La Mairie de Paris a inauguré la semaine dernière la statue de Solitude, héroïne emblématique de la lutte contre l’esclavagisme en Guadeloupe, dans le 17e arrondissement. C’est la première statue d’une femme noire dans la capitale, se félicite toute la bonne presse. Mais Solitude a-t-elle seulement existé ?
Ce qu’il y a d’extraordinaire, dans le wokisme et la cancel culture, c’est l’absence de toute limite. Quand on ne trouve pas de vrais héros « racisés » pour remplacer les méchants blancs, alors on n’hésite pas à les inventer. Et à ce jeu-là, Anne Hidalgo fait la course en tête !
C’est ainsi que ce 10 mai, la maire de Paris, a inauguré une statue dans le XVIIe arrondissement rendant hommage à la « mulâtresse » Solitude.
Quels sont les faits d’armes de ladite mulâtresse qui justifient qu’elle fût ainsi glorifiée ? Africaine violée par un marin Blanc sur un bateau négrier, enceinte, elle mena la révolte contre le rétablissement de l’esclavage décidé par Napoléon en 1802. Condamnée à mort, elle fut exécutée le lendemain de son accouchement. Une martyre qui trouve donc grâce auprès des indigénistes et des décoloniaux. Ça valait donc bien une statue, la première d’une femme noire à Paris, lit-on dans tous nos journaux cette semaine !
Solitude, un personnage de fiction ?
Le seul problème est que Solitude est un personnage de fiction issu du roman d’André Schwart-Bart, écrit en 1972, lequel s’appuie sur quelques lignes écrites de l’historien Lacour dans son ouvrage en quatre tomes de l’Histoire de la Guadeloupe paru en 1858 soit quand même 56 ans après les faits. Et, malgré les recherches effectuées, les historiens n’ont retrouvé aucun document d’archives attestant réellement de l’existence de ladite Solitude.
Cette héroïne de fiction issue de l’imagination du romancier a, depuis lors, pris dans la population guadeloupéenne et chez certaines élites imprégnées de wokisme le pas sur la vérité historique. Ainsi lors de la commémoration du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans les Antilles françaises fleurirent des statues allégoriques représentant les héros de la lutte contre le rétablissement de l’esclavage dont Delgrès, Ignace et donc Solitude sous les traits d’une femme enceinte.
En fait la mulâtresse Solitude est souvent confondue avec Rose-Marthe dite Toto, la compagne de Delgrès et dont l’existence, quant à elle, est avérée. Or contrairement à Solitude, dont le jugement et l’exécution ne figure dans aucune archive, Rose-Marthe dite Toto apparait bien dans le jugement rendu par le tribunal spécial de Basse-Terre contre des personnes convaincues d’avoir pris part aux désordres de la colonie, Basse-Terre, 1er et 2 octobre 1802. Source : Le Moniteur Universel, 21 frimaire an 11 (12 décembre 1802) n° 82.
Un délire mémoriel ?
Par rapport à la légende développée, rien n’indique que Solitude qui selon le roman aurait été violée par un marin blanc sur un bâteau négrier, fût une esclave, il est plus vraisemblable qu’elle aurait été comme Marthe Rose dite Toto, une femme de couleur libre.
Après l’inauguration d’un square en 2020 et d’un timbre-poste en avril dernier, l’érection de cette statue pose donc une interrogation : comment un personnage de fiction gagne le statut de personnage historique ? Abattre les statues de Schœlcher, personnage historique réel, pour en ériger à la gloire de héros inventés doit nous interpeller sur cet obscurantisme idolâtre.
Cette mystification a le mérite d’en dire long sur les dérives de notre époque, sur les délires mémoriels qui la travaillent et surtout sur l’appropriation dangereuse par les mouvances décoloniales-indigénistes prêtes à inventer des héros ou à s’emparer de n’importe quelle légende pour en faire une vérité conforme aux postures idéologiques de l’époque et servir les revendications identitaires du moment. Comme me le disait l’un d’eux : « Au nom de l’idéologie, on a le droit de tordre le cou à la vérité historique ». Quitte carrément à l’inventer.
Déjà en 2007, le Conseil Représentatif des Associations Noires de France, mouvement identitaire, avait interpellé les candidats à l’élection présidentielle pour qu’ils fassent entrer Solitude au Panthéon. Cette revendication loufoque avait été récupérée en 2013 par un collectif de mouvements féministes dont Osez le féminisme ou La Barbe qui avaient aussi demandé à ce que Solitude entre au Panthéon. Au Panthéon de l’escroquerie mémorielle, Solitude occupe donc une place de choix. Quant aux historiens dont le métier est justement de travailler à l’analyse des faits historiques, d’en attester la réalité et d’en expliquer le contexte, ils vivent un grand moment de … solitude.
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