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Boisset se raconte

"La vie est un choix"d’Yves Boisset, disponible en format poche


Boisset se raconte
Le cinéaste français Yves Boisset © Louis Monier Plon

Dix ans après sa sortie en grand format, La vie est un choix d’Yves Boisset existe aujourd’hui en poche


Je classe La vie est un choix parmi les meilleurs livres sur le cinéma, au même niveau que les Mémoires d’une fripouille (Puf) de George Sanders et Mes monstres (Éditions de Fallois) de Dino Risi. J’ai un faible aussi pour Cher moi (Stock) de Peter Ustinov et Profession menteur (Le Pré aux Clercs) de François Perier.

Quand cinéma « engagé » voulait dire quelque chose

Il y a dix ans, sa lecture m’avait régalé comme la sarabande des sondages, à sept mois d’une présidentielle. Ce bréviaire d’un cinéma « engagé » quand ce mot avait encore un sens et ne faisait pas rire les démocrates, existe en poche depuis peu.

Le cinéaste né en 1939 à Paris au temps des rutabagas aura mené une vie de combats. Combat pour monter des films dits « politiques », combat pour imposer certains comédiens tricards et combat pour avoir fait entendre une note corrosive dans une époque où la censure était aussi bête que disciplinée. Pour beaucoup de cinéphiles, Boisset, c’est l’homme qui dénonce les saloperies des années 1960/1970, l’homme qui s’attaque aux sujets sensibles : Guerre d’Algérie, Justice, Police, délation, racisme ou dérives de la télé commerciale. Un réalisme froid, un regard souvent très documenté sur la société d’alors, le cinéma de Boisset terrifie le bourgeois et les corps constitués. Il fait même grincer le Français moyen dans sa cuisine en formica, quand d’honnêtes campeurs se transforment en meute sanguinaire, l’Humanité sacrée des petites gens prend du plomb dans l’aile. La foule est un cri qui vient de l’intérieur. Enfant, comme le petit Jean Rochefort, Boisset a vu ces femmes tondues à la Libération, battues, violées, traînées dans la rue comme d’immondes trophées par des « résistants » de la 25ème Heure.

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Ces moments de défoulement collectif et de dégueulasserie ont longtemps hanté le garçon. Durant sa carrière, il aura endossé le treillis de l’antimilitariste ou le bob du pilier de bistrot : Allons z’enfants – Prix de la mise en scène à Moscouen 1980 ou Dupont Lajoie – Ours d’argent au Festival de Berlinen 1974. Les officines et leurs serviles factotum ont tenté, plus d’une fois, de le stopper quand il s’aventurait sur des chemins trop brulants. Son courage et son opiniâtreté lui ont permis de déjouer de retorses manœuvres. Il avait le chic aussi pour poser sa caméra là où ça faisait mal, là où le vernis du « vivre ensemble » craquait. Ses films « vérité », sulfureux pour certains, libérateurs pour d’autres, ont attiré un large public dans la France d’après 1968. S’inspirer de faits réels peut s’avérer casse-gueule, à trop vouloir dénoncer, on finit par insupporter le spectateur, l’instrumentaliser. Boisset n’est pas tombé dans ce piège-là, il a produit un cinéma plus subtil qu’il n’y paraît, avec des nuances propres aux destins individuels.

Une adaptation de Déon

Chez lui, tous les militaires ne sont pas des salauds et tous les défenseurs des Droits de l’Homme des Saints. Fidèle à ses maîtres américains, il a creusé le sillon d’un cinéma d’action où la psychologie et l’élan romanesque ne sont pas en reste. C’est assez rare dans le paysage français. Ce livre témoignage qui court sur près de 50 ans est un bonheur de lecture ; à chaque page, on est cueilli par une anecdote ou une rencontre explosive. Car Boisset a fréquenté le gotha (René Clément, Jean-Pierre Melville, Claude Sautet, Vittorio de Sica, Orson Welles, etc…) quand le cinéma savait se tenir.

Vous découvrirez ainsi l’Afrique en compagnie de Maurice Ronet, le musée érotique de Michel Simon, la méfiance de Céline à Meudon pour les intrus, un tournage apocalyptique de Sautet en Espagne, la rue Watt avec Melville et son inamovible Stetson, la grandeur d’âme de Belmondo défendant Charles Vanel mais également un nain priapique, Antoine Blondin pissant au nez de Michèle Mercier, une prise de contact musclée avec Patrick Dewaere, le coup de sang de Bernard Fresson dans une brasserie parisienne ou la délicieuse et trop méconnue Anna Galiena sans oublier l’exquis Jean Carmet, l’immense Bernard-Pierre Donnadieu ou De Niro débutant. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur le tournage d’« Un taxi mauve » adapté du roman de Michel Déon et communier avec une Irlande déchirante de sincérité, c’est l’occasion de recroiser le pétillant Fred Astaire, le démiurge Peter Ustinov et la poitrine débordante de vitalité de Charlotte Rampling.

La vie est un choix d’Yves Boisset – Plon

La vie est un choix

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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