La transition énergétique européenne, calquée plus ou moins sur la transition ratée en Allemagne, nous mène droit dans le mur, affirme Samuele Furfari dans son livre chez L’Artilleur : Energies, mensonges d’État. La destruction organisée de la compétitivité de l’UE. L’auteur est professeur émérite à Polytechnique (Université libre de Bruxelles) et a travaillé 36 ans à la direction générale de l’Energie de la Commission européenne.
« L’Union européenne est isolée dans sa quête fantaisiste d’un New Deal vert pour montrer au reste du monde la voie de la production d’énergie propre. Ce défi irréaliste coûtera cher aux Européens (…). Le monde s’organise tandis que l’UE reste figée dans son désarmement énergétique unilatéral (…) Le reste du monde, en opposition flagrante avec l’UE, se précipite vers les énergies conventionnelles. Isolée dans sa course utopique aux énergies renouvelables, l’UE devra admettre tôt ou tard qu’elle s’est trompée et revenir à son objectif originel : fournir une énergie abondante et bon marché aux citoyens européens. » Le décor de la thèse, à charge, de la politique énergétique actuelle de l’Union européenne, est planté…
L’UE a bien changé depuis qu’elle s’appelait Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA) autour de laquelle la paix, notamment franco-allemande, fut bâtie pour des décennies. Ces dix dernières années, l’Europe semble avoir oublié que l’énergie c’est la vie, regrette le professeur d’énergie de l’ULB, désormais retraité mais toujours prolixe.
Zéro carbone, un objectif irréaliste
Pour Samuele Furfari, l’objectif « zéro carbone en 2050 » martelé par la Commission européenne est irréaliste. Dès 2030, les émissions carbones dans l’UE devraient déjà avoir été réduites de 55% et le renouvelable devrait atteindre 45% de l’énergie produite… Or le renouvelable ne fournissait que 3% du mix énergétique en 2019… En jouant sur la différence entre électricité et énergie primaire, les activistes tentent de cacher ce… 3 %. Qui peut donc croire que l’objectif de 45% renouvelable sera atteint dans 6 ans ? En outre, ces deux sources d’énergie sont intermittentes : le photovoltaïque fonctionne 11% du temps et l’éolien terrestre un jour sur cinq (« fonctionne » est une simplification de langage pour ne pas entrer dans des considérations techniques, mais l’image est correcte). Leur « densité de puissance » comparée au gaz est presque ridicule : 2-5 Watts/m² pour l’éolien contre 1.800-6.000 W/m² pour le gaz naturel. Il faut donc pratiquement 40.000 éoliennes pour produire autant d’électricité qu’une centrale au gaz.
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« L’énergie si précieuse est devenue l’ennemi de l’Union européenne », se lamente le Pr Furfari. L’UE a abandonné jusqu’à tout récemment l’énergie nucléaire qui ne produit pourtant que 20g de CO2/kWh alors que le charbon en produit 1.058 g/kWh. L’UE préfère des projets chimériques tel l’investissement de 1.000 milliards d’euros en Afrique pour produire de l’hydrogène vert. Un élément certes très abondant mais qui n’existe pas à l’état pur, nécessitant beaucoup d’énergie pour la séparer notamment de l’oxygène à partir de la molécule d’eau H2O (7 fois plus d’énergie nécessaire que pour produire de l’H2 à partir du méthane – CH4).
Une énergie très chère pour le consommateur
Les largesses de l’UE coûtent cher au consommateur qui paie deux fois le prix de l’énergie : via le maintien artificiel d’un prix élevé au travers d’un « marché libre » (mais qui s’aligne sur le coût du dernier kW/h produit, soit le prix le plus élevé) et les subventions massives pour les énergies renouvelables. Car la transition énergétique consomme énormément d’argent public – 400 milliards d’euros dont 299 milliards rien qu’au travers du programme RePowerUE.
