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Laïcité dans la justice : le voile et la robe

Le communautarisme tente désormais de s’infiltrer dans la Justice


Laïcité dans la justice : le voile et la robe
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, mars 2021 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage : 01007443_000056

Le 2 mars dernier, la Cour de cassation rendait un arrêt aux termes duquel elle estime légale la disposition du règlement du barreau de Lille qui interdit aux avocats de porter, avec leur robe, tout signe distinctif ou d’appartenance religieuse.


Il est donc reconnu, par la haute juridiction, la compétence du conseil de l’ordre d’un barreau pour règlementer le port et l’usage de la robe d’avocat, en l’absence de dispositions législatives spécifiques et à défaut de dispositions règlementaires édictées par le Conseil national des barreaux (l’instance nationale représentative des avocats).

Cette décision de la Cour de cassation a été rendue dans le cadre d’une affaire où une élève avocate avait refusé de faire comme tout le monde lors de la cérémonie de prestation de son premier serment. En méconnaissance du règlement établi par le barreau de Lille, l’élève portait un signe religieux ostensible. Elle n’a donc pas pu prêter son serment. Lorsque l’on revendique l’expression de sa différence, on ne peut exiger l’application du principe d’égalité. Au risque de trahir d’emblée tout suspense, le signe ostensible en question n’était ni une kippa ni une grande croix. Étonnant non ?!

Malheureusement, cette décision de la Cour de cassation n’est pas suffisante pour mettre un terme aux revendications identitaires et vestimentaires que chaque corps de la société française a le droit de subir en permanence, du collège de Creil aux piscines de Grenoble en passant par certaines joueuses de football.

En reconnaissant une compétence aux différents barreaux pour prendre leurs dispositions sur ce sujet, chaque barreau est désormais confronté à cette question : est-il opportun de réglementer la tenue de l’avocat au tribunal ?

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Juridiquement, cela n’aurait aucun sens à part expliciter ce qui existe déjà. Quel intérêt à réglementer l’évidence en adoptant une disposition qui serait dénuée de toute portée ? Lorsqu’il intervient comme auxiliaire de justice, l’avocat concourt au service public de la justice, sa robe garantit l’égalité entre tous les avocats et, à travers elle, l’égalité des justiciables, fondement du droit au procès équitable. Dans l’exercice de ses fonctions de défense, l’avocat efface ce qui lui est personnel au profit de la défense de son client. Le barreau n’est pas Macdo, on ne vient pas comme on est. Il existe des règles, un savoir-vivre et des principes déontologiques qui exigent une tenue appropriée.

Tous les avocats ne partagent pourtant pas cette idée selon laquelle nos règles prohiberaient le port de signes religieux avec la robe. Une tribune publiée chez Mediapart rappelle que les libertés fondamentales impliqueraient assurément le droit légitime pour toute avocate de porter un hijab lorsqu’elle plaide en juridiction. Oser penser le contraire reviendrait assurément à se complaire dans le racisme, l’islamophobie, la discrimination, les amalgames, les stigmatisations (compléter la liste avec le refrain habituel).

Tout cela, pour les auteurs de ce texte, au nom du respect de tous les principes imaginables (la tolérance, la bienveillance, les droits de l’homme, la gentillesse,…) mais certainement pas du respect de la langue française qui, comme à l’accoutumée pour ce genre de revendications, est massacrée sous sa forme inclusive.

À la lecture des arguments employés, l’invocation des grands principes à rebours de ce pour quoi ils ont été institués, inspire une forme de sidération. Tout le propos peine pourtant à masquer le caractère paradoxal de la démarche entreprise. Ces personnes qui n’ont comme seule et unique préoccupation de revendiquer leur accoutrement personnel n’ont, à aucun moment, conscience des concessions évidentes qui sont rendus nécessaires par l’intégration dans une communauté professionnelle.

Qu’il est navrant de voir des confrères se complaire dans la confusion naïve entre ce qui relève de la liberté et ce qui n’est rien d’autre que l’expression de l’égoïsme le plus crétin.

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Quel crédit donner à celles qui n’ont de cesse :

  • de réclamer l’égalité, mais qui font exprès de ne rien faire comme tout le monde ;
  • d’invoquer l’ouverture à l’autre, mais se complaisent dans le repli sur elles-mêmes ;
  • de revendiquer la tolérance, mais qui ne sont animées que par des exigences agressives ;
  • de se prétendre victimes alors qu’elles ne sont que provocatrices.

On serait presque ému à la lecture du témoignage de la pauvre élève avocate qui, à cause de la décision de la Cour de cassation, doit renoncer à son rêve d’être pénaliste (elle ne pourra pas plaider en audience), n’arrive pas à trouver de collaboration et se sent exclue.

Effectivement, lorsque l’on se place sciemment en marge des exigences déontologiques élémentaires, c’est le prix à payer. Le port de la robe symbolise le respect que l’avocat doit au juge, à ses confrères et à son client. Peut-il en aller autrement pour celle qui délibérément n’a pas le souci de l’autre et n’est guidée que par des considérations nombrilistes : moi, mon voile, ma liberté, mes choix, ma religion.

Vraiment, ce n’est pas de chance, parce que c’est toujours sur le voile que ça tombe ! À croire qu’il y aurait un acharnement savamment orchestré, un racisme systémique parfaitement en place dirigé contre ces jeunes femmes empêchées de pouvoir librement exprimer leur personnalité. Que la France est intolérante, rance, raciste et nauséabonde, elle qui interdit aux femmes de porter un voile alors même qu’en Afghanistan c’est autorisé !

Oui, ce n’est pas de chance, mais il suffit d’ouvrir les yeux pour se rendre compte que, hormis les revendications liées au voile, il n’en existe aucune autre. Aucun avocat n’a exigé de porter une tenue délibérément ostentatoire et provocante en audience. Moi qui suis un grand fan du Tour de France, il ne m’est jamais venu à l’idée de venir plaider en audience avec mon bob cochonou vissé sur la tête, pourtant c’est ma liberté fondamentale à moi de faire ce que je veux.

Aujourd’hui, l’enjeu est important pour la profession, il est urgent qu’elle adopte sur le fond une position ferme sur le rappel de nos principes: aucun signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique n’est toléré avec le port de la robe d’avocat.

Il est grand temps de sortir des débats biaisés et des revendications nombrilistes. Espérons que nos instances contribueront à endiguer ce phénomène de harcèlement communautariste qui ne fait que trop durer.



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