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Rendez-nous Guy Lux!

« La TV des 70’s », Quand Giscard était président, vendredi à 21h10 sur France 3


Rendez-nous Guy Lux!
Serge Lama, Alain Delon et Guy Lux, 1977 © GINIES/SIPA

« La TV des 70’s », le documentaire écrit par Philippe Thuillier, est reprogrammé ce vendredi soir sur France 3 à 21h10. À ne pas rater.


Rétrospectivement et collectivement, nous avons été sévères, trop sévères avec la télé à paillettes des Carpentier et de Monsieur Lux, des Jeux de 20 heures et de Ring Parade. Nous étions des snobs et de mauvais coucheurs. Voilà tout, des idiots incapables d’estimer notre chance. Alors que nous vivions, sans le savoir, une parenthèse enchantée, la collusion heureuse entre une certaine exigence culturelle et les prémices d’un audimat fou, l’amalgame entre la variété à patte d’eph’ et les salles silencieuses de la BNF, entre la rue de Valois et les studios de Cognacq-Jay naissait une idylle contre nature pour le bien de la Nation.


Garcimore, Danielle Gilbert, Coluche, Desproges…

Cette télé des années 1970 qui se voulait libératrice et émancipatrice, débarrassée de la tutelle de l’État tout en ne s’offrant pas aux appétits voraces de la privatisation fut initiée par Giscard, le réformateur en haut de forme, communicant auvergnat imitant les Kennedy avec un naturel « inutilement guindé », selon sa propre expression. Nouvellement élu le 19 mai 1974, le président dissout l’ORTF dans la foulée et fait sortir de son chapeau tel Garcimore, trois chaînes : TF1, Antenne 2 et FR3. En France, tout commence par une révolution de palais et se termine par de petits arrangements entre amis. Comme tous les élans refondateurs, après quelques ajustements technocratiques et des nominations sensibles, le soufflé de la liberté, cette chère irrévérence, retomba.


Avouons qu’il mit un certain temps avant de retomber. Il y eut du mou dans la zapette, donc des espaces de totale subversion, qui seraient inimaginables aujourd’hui, purent ici et là éclore ; des talents du music-hall ou de la presse écrite, Coluche et Desproges, par exemple, s’invitèrent dans le salon des Français. Et puis, vigilants, les hommes politiques s’étant habitués à leur hochet télévisuel, ils ne furent plus tellement disposés à le partager. Ils préférèrent le garder pour leur strict usage personnel et électoral. Pourtant, malgré les menaces de reprise en main et la marchandisation de la société, cette télé des années 1970 nous paraît a posteriori rafraîchissante, d’une innocence et d’une fantaisie dont nous avons perdu la recette. On la trouvait bébête, commerciale à souhait, criarde et bavarde, saturée de couleurs et de tubes obsédants.

De la tenue, du direct

Le documentaire diffusé ce soir est là pour confirmer notre méprise, il nous éclaire sur un bouillon de pop-culture qui mérite vraiment le détour. Cette télé imaginée pour les classes moyennes était finalement « élitiste » en comparaison de nos codes actuels, inventive, caustique parfois, poétique assez souvent, marrante car le direct offrait des instants de funambulisme aux animateurs et elle avait en même temps de la tenue. Les invités s’y exprimaient sans la bouillie idéologique à la mode et aussi étonnant que cela puisse paraître, avec une forme de sincérité. Quand on voit la désolation de nos samedis soir, la faiblesse des débats, la moraline à gros tube déversée sur le moindre sujet d’actualité et une floppée d’artistes ne pouvant aligner deux mots distinctement sans paraître puérils ou pontifiants… On appelle Sheila, Nicoletta, Dave et Michel Delpech à la rescousse !

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Il suffit de voir le spectacle de la dernière cérémonie des César où, à l’exception de quelques professionnels du rire comme Jérôme Commandeur ou de l’élégant Benoît Magimel, le combat culturel semble perdu. Des acteurs bafouillant de gratitude, sans charme et sans malice, toujours au premier degré, dépourvu de la moindre qualité oratoire, ça laisse perplexe. Alors, on se consolera en revoyant Danielle Gilbert jonglant avec les aléas du direct aussi agile que Mabrouk dans « 30 millions d’amis », on se pincera devant un Bouvard intervieweur-agresseur d’une méchanceté jouissive ou d’un Jacques Martin ténor lyonnais soupe au lait et génial dynamiteur du ronron habituel.

Dans cette décennie bénie, Sagan passait une tête dans la lucarne, Brassens grattait sa guitare, Nino Ferrer nous emportait par sa mélancolie abrasive, Jean-Claude Brialy était un exquis maître d’hôtel, Robert Chapatte coiffait le sport, Sim se déguisait, Dorothée était émouvante et Jean-Jacques Debout écrivait une comédie musicale chaque semaine. Quelle joie également de revoir Martine Chardon et Virginia Crespeau, mes deux speakerines préférées. J’attends qu’un jour, un réalisateur s’empare du personnage de Guy Lux dans un biopic épique, à son image, flamboyant et bondissant. SVP bonsoir !

France 3, vendredi 3 mars à 21 h 10. Rediffusion mercredi 8 mars à 23h40.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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