Pendant que l’UE se lance dans l’énergie verte et se fixe des objectifs audacieux de réduction d’émissions, la consommation d’énergie dans le monde devrait augmenter de 55% entre 2021 et 2050. Furfari n’y va pas par le dos de la cuillère : « L’illusion de la transition énergétique est entretenue par des journalistes incompétents en science et endogames et par des chercheurs à l’affût de subventions publiques. Influencés par les médias et les chercheurs, les hommes politiques vendent de l’espoir aux citoyens européens. Des ONG vertes financées par le Parlement européen selon un processus anti-démocratique contemporain alimentent en retour l’UE et la CEDH en informations militantes. » L’auteur dénonce : On est passé de l’écologie (science) à l’écologisme (idéologie). La Haute-Finance mondialisée s’y met également au travers par exemple du « Net Zero Asset Managers » intiative, lancé par les Fonds d’investissement Black Rock et Vanguard, qui vise le zéro carbone mondial en 2050 au travers de la norme ESG (Environnement, société, gouvernance).
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Si la thèse principale de l’essai est bien sûr susceptible de la preuve du contraire, l’œuvre est fouillée et fourmille de chiffres, de schémas et de figures. Qui démontrent que le reste du monde poursuit sa course folle au développement sans se préoccuper comme les Européens de la décarbonation. Il est ainsi de la « vertueuse » Californie qui ne réduit ses émissions de gaz à effet de serre (GES) qu’au rythme de 1,3% l’an. A ce rythme, l’objectif qu’elle s’est fixée ne sera atteint qu’en 2111. L’ensemble des Etats-Unis est au statu quo depuis 30 ans : ils émettaient 4.970 MtCO2 (mégatonnes de CO2) en 1990 pour 4.965 MtCO2 en 2019. Un progrès modeste mais qui eut pu être bien pire sans l’apport massif des gaz de schistes moins polluants que le charbon et que l’Europe importe massivement depuis la guerre en Ukraine.
Des COP inutiles
Depuis la première COP (« Convention entre parties ») tenue en 1992 à Rio, les émissions de GES ont progressé linéairement et immuablement de 2% l’an (+61% en 30 ans). Le monde entier consommait 155 ExaJoules en 1965, 238 EJ en 1973 et 600 EJ en 2019. On devrait atteindre 900 EJ en 2050. L’énergie c’est le développement et rien ne l’arrête. Depuis 1990, la Chine a augmenté ses émissions de CO₂ de +311% (Inde : +280%, Vietnam : + 1 380% ; Afrique : +93% et UE : -21%). L’Inde et la Chine sont responsables à elles-seules de 38,6% des GES, l’UE : 7%. L’inconnue est l’Afrique qui doit s’électrifier à grande vitesse : le seul Nigéria, gorgé d’hydrocarbures aura 375 millions d’habitants en 2070… La Commission européenne peut-elle avoir la naïveté de croire que les Africains resteront sous-développés pour sauver la planète ?
Furfari calcule que si l’Inde parvient un jour à notre niveau de développement, elle devrait passer de 0,4 Tep (tonnes équivalent pétrole) par habitant à 2,1, Tep (UE) soit une consommation qui passerait de 580 Mtep (mégatonnes équivalent pétrole) à 2.700 Mtep. « L’Inde à elle-seule va largement compenser les diminutions d’émissions de l’UE d’ici 2050 », affirme Samuele Furfari.
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Les deux derniers chapitres sont consacrés à l’efficacité énergétique et la désindustrialisation massive de l’Europe. Samuele Furfari affirme, dans le premier cas, que les économies d’énergie notamment via l’isolation des bâtiments, bien qu’essentielles sont difficiles à réaliser puisque plus de la moitié du bâti européen date d’avant 1920 et que les trois-quarts des logements qui existeront en 2050 sont déjà construits. Quant à la désindustrialisation de l’Europe, lorsqu’on sait que l’énergie pèse 10 à 60% du coût de production d’une usine, on ne peut que s’inquiéter pour l’avenir de nos industries des mantras renouvelables qu’on entend au sein d’une Commission européenne très à l’écoute des lobbies verts, conclut Furfari.
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