Selon une étude sur les Fractures françaises commandée par Le Monde et réalisée par Ipsos/Sopra Steria en collaboration avec le Cevipof, la question climatique s’imposerait comme un enjeu majeur dans le débat d’idées précédant les élections présidentielles.
82% des Français sondés souhaitent « que le gouvernement prenne des mesures rapides et énergiques » contre le réchauffement climatique, quitte à « modifier en profondeur leur mode de vie ». Ils ne sont que 21% à vouloir davantage miser sur le progrès technique et les innovations scientifiques. Si ces données se confirment, elles indiquent un véritable changement de paradigme et la fin d’un monde.
La conséquence de l’alarmisme
Dans le sondage cité, 88% des personnes interrogées estiment que le changement climatique est une réalité, et 68% pensent qu’il est principalement provoqué par l’homme. Au beau milieu d’un été chargé en catastrophes et intempéries, les annonces catastrophistes du GIEC sont venues appuyer les thèses les plus alarmistes. Tout événement météorologique grave est désormais ramené à la thématique du réchauffement climatique, avec cette idée en arrière-plan d’une culpabilité de la civilisation contemporaine. Il est impossible d’échapper à cette angoisse universelle et seuls quelques auteurs osent encore dénoncer le catastrophisme ambiant et regarder froidement la situation. On pensera notamment à Bjorg Lomborg, Michael Shellenberger, ou encore Michel de Rougemont dans leurs ouvrages respectifs False Alarm, Apocalypse never et Réarmer la raison.
Lomborg, notamment, explique au WSJ que les inondations qui ont frappé l’Europe pendant l’été, sont dues à un problème d’adaptation et que des phénomènes similaires ont eu lieu dans le passé. « La rivière Ahr, où la plupart des morts dues aux inondations allemandes se sont produites, avait un débit spectaculaire le 14 juillet 2021, mais il était inférieur aux débits mortels de 1804 et 1910. La véritable cause de l’augmentation du nombre de décès dus aux inondations fluviales en Allemagne et dans de nombreux autres endroits est que de plus en plus de gens construisent dans les plaines inondables, ne laissant à l’eau nulle part où aller. » Ces auteurs, sans nier le phénomène du réchauffement climatique, nous rappellent que la situation est complexe et qu’on a parfois tendance à minimiser le fait qu’il s’agit aussi d’un problème d’adaptation.
La science prométhéenne détrônée par l’écologisme
Alors qu’on vient d’assister à une gestion déplorable de la crise du Covid par les politiques, on est choqué par ce résultat qui annonce une large victoire du politique : les Français préfèrent leur déléguer la mission du sauvetage de l’humanité que de confier le job aux chercheurs et aux ingénieurs.
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Cette confiance perdue en la science confirme la thèse que nous défendons dans Greta a tué Einstein : l’écologisme [1] a fait tomber la science prométhéenne de son piédestal. Il est désormais tabou de modifier le vivant, de fissionner l’atome, de diffuser des ondes ou encore de répandre les molécules issues de la chimie de synthèse. On pourrait ajouter également les vaccins, même si la médecine occupe une place à part comme on le voit au travers du covid.
De quoi sont capables les politiques sans les ingénieurs ?
Récemment, la candidate à la primaire verte, Sandrine Rousseau s’est illustrée en affirmant qu’elle préférait « les femmes qui jettent des sorts aux ingénieurs des EPR ». C’est une formidable illustration du mépris de l’écologisme pour la science prométhéenne, mais surtout une jolie mise en scène du savoir faire de l’écologisme pour ruiner notre civilisation construite sur la rationalité.
Ce qui pose une question cruciale : que pourront faire de tels politiques – sans les ingénieurs – à part invoquer des démons et quelques danses de la pluie pour demander au climat qu’il se calme ?
