mission laïcité » du Haut Conseil à l’intégration jusque très récemment – c’est-à-dire jusqu’à ce que la Présidence de la République la dégage, pour cause de persistance de certains de ses membres à défendre la laïcité et à refuser d’enfourcher le cheval des accommodements dits « raisonnables » importés du Québec, où ils ont rencontré le succès que l’on sait –, je suis des mieux placés pour affirmer que la situation qui est décrite dans cet entretien ne correspond pas à la réalité et que, bien au contraire, la laïcité a été, toutes ces dernières années, la cible privilégiée d’offensives répétées et de moins en moins feutrées. Les tabous ont sauté, la gêne et la mesure se sont envolées. Les rapports publiés par le HCI en attestent : aucun domaine, aucune sphère, aucun lieu n’est épargné.
Jean-Louis Bianco est-il un cas isolé ? Dans une note émanant de Matignon et destinée à préparer, avec les ministères concernés dont celui de l’Intérieur, la refondation de la politique d’intégration, on peut lire que va être mis en œuvre « un vaste travail de refondation de la politique d’intégration, qui pourra prendre en compte les pistes ouvertes par Thierry Tuot[2. Thierry Tuot, « La grande nation : pour une société inclusive », Rapport au Premier ministre sur la refondation des politiques d’intégration, février 2013]». Cette note stipule, entre autres, qu’« il est donc temps d’opérer un déplacement, un pas de côté dans la façon de concevoir ces questions. Ne pas maîtriser la langue française après des années de séjour, porter le foulard, afficher ostensiblement sa différence dans la sphère publique etc., ces éléments peuvent alors se comprendre comme autre chose qu’une tradition maintenue ». Avant d’affirmer que « refonder notre politique d’intégration suppose de répondre à l’attente des personnes immigrées et de leurs descendants : être considérés comme n’importe quel Français ».
Pourquoi cette propension à systématiquement mentir aux immigrés et à leurs descendants ? [access capability= »lire_inedits »]La vérité, c’est que tant qu’existera la communauté nationale française, celle d’Ernest Renan, de Marc Bloch et de Charles de Gaulle, ne seront admis en son sein que ceux qui auront été reconnus par elle comme ayant adopté les principes et valeurs des Français ; le meilleur indicateur en la matière étant la transmission de ces principes à ses propres descendants. Ce qui m’étonne, ce sont l’inertie et le silence assourdissant de Manuel Valls face à ce que les socialistes concoctent sur ces questions, alors qu’il ne doit le brillant de son étoile auprès de l’opinion publique qu’à sa défense de la laïcité et de l’ordre républicain.
Si le principe constitutionnel de laïcité est autant attaqué, c’est qu’il a été parfaitement identifié comme la digue qui protège la France. Finalement, ceux qui abhorrent nos principes auraient eu tort de ménager leurs offensives, tant ils ont été aidés dans leur entreprise par ceux qui depuis l’intérieur du système – médias compris − leur ont bien facilité la tâche : les uns par peur, les autres par une terrifiante indifférence envers le devenir du peuple français, d’autres encore par incompétence, insouciance, légèreté et incapacité chronique à anticiper les conséquences sur la paix civile d’une démission aussi prononcée des élites. Il faudrait un livre entier pour recenser et décrypter les raisons de cette étrange défaite qui frappe de nouveau la France. Le peuple français, lui, aura simplement aspiré au respect des ressorts de son identité. Ce droit élémentaire lui a été dénié. John Fitzgerald Kennedy disait : « À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inéluctable les révolutions violentes. » [/access]
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