Les amateurs de foot connaissent tous le truculent Louis Nicollin, président légendaire du Montpellier-Hérault Sporting-Club. Comme feu son ami Georges Frêche, ce dernier ne s’embarrasse pas de circonvolutions lorsqu’il s’adresse au commun des mortels. Et il faut bien admettre que son langage fleuri rend parfois les conférences d’après-match beaucoup plus animées que prévu.
Tel fut le cas ce samedi soir après que son équipe eût pris pour quelques heures la tête du championnat de France. Un journaliste eût l’idée de pimenter ladite conférence de presse en interrogeant celui que beaucoup dans le milieu appellent affectueusement « Loulou » en ces termes : « Qu’est ce que vous allez répondre à ceux qui vont dire demain ou dans les jours qui viennent, Montpellier leader du championnat de France, ça veut dire que le championnat n’est pas terrible ? ». Je veux bien être changé en Frédéric Lefebvre -ou même en Nadine Morano- si ce journaliste espiègle n’escomptait pas une réponse du genre de celle qui fusa, faisant rire toute l’assemblée : « Je leur pisse à la raie ! ».
On ne peut nier que cette phrase ne mobilisait guère de finesse. Mais quand on connaît le bonhomme, il n’est pas incongru de penser qu’il était peu probable d’attendre, par exemple, la réponse suivante: « Malgré l’immense respect que je dois à tous vos confrères et toutes vos consœurs, je serais très peiné par une telle analyse, laquelle ne respecterait guère le talent de mes joueurs, le travail de leur entraîneur ainsi que de tous ceux du championnat de notre glorieux pays. » Cela étant dit, l’étonnement voire le trouble qui n’aurait pas manqué de s’ensuivre est délicieux à imaginer. Loulou, si vous me lisez…
Pourquoi donc s’arrêter à cet échange, qui n’est sûrement pas le premier dans le genre, dans les conférences de presse de Louis Nicollin ? Parce que, cette fois-ci, il a provoqué la convocation du président montpelliérain devant le conseil national de l’éthique. Cette commission, qui est chargée de réprimander ce tout ce que la morale réprouve dans le joli monde du football, a pensé que cette saillie -si l’on ose dire- pouvait porter préjudice à l’image du football du fait du langage peu châtié qu’elle mobilisait. A moins que cette auguste institution n’ait pensé qu’elle ne véhiculait une incitation à l’ondinisme voire à la pratique dite de douche dorée, plus connue dans les milieux SM sous le nom de golden shower.
Autant j’avais trouvé assez légitime la dernière convocation de Nicollin pour des propos déplacés sur le capitaine Auxerrois Pedretti il y a quelques mois, autant il n’y a vraiment pas ici de quoi fouetter un chat, ni violer une chèvre. Nicollin n’attaque personne. Il utilise une image -toute méditerranéenne- pour montrer l’ampleur de sa considération pour des analystes ayant une faible considération -justement- pour son équipe. Demander à Nicollin de se déplacer pour cela à Paris et augmenter d’autant son empreinte carbone, est-ce bien éthique ?
Pour avoir l’air loufoque, cet épisode footballistique n’en est pas moins révélateur. La traque au moindre dérapage n’est pas terminée et elle sévit tous azimuts. Il est plus facile de convoquer un dirigeant d’un club à petit budget qu’un ponte comme le président lyonnais, lequel pratique régulièrement mises au pilori de journalistes voire d’arbitres sans qu’il ne lui soit jamais rien reproché. Selon que vous soyez puissant ou misérable, etc.
De la à penser que ce genre de comité théodule, pour exister, a désespérément besoin de victimes expiatoires…
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !