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L’affaire Zemmour et le reniement de la France


Une fois de plus, et peut-être une de trop, Eric Zemmour aura franchi la ligne jaune. Dans sa chronique quotidienne sur RTL, le 23 mai dernier, il s’en est pris à la nouvelle ministre de la Justice, Christiane Taubira, en des termes que SOS Racisme et le MRAP ont jugés racistes et misogynes. « En quelques jours, Taubira a choisi ses victimes, ses bourreaux, déclarait-il. Les femmes, les jeunes des banlieues, sont dans le bon camp à protéger, les hommes blancs dans le mauvais ». Le chroniqueur, en somme, est taxé de discrimination non pour avoir évoqué le sexe ou la couleur de peau de la ministre (il ne l’a pas fait), mais pour avoir, justement, dénoncé ce qu’il croyait être une discrimination !

Pas de liberté pour les ennemis de la liberté, scandaient les révolutionnaires. Nous voici un stade plus loin : pas de liberté pour les ennemis des ennemis de la liberté. Nous vivions dans l’absurde, nous voici désormais dans l’absurde au carré. Vous dénoncez le racisme ? C’est donc que vous êtes raciste ! Enfin, précisons : un certain racisme, le racisme antiblanc et antifrançais, qui, par décret, n’existe pas. Ainsi, jamais un rappeur de banlieue ne fut condamné pour les véritables appels au règlement de compte avec les « souchiens » qu’on entend sur l’internet ou les radios communautaires. Ainsi peut-on lire dans Les Inrockuptibles que les écrits d’un Denis Tillinac, corrézien déclaré et bon-vivant, «suintent le “Français de souche”» sans que personne ne s’en émeuve. On imagine, s’en amuse Elisabeth Lévy, le scandale si un « média honorablement connu » avait écrit que « le dernier film de Djamel sent le Beur »…

Ainsi donc, du moment que le racisme antiblanc n’existe ni ne peut exister, ceux qui troublent l’ordre public avec des problèmes imaginaires ne peuvent être que des incitateurs à la haine raciale. La boucle est bouclée !
Voici quelques années, j’ai publié Le communisme du XXIe siècle, un essai de Renaud Camus que ses éditeurs parisiens avaient mis sous le boisseau. Il y disait en résumé que, dans son pays, on était prié de ne pas voir la voiture qui brûle devant la porte de son immeuble. J’avais accepté de publier l’ouvrage sans retouches, et sans le faire lire par un avocat. L’illustre écrivain n’en revenait pas !

Triste France, m’étais-je dit alors. Au temps où Hitler et Staline bâillonnaient l’Europe, les Français s’écharpaient en des polémiques d’une violence aujourd’hui impensable, qui finissaient parfois en duels au petit matin, et parfois en chefs-d’œuvre littéraires, mais rarement à la XVIIe Chambre. Cette France où fleurissait l’invective demeurait un idéal pour les esprits libres du monde entier. Sa défaite militaire face aux nazis signifiait la mort de la liberté en soi.

La France de SOS Racisme n’est plus un idéal pour personne. Elle n’est pas le seul pays à vivre en régime de bien-pensance, mais c’est elle qui, jadis, a inventé cette liberté d’esprit qu’elle criminalise à tout va. On y stigmatise Zemmour pour Taubira, mais aussi Pagny pour avoir déploré l’accent « rebeu » des écoliers, Kassovitz pour avoir contesté la version officielle du 11-Septembre et Taddéi pour l’avoir laissé parler… j’en passe et des meilleurs. Fossilisée, l’élite française nourrie d’une philosophie du respect de l’individu gouverne désormais par son antithèse : le communautarisme et la peur.

L’antifascisme n’existe qu’en tant que force d’opposition. Lorsqu’il s’institutionnalise et met la main sur l’appareil de répression, il devient son contraire. La France en dérive nous en fait la démonstration.

Texte paru dans Le Matin Dimanche du 3 juin 2012.



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est directeur des éditions Xenia et rédacteur en chef d’Antipresse.net.

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