Elisabeth ! Mon Elisabeth ! Comment peux-tu dire des choses pareilles ? On reprend à zéro. Réponds-moi simplement à cette question : la loi peut-elle dicter les modes vestimentaires ? Tous les Etats de droit au monde ont tranché sans même s’interroger : les gens ont le droit de s’habiller comme ils l’entendent. Est-il interdit de porter une cagoule dans la rue ? On en trouve dans les défilés de mode ! Cette semaine seulement, un décret ministériel vient de prohiber le port de la cagoule « aux abords immédiats des manifestations », c’est dire qu’il est permis ailleurs.
Une burqa en cache une autre. Si des bouddhistes dissimulaient leur visage, on trouverait ça pittoresque. Tu ne parles pas de burqa, tu parles de l’Islam, des musulmans, de cinq, dix pour cent de la population avec qui le reste du pays est en bisbilles. À ces musulmans (la fraction la plus misérable en France), tu dis : cessez d’être musulmans ou cassez-vous. On ne veut plus vous voir. Pas de musulmans dans mon pays. Tu leur envoies ce mollard à la gueule au moment même où ils sont absolument déterminés à devenir plus musulmans que jamais. Rien que pour te faire chier. Rien que pour ça. Ah, tu veux pas que je sois musulman, eh ben tu vas voir. La burqa, je vais te mettre. Et va me l’interdire, voyons un peu si tu tiens autant à ton Etat de droit que tu le prétends, sale occupante d’Irak et d’ailleurs.
Je t’entends hurler d’ici. Moi, contre les musulmans en France ? Sitbon ! Où as-tu été chercher ça ? Qu’ils prient nuit et jour, qu’ils jeûnent jusqu’à plus soif, qu’ils se laissent pousser la barbe jusqu’aux baskets, j’en n’ai rien à cirer, c’est leur affaire. S’ils sont cons, qu’ils le restent. D’ailleurs, j’en pense autant des autres religieux. Mais la burqa, non. Tout, oui. La burqa, non. Elisabeth, tu te racontes des histoires. C’est à l’Islam que tu en veux, pas à la cagoule. D’abord, on a eu les odeurs de Chirac et puis les moutons de l’Aïd, et puis les mosquées, l’excision, la polygamie, les écoles musulmanes, la délinquance, le terrorisme, les banlieues, le voile, maintenant la burqa. Demain, on va découvrir que chaque année au Ramadan, vingt-deux vieillards et enfants meurent d’inanition. Sais-tu qu’un chrétien sur dix et un juif sur trois fréquentent des écoles religieuses sans que ça n’intéresse personne ? Mais les deux cents gamins des trois écoles islamiques, ça, c’est grave.
Tu veux la vérité, Elisabeth ? On a peur des musulmans. On, je, tu, il ou elle a peur des musulmans. Pourquoi on a peur ? Si tu m’accordes un papier de six milliards de signes, je te l’expliquerai pour te faire comprendre ce que je ne comprends pas moi-même. La chrétienté, on dit aujourd’hui l’Occident, est brouillée avec l’Islam depuis toujours. Dès que les musulmans ont franchi les frontières de la péninsule arabique (vers 637), ils se sont heurtés aux chrétiens. Tu sais, quand ils sont arrivés chez toi et moi, au Maghreb (vers 650), ils ont butté sur nos ancêtres vivant dans des Etats chrétiens (saint Augustin). Conquista, Reconquista, chute de Byzance, Lépante, piraterie, toute l’Europe de l’Est musulmane jusqu’à hier (fin du XIXe siècle), colonisation, décolonisation, Israël, tours jumelles, treize siècles, ça n’a pas cessé un jour. L’ennemi pour la chrétienté, pour l’Occident, c’est le Maure, le Sarrazin, le barbaresque, l’Arabe, le Chleu. Le chrétien a colonisé leur pays, ça c’est mal passé. Maintenant, ils colonisent (au sens propre) l’Occident, ça se passe mal. Normal.
Pas si normal que ça. Treize siècles durant, ce fut querelle territoriale. Aujourd’hui, hormis trois colonies en Cisjordanie, personne ne veut étendre sa souveraineté chez le voisin. Entre l’Occident et l’Islam, il n’y a plus d’enjeu qui vaille une guerre. Sauf un. Il concerne les musulmans, pas les autres.
Tu te promènes au Caire, à Casa : sorti de deux vieux quartiers touristiques, le reste de la ville est occidental. Les villes arabes disparaissent. Ils ont tout adopté de l’Occident : l’avion, le parfum Chanel, le jean’s et même les élections. Ils n’ont gardé de leur civilisation matérielle que la baklawa et le couscous. Ils écrivent des romans et font des films comme nous. Ils n’ont presque plus rien en propre ou qu’ils aient créé. Ils sont en voie de se métamorphoser, de leur propre gré, en Occidentaux. Ils ont été avalés, dévorés par leur ennemi. Ils deviennent leur ennemi. Il ne leur reste plus qu’un refuge avant de se fondre totalement en nous et de s’anéantir : la religion, l’Islam. On peut tout christianiser, occidentaliser, jamais on ne christianisera l’Islam. C’est une question de vie ou de mort. Quel peuple a envie de disparaître ? Ou tu t’abrites dans l’Islam ou tu disparais. Alors bien sûr, la burqa. Rien que pour te faire un peu chier. Pour ne pas mourir ce matin.
Tu vois, Elisabeth, ils ne te veulent pas du mal les musulmans. Ils sont dans une mauvaise passe. Aide-les à la traverser. Ça ne durera pas longtemps, un siècle ou deux à tout casser. Après, tu verras, tout ira bien dans une France sans chrétiens, sans musulmans et, enfin, sans juifs.
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