Notre chroniqueur a décidé de prendre les écolos par les cornes et de traiter enfin le vrai problème : plutôt que d’empiler des mesures vexatoires qui ne découragent guère les vrais pollueurs, éliminons le fautif en chef — l’Homme.
À Aymeric Caron
Sans être absolument antispéciste, et sans renier ma vocation de carnassier, j’avoue avoir plus de pitié et de révérence pour les animaux que pour la plupart des hommes. Mon petit cœur se serre en voyant un chien abandonné sur une aire d’autoroute, alors qu’il aurait été bien plus raisonnable d’y abandonner des mouflets insupportables ou des grands-parents cacochymes.
De là à ne pas écraser le moustique qui me tirlipote, il y a une marge. Mais les élevages industriels sont une horreur, et les rites d’abattage (contre lesquels je n’entends guère les écolos réagir, de peur d’être assimilés à Brigitte Bardot) sont une honte.
Alors prenons à bras-le-corps le problème. Ce ne sont pas les vaches, cochons, couvées qui posent problème, mais ceux qui les consomment. Eliminons les hommes, nous sauverons les animaux.
Huit milliards d’hommes en novembre 2022, prédisent les démographes. Cela n’a pas l’air d’émouvoir les écolos, qui plutôt que de se saisir de ce problème — le seul vrai problème, quand on y pense — usent leurs forces à pondre des règlements punitifs, à interdire à tour de bras, à prôner des éoliennes tueuses d’oiseaux et à réélire Anne Hidalgo à Paris.
La solution au réchauffement climatique — qui est une réalité, la responsabilité de l’homme dans son déclenchement est loin d’être évidente, mais l’activité humaine de l’anthroposphère l’alimente certainement — est pourtant simplissime. Si pollution et accélération thermique sont des produits de l’activité humaine, éliminons l’humain. Ou tout au moins, réduisons-le de façon significative.
À quelle époque le nombre d’individus a-t-il été compatible avec une gestion raisonnée des ressources, tout en permettant des avancées civilisationnelles conséquentes ? Inutile de remonter aux 500 000 humains de l’ère des chasseurs-cueilleurs — une situation misérable qui ne saurait satisfaire que les fidèles de Sandrine Rousseau. Mais entre les 150-200 millions d’individus de l’Empire romain et les 11 milliards promis pour 2100, choisissons un chiffre raisonnable. Alors, les 500 millions de la Renaissance ? Les 650 millions des Lumières ? ou les 2,5 milliards des années 1950, qui marquent à mon sens l’hypothèse haute ?
En effet, au-delà d’un certain chiffre, le simple jeu des naissances, dans un monde où nous avons fait reculer sensiblement l’âge de la retraite définitive à six pieds sous terre, ramènerait trop vite l’humanité à son problème de surpopulation. Il faut garder de la marge.
J’avoue que personnellement faire revivre les Lumières, au terme desquelles Saint-Just a pu s’écrier « le bonheur est une idée neuve en Europe ! », serait assez tentant. Toutefois, pour y arriver, l’effort serait trop intense.
En revanche, diviser par trois la population actuelle me paraît un objectif écologiquement satisfaisant. Trois fois moins d’hommes, c’est mécaniquement trois fois moins de pollution, trois fois moins de déchets, de consommation effrénée et de déperdition d’électricité à recharger des téléphones portables, si utiles pour se signifier les uns aux autres la montée des périls écologiques.
Le lecteur subjugué par mon raisonnement se pose toutefois une ultime question. Comment passer des 8 milliards actuels à 2,5 milliards — afin de faire connaître aux populations jeunes les joies des Fifties ?
Pour cela, il suffit d’inverser les priorités (mais enfin, la seule priorité est le bonheur commun, non ?) et de cesser de sauvegarder l’homme à tout prix.
« L’humble plan que je propose au public » est donc le suivant. Plutôt que de combattre les épidémies, favorisons-les. La Vie avait bien envoyé une première salve avec le SIDA. Le virus a fait environ 38 millions de morts, ce qui n’est pas négligeable — mais c’est une goutte d’eau au regard des nécessités. De surcroît, la maladie a touché essentiellement des populations pauvres, et éliminer les pauvres prioritairement n’est pas la meilleure idée — ils consomment peu et polluent encore moins. Certes, cela fait d’autant moins de postulants à l’exode trans-méditerranéen. Mais il faudra de toute façon être bientôt impitoyable avec les boat people du troisième millénaire, de crainte d’être submergés de migrants, comme l’a si bien raconté Jean Raspail dans Le Camp des saints, son roman prophétique de 1973.
