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La Russie durcit sa loi anti-LGBT et interdit le transgenrisme

Les services de renseignement russes vont jusqu'à affirmer que les militants trans soutiennent l'Ukraine


La Russie durcit sa loi anti-LGBT et interdit le transgenrisme
Répression lors d'une manifestation interdite de militants de la cause homosexuelle à Saint-Pétersbourg, 21 novembre 2013 © Dmitry Lovetsky/AP/SIPA

La Douma a durci une nouvelle fois sa législation contre les LGBT. Les députés ont voté en faveur d’une nouvelle loi interdisant toutes opérations chirurgicales visant à un changement de sexe. Une loi qui se place dans «le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant» selon la chambre basse du Parlement russe.


Réunis en session parlementaire le 14 juillet 2023, les députés de la Douma se sont penchés sur un projet de loi visant à interdire aux médecins tous types d’opérations chirurgicales permettant un changement de sexe. Sauf dans les cas liés au traitement d’anomalies physiologiques congénitales détectées chez les enfants. Votée à l’unanimité, la loi freine également le droit à l’adoption par les personnes transgenres et empêche les bureaux russes d’état civil de modifier des documents officiels sur la base de certificats médicaux justifiant de changements physiques. Jusqu’ici, paradoxalement, un(e) transgenre « pouvait se rendre dans un hôpital public ou une clinique pour obtenir un document médical lui permettant de modifier de tels documents » comme le rappelle dans ses colonnes le quotidien Le Monde daté de juin dernier.  

Taper sur les homosexuels et les trans est un axe important de la propagande anti-Occident du Kremlin

Une série d’amendements qui vient renforcer la loi existante sur la « propagande gay » signée par le président Vladimir Poutine en décembre 2022 et qui prévoit déjà des sanctions très lourdes pour quiconque ferait la promotion de « relations et/ou préférences sexuelles non traditionnelles », ainsi que la transition de genre. Afin de justifier cette loi, plusieurs députés ont expliqué que le projet entendait stopper « une industrie développée de changement de sexe qui inclut des médecins malhonnêtes, des psychologues, un réseau d’organisations et d’activistes LGBT (…) qui mènent leur activité destructrice contre les adolescents et la jeunesse », et qu’il répondait à une demande de la société civile russe très sensible à ce sujet. « Le transgenrisme est une tendance monstrueuse ! C’est une voie qui mène à la dégénérescence d’une nation. C’est inacceptable pour nous » a d’ailleurs déclaré Viatcheslav Volodine, président de la Douma, pour expliquer son soutien à la loi. « L’avenir du pays doit reposer sur des familles saines, sur une éducation saine des enfants, et non sur les jeux européens de démocratie, qui se sont depuis longtemps transformés en dégradation générale » a ajouté la députée Tamara Frolova.

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Voix des transgenres en Russie, Roman Aleshin (devenu depuis Yulia Alyoshina) a dénoncé une « loi discriminatoire et un véritable génocide des personnes transgenres ». « Les répercussions seront dures, car les personnes transgenres se verront refuser le droit aux soins médicaux, qui est garanti par la Constitution (depuis 1997-ndlr) » rappelle l’ancien élu de l’Initiative civile, un parti politique libéral. Une loi qui permet même de donner un statut « d’ennemi d’État » aux transgenres selon Ian Dvorkine, un psychologue qui dirige une ONG russe d’aide aux personnes souhaitant faire une transition. Selon un sondage réalisé par Levada en juin 2020, c’est un Russe sur cinq qui souhaite « l’élimination » des LGBT du pays et 32% qui réclament qu’ils soient « isolés de la société ». 

À Moscou, la gay pride est périlleuse

Chaque année, la marche de Fiertés organisée en Russie fait l’objet de violences par les nationalistes qui reprochent aux associations homosexuelles de s’attaquer aux valeurs traditionnelles russes et de se faire les porte-paroles d’un Occident décadent, visant particulièrement les États-Unis. Un discours qui se place dans les pas de celui de l’Église orthodoxe et du Kremlin. Un gouvernement russe qui pointe même des possibles collusions entre les associations LGBT et le gouvernement ukrainien. Quelques heures avant l’adoption du texte anti-transgenre, qui attend la signature du dirigeant russe, les services russes de sécurité (FSB) ont annoncé avoir arrêté un militant transgenre, accusé d’avoir organisé des transferts d’argent vers Kiev « dans le but de financer » l’armée ukrainienne. Un crime de haute trahison passible de prison à vie. Dernièrement, la justice russe a infligé une importante amende (51000 €) au réseau social TikTok qui n’avait pas respecté l’ordre donné par un tribunal de supprimer des comptes LGBT russes soutenant l’Ukraine.

La Douma a précisé que la loi n’aurait pas un effet rétroactif et que ce vote allait dans « le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant ». Malgré tout, si elle n’est pas sans rappeler déjà une autre loi similaire mise en place du temps de l’Union soviétique, les homosexuel(le)s conservent le droit de se marier en Russie, de servir dans l’armée, de se réunir dans des lieux dédiés à leurs préférences, de donner leur sang et même d’adopter sans contrainte quelconque du gouvernement russe.




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Journaliste , conférencier et historien.

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