Plus sérieusement, on aimerait que les sondeurs rentrent davantage dans les détails pour savoir quels types de mesures les sondés imaginent quand ils sont favorables à ce que les politiques prennent des mesures énergiques et qui modifieraient en profondeur leur mode de vie (Au passage on se demandera pourquoi ils ont besoin des politiques pour changer d’attitude et pourquoi ils ne le font pas d’eux-mêmes). Il aurait été utile de chiffrer : « combien êtes-vous prêt à mettre de votre poche pour sauver le climat ? » Aux États-Unis, on a découvert que 68% des Américains n’étaient pas prêts à mettre 10$ de plus par mois sur leur facture d’électricité pour sauver le climat [2]. En France, on sait qu’il suffit de quelques centimes additionnels sur le plein d’essence pour que les Gilets jaunes bloquent les rond-points. Quid des mesures que proposent certains Verts ultras ?
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“Seriez-vous prêt à renoncer à la procréation ?” “A quel âge doit-on arrêter de soigner vos parents ?” Tout cela pour sauver le climat, bien évidemment, car comme pour toute idéologie politique radicale, la fin justifie les moyens… Et on peut compter sur les politiques pour qu’ils ne cessent de faire monter les enchères.
L’idéologie n’est pas bonne conseillère
Ce sondage, en dernier ressort, a aussi quelque chose d’effrayant car il nous montre à quel point les Français sont désormais à la merci du premier démagogue venu. L’astrophysicien collapsologue Aurélien Barrau nous en persuade : « J’exécrerais évidemment l’avènement d’une dictature, mais si on continue à dire que chacun peut faire ce qu’il veut, on oublie le commun. »
La peur pousse l’idéologie à prendre le pouvoir et celui-ci fait n’importe quoi en son nom, y compris le contraire de ce que l’on peut attendre : on a fermé Fessenheim alors que cette centrale nucléaire n’émettait aucun CO2 et que l’électricité produite y était totalement décarbonée. Pendant ce temps, en Allemagne et en France maintenant, on fait le choix de l’éolien, une solution qui sur le papier semble cocher toutes les cases du made in Nature, mais en réalité détruit la faune, le paysage et nécessite le recours à des centrales au gaz ou au charbon… Sans parler de la facture d’électricité qui flambe et les risques de black-out.
Gretatistes vs Pinkeriens
Nous sommes arrivés à un croisement historique pour notre civilisation. L’écologisme politique, en plus de nous faire choisir les mauvaises solutions, est le cheval de Troie de la décroissance.
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Ce sondage préfigure l’affrontement politique que nous imaginons – qui pourrait bien se substituer à l’alternance gauche-droite – entre les Gretatistes (collapsologues et décroissants) et les Pinkeriens [3] (partisans de la science prométhéenne et défenseurs de la croissance). À en croire ces chiffres, les premiers l’emporteraient donc haut la main et pour changer la tendance, il faudra que les derniers gagnent la bataille de l’opinion et prouvent que la science et la technologie proposent des solutions qui s’inscrivent dans le respect de l’environnement, qu’ils démontrent que des bienfaits pour l’homme ne sont pas forcément mauvais pour la nature. Un bon exemple ? L’agriculture intelligente (smart agriculture), laquelle utilise drones et capteurs pour produire de manière intensive, en optimisant l’usage des ressources et des intrants.
L’enjeu est de taille : serons-nous en mesure de continuer de faire confiance aux ingénieurs pour qu’ils trouvent les solutions qui nous dégagent de certaines contraintes, ou alors céderons-nous ce qui nous reste de liberté aux politiques ? Sachant que tout ce que ces derniers savent faire, c’est s’appuyer sur les modèles catastrophistes qui préfigurent les pires scénarios pour sceller notre destin sous le joug de nouvelles normes, de nouvelles taxes ou de pseudo-solutions labellisées “made in Nature” qui – bien incapables de sauver le climat – feront en plus le malheur de l’humanité en la condamnant à la misère et à la décroissance.
[1] Défini comme une idéologie politique, à la suite de plus de quarante années d’agit-prop et de militantisme ayant recours à des techniques systématiques et bien rodées.
[2] 68% of Americans Wouldn’t Pay $10 a Month in Higher Electric Bills to Combat Climate Change https://www.cato.org/blog/68-americans-wouldnt-pay-10-month-higher-electric-bills-combat-climate-change
[3] Stephan Pinker est l’auteur du livre Enlightenment now dans lequel il montre que la philosophie des Lumières a apporté le progrès de notre civilisation.
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