Le Covid m’a beaucoup déçu, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer au tout début. Certes, faire disparaître les vieux, qui sont autant de bouches inutiles, était une initiative conforme aux idéaux de la nature, qui sacrifie volontiers les aînés pour la sauvegarde des jeunes. Mais le rythme très faible des disparitions, le quota ridicule de cas mortels, témoignent d’une inconséquence considérable. La Nature n’a pas exactement saisi l’ampleur du problème, et l’épizootie qu’elle nous a envoyée est d’une virulence peu en rapport avec les nécessités.
À l’heure actuelle le Covid aurait tué 6,35 millions de terriens : c’est une plaisanterie statistique. D’autant que nombre de ces morts seraient morts de toute façon. On s’en apercevra avec un an de décalage, quand l’âge moyen de mortalité montera d’un coup — puisque ceux qui devaient mourir l’année prochaine seront morts cette année. Rappelez-vous la canicule de 2003, elle aurait tué entre 19500 et 25000 personnes — essentiellement des vieillards, comme le Covid. Du coup, l’année suivante, l’âge moyen de décès a grimpé de deux ans.
Par rapport aux besoins d’extinction de masse, il faudrait que les températures grimpent bien davantage que les misérables 39° de ces derniers jours pour mettre dans la fosse toutes les bouches inutiles que les EHPAD n’auront pas naturellement tuées.
La planète a déjà eu recours à des astuces pour limiter la croissance démographique et la course au progrès. J’ai évoqué dans un article paru il y a trois ans le remarquable essai d’Eric H. Cline, 1177 avant J.-C. Le jour où la civilisation s’est effondrée. L’auteur y décrit la disparition — en quelques années — de l’empire hittite, de la civilisation minoenne et de la puissance de Troie, sous l’action conjuguée de phénomènes climatiques et environnementaux (si ! Le volcan de Santorin n’a pas pété pour rien), de révoltes, de déplacements de populations (les Sémites sont arrivés du sud pour évacuer les anciennes populations indo-européennes, des Slaves ont surgi du nord pour pousser à la mer les premiers Egéens) et de crises économiques — sans compter une ou deux épidémies bienvenues. Si le tableau vous rappelle quelque chose, et même l’état présent, je n’y suis pour rien.
L’empire romain a été stoppé net par la Peste de Justinien, entre les IVe et VIe siècles. La Renaissance gothique a été tuée dans l’œuf par la Peste noire de 1348-1350, qui a envoyé ad patres un bon tiers de la population européenne. Quand la Vie — c’est-à-dire la Mort — veut, elle peut. Et nous ne pouvons que nous en réjouir. Si l’humanité n’avait pas été tenue en laisse par les épidémies et les guerres (Ah, Tamerlan, Gengis Khan…), combien serions-nous aujourd’hui ?
J’imagine que les Ukrainiens et leurs amis déplorent les bombardements russes. Mais c’est là un réflexe égoïste : tout ce que la guerre tue ne se reproduira pas. Les conflits armés sont d’un meilleur rapport quantité / qualité que les épidémies — mais on peut cumuler. Les guerres tuent surtout des hommes jeunes : un soldat mort, c’est non seulement un humain de moins, mais une descendance heureusement compromise — alors que la mort d’un vieillard ne tue personne d’autre, il n’a pas de devenir démographique.
L’idéal est de cumuler guerres, épidémies et famines. Au cours du XVIIe siècle, une heureuse conjonction de famines et d’épidémies, sans compter le déroulement des guerres qui nous opposèrent aux Espagnols d’abord et à l’Europe entière ensuite, ont permis à la population française de stagner autour de 20 millions de sujets — sans compter, comme dit Rochefort, les sujets de mécontentement. Pendant un siècle et malgré une démographie galopante, l’usage de la pilule et du stérilet étant alors peu répandu, et la sodomie restant marginale.
Enfin, il est urgent de définir une politique de planning familial qui s’inspirera des impératifs maoïstes : un enfant par femme tous les dix ans au maximum — ou alors, dix ans de travaux forcés dans les rizières. Le mouvement GINK (Green Inclinations No Kids) y avait pensé dès 1969. Pour une fois que les écolos étaient dans le vrai…
De là à passer de 8 milliards aux 2,5 auxquels s’est arrêté notre calcul… Il va falloir faire preuve d’imagination. J’attends du lecteur des solutions imaginatives, et en cas de détresse intellectuelle, suivez le conseil inscrit sur la pancarte d’une militante qui avait tout compris : Save the planet Kill yourself.
Je vais y penser de mon côté.
Eric H. Cline, 1177 avant J.-C. Le jour où la civilisation s’est effondrée, La Découverte, 2015, 300p.
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Jean Raspail, Le Camp des saints, Robert Laffont, 1973, 389 p.
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