« La vie de Brian Jones », documentaire de 52 minutes réalisé par Patrick Boudet, est diffusé en replay sur Arte jusqu’au 21 février.
Ce film aurait pu s’intituler « La disparition de Brian Jones. » En effet, il se focalise sur l’ange noir et lumineux qu’était Brian Jones, et montre comment la figure devenue mythique a été progressivement écartée du plus grand groupe de rock’n’roll du monde. Jusqu’à se noyer dans sa piscine le 3 juillet 1969. Mort qui donna lieu bien sûr à de nombreuses élucubrations, il s’est murmuré que les autres membres du groupe auraient précipité sa chute.
Un enfant terrible
S’ils cherchent une analyse musicale de la période Brian des Stones, les gardiens du temple rock’n’roll en seront pour leur frais. Le documentaire tourne autour de l’astre Brian, chasse ses sourires, sa mélancolie, et vers la fin son regard embrumé par la drogue.
Dès le début, la messe est dite. Bill Wyman, le bassiste des Stones, déclare : « Brian c’était les Stones, le groupe n’aurait pas existé sans lui, Mick et Keith auraient peut-être fondé un autre groupe, mais pas les Rolling Stones.»
Né à Cheltenham, ville plutôt chic du Gloucestershire, issu de la classe moyenne – sa mère était professeur de piano et son père ingénieur-, prisonnier d’une éducation stricte typiquement britannique, Brian Jones fut très vite un enfant terrible. Les filles et le blues étaient ses principales préoccupations. Les filles il les collectionnait (il essaima même des enfants un peu partout). Et la musique l’obsédait. Adolescent, il est un fouineur insatiable, sans arrêt à la recherche de nouveaux sons, de nouveaux instruments. Et le blues changea sa vie. On ne formulait pas encore d’accusations d’appropriation culturelle.
Il a fondé les Stones, Keith Richards lui vole sa femme et sa musique
Il fut un des premiers à jouer de la slide guitar en open tuning, vieille technique des bluesmen. Plus tard, au sein des Stones, il colorait les morceaux avec des instruments exotiques: le sitar sur « Paint in black », la marimba sur « Under my thumb ». Que seraient ces deux morceaux cultes sans les illuminations de Brian?
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Lorsqu’il a fondé les Stones en 62, lui qui fut par la suite si nonchalant et velléitaire, se comportait en véritable manager. Il recrutait les musiciens, choisissait les morceaux, il s’occupait de l’organisation des concerts et de la négociation des cachets. « La plupart du temps, il les gardait pour lui » dira Bill Wyman avec tendresse.
Et puis Andrew Loo Oldham, qui fut le manager historique du groupe entre 63 et 67 intervient dans la légende en signant un pacte faustien avec Brian qui lui a vendu son âme en échange de la gloire. Il propulsa les Stones plus grand groupe de rock’n’roll du monde. Pour Brian ce fut le début de la fin, il se retire à petits pas, embrumé par les substances de plus en plus illicites, et envoûté par les groupies de plus en plus mannequins, qui signeront peut-être sa perte. Du sexe, de la drogue mais plus beaucoup de rock’n’roll.
Sa chute, nous la voyons s’accomplir dans le documentaire « One + One » de Jean-Luc Godard en 1968. Il a filmé les Stones pendant l’enregistrement de « Sympathy for the devil », chanson qui pour Godard symbolisait l’époque, à la fois sataniste et révolutionnaire. Brian apparaît totalement défait, pouvant à peine jouer, piquant du nez sur sa guitare. Mick, devenu le véritable leader du groupe est à son zénith.
À l’inverse, dans un extrait d’une émission de télévision en 1962, où le groupe interprète le standard garage « Shout » Brian est à son apogée, il bouge avec grâce, un sourire enfantin aux lèvres, alors que Mick, qui n’a pas encore mis au point son fameux déhanché apparaît plus en retrait.
Mais les derniers feux ne sont encore complètement éteints. En effet, il rencontre en 1965 le mannequin très en vue Anita Pallenberg, issue d’un milieu intellectuel et artistique (sa Marianne Faithfull à lui) qui viendra parfaire la légende. Elle le quittera cependant pour Keith Richards, fatale ironie. L’alter ego de Jagger lui aura pris sa femme et sa musique.
Lointain et désabusé, avec cette allure de dandy mi-hippie mi-Oscar Wilde, Brian Jones était un aristocrate à la chevelure de ménestrel et un métèque, tel que les décrit Abnousse Shalmani dans son bel essai Eloge du Métèque. À la lisière du monde et de la société. À jamais à la lisière des Stones.
Naissance d’un mythe
Lors de ses obsèques où se pressent groupies en larmes et personnalités, Keith, Mick et Anita ne sont pas présents, les parents de Brian s’y opposèrent. Trois jours après sa mort, les Stones se sont produits à Hyde Park, Mick tout de blanc vêtu lui rendra hommage avec un poème de Shelley « Peace, peace, is not dead He doth not sleep, he hath awakened from the dream of life ».[tooltips content= »« Paix paix, il n’est pas mort, il ne dort pas. Il s’est réveillé du rêve de la vie ». »]*[/tooltips]
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Brian Jones rêva à la fois sa vie et la vécut trop intensément, si cela est possible. Comme tous ceux du club des 27 qu’il inaugura. Jagger eu une prémotion en récitant ce poème, car les mythes ne meurent jamais. Brian veille pour toujours sur tous ceux dont le rock’n’roll a changé la vie.
La vie de Brian Jones. Réalisation : Patrick Boudet, France 2020. Sur arte.
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