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La situation économique énigmatiquement inquiétante de la France


La situation économique énigmatiquement inquiétante de la France
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire visite l'usine de Fournier, à Thones (74) © Mourad ALLILI/SIPA

L’observation des indicateurs économiques indique un ralentissement mondial de l’activité économique. On peut observer en France une envie intacte de consommer, conséquence de la robustesse du marché du travail.


Selon une simple logique économique le cocktail de taux d’intérêts élevés, de l’inflation et des revenus réels en baisse, devrait affoler les marchés financiers français et inquiéter les consommateurs. Pour illustration, l’Allemagne entre en récession et la Chine en déflation. Contre toute attente, le cours des actions est à la hausse, les bénéfices de la plupart de nos entreprises sont florissants. Portés par les hausses de prix, les bénéfices nets cumulés des entreprises du CAC 40 s’élèvent déjà à plus de 71 milliards d’euros au premier semestre 2023, soit une progression de 11% sur un an, selon un décompte provisoire de l’AFP arrêté le 28 juillet. Excepté pour les Français qui sont exclus à cause de l’affaiblissement de leur pouvoir d’achat, les dépenses se dirigent vers les vacances, les divertissements et les sorties. Ces tendances sont hors du schéma connu d’un cycle économique habituel avec reprise, prospérité, emballement et affaiblissement. Le pouvoir d’achat par habitant, ou revenu disponible brut réel par habitant, a stagné en 2022 (– 0,1 %) et connaîtrait un recul de – 0,4 % en 2023 (Source Banque de France et INSEE).

La question qui se pose est donc: la France est-elle en pleine prospérité, ou est-elle déjà en plein affaiblissement?

La faiblesse de la demande de biens et la forte consommation de services nous apportent une réponse. Certains secteurs de l’économie se dirigent définitivement vers un ralentissement. Les indicateurs de l’industrie mondiale sont en forte baisse, surtout en Europe, y compris en France. La production et les carnets de commande atteignent des niveaux qui ne s’affichent qu’en cas de récession : les mesures prises au cours de la crise sanitaire ont permis une augmentation significative de la demande de biens, mais à l’heure actuelle, la demande régresse. Parallèlement, la forte hausse des taux d’intérêts affecte les marchés immobiliers. Les taux moyens de crédits immobiliers aux particuliers se rapprochent des 3%. (Observatoire du Crédit Logement / CSA).

En même temps, le marché de l’emploi est en plein essor et l’envie de consommer ne semble pas être freinée. C’est ce qui rend la situation macroéconomique actuelle à la fois unique et énigmatiquement inquiétante.

Les perspectives moroses vont-elles conduire les entreprises à ralentir leur activité et donc à supprimer des emplois ?

Jusqu’à quand, dans un contexte de pouvoir d’achat en baisse, les consommateurs vont-ils continuer à consommer certains biens et services aux dépens d’autres ? On peut expliquer la robustesse du marché du travail et la stabilité de la consommation par les aides versées par l’État. Les dispositifs mis en place en France avaient pour objectif d’éviter un effondrement du tissu économique du pays et un chômage de masse. En outre, ceux qui ont bénéficié d’augmentations de salaire et qui n’ont pas à craindre pour leur emploi alimentent par leur dépense le secteur du loisir (voyages, événements culturels). Les chiffres américains sur les dettes des cartes de crédit montrent que ces dépenses se font aussi à crédit.

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L’inflation pèse sur le moral des consommateurs qui se serrent la ceinture, et ont tendance dans l’hexagone à remplir leur bas de laine avec notamment un niveau d’épargne record sur le livret A. Les prix sont en hausse dans l’alimentaire et leur consommation est en berne, en repli de 4,1% sur un an selon l’Insee. Dans ce contexte, certains ménages – les plus fragiles – auraient davantage recours au crédit à la consommation pour continuer à consommer. En janvier, la production de ce type de crédit a progressé de 2,2% par rapport à l’année précédente, soit 3,6 milliards d’euros, selon l’Association française des sociétés financières (ASF). Cette tendance est corrélée à la situation du marché du travail qui propose beaucoup de postes vacants.

Plein emploi d’après les chiffres, alors que personne ne répond aux offres d’emplois

On va trouver une explication dans les conséquences de la crise sanitaire. Nombreuses sont les personnes qui ont pris une retraite anticipée ou qui ont réduit leur temps de travail.

Par ailleurs, l’observation de l’évolution démographique montre que les baby-boomers qui partent à la retraite laissent un vide sur le marché du travail. On assiste à un phénomène appelé par les économistes « rétention de main-d’œuvre » : malgré une conjoncture qui s’essouffle, les entreprises hésitent à licencier du personnel car, en cas de reprise, pouvoir les remplacer peut s’avérer difficile. Ainsi, dans un premier temps, le chômage reste bas, et la consommation stable. Mais cette situation ne peut être pérenne car si la reprise tarde trop, les entreprises seraient obligées de licencier ou à minima de geler les salaires.

Les bénéfices et les marges compressées

Ces coûts salariaux trop élevés (dans le sens où ils ne correspondent pas à la conjoncture) pèsent sur la rentabilité, mettant une pression sur les marges des entreprises, après qu’elles ont pu les élargir parfois massivement pendant la reprise de 2021-2022… Même les analystes américains, souvent un peu trop optimistes, s’attendent à une baisse des bénéfices de 9% par rapport à l’année passée. C’est une mauvaise nouvelle pour les bourses.

Mais pas seulement. Ce sont les consommateurs et l’économie dans son ensemble qui seront affectés par une réduction des investissements. Les licenciements seront inévitables afin de réaliser des économies. De plus, l’effet de l’explosion des taux d’intérêt se fera alors pleinement ressentir.

Les taux d’intérêts augmentent en France

En France, le schéma est identique, même si les chiffres sont un peu moins importants et que le niveau moyen des taux d’intérêts fixes sur cinq ans n’a augmenté « que » de 1 à 4 points (contre 7 points aux États-Unis). Mais si les États-Unis entrent à leur tour en récession, la France en ressentirait les effets, principalement par le biais du commerce extérieur. L’avenir dira si notre consommation intérieure restera suffisamment forte ou stable pour préserver l’ensemble de l’économie française d’une récession. Et, honnêtement, nous savons bien que non…

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