À l’heure où ne pas être connecté semble un affront à toute la société, où la perte de temps est pointée du doigt, et où le bonheur se mesure à l’aune de la réussite, la cueillette des champignons est bel et bien un acte de révolte.
Essayez pour voir, enfoncez-vous dans les bois à la recherche des petites têtes blondes, brunes ou rousses souvent bien cachées sous un lit de feuilles complices.
Risqueriez-vous un tour dont la productivité n’est pas assurée ?
Allez écouter, gratuitement et sans pub, le bruit de la forêt qui s’ouvre à vous, les chants d’oiseaux qui donnent le tempo aux feuilles qui tombent, l’étouffement du son de vos pas qui vous fait sentir que vous n’êtes rien au milieu des grands arbres bavards.
Bien sûr, tout le monde s’inquiétera un peu autour de vous, mais n’hésitez pas : pour l’instant, aucune loi n’interdit encore de vous perdre dans les chemins qui ne mènent nulle part et dans lesquels vous n’émettrez plus.
Attention : vous n’êtes pas couverts contre le danger de vous mouiller les pieds dans l’herbe humide, de tomber contre une racine envahissante, de vous faire piquer par un moustique sadique, mais vous osez avancer quand même. Puis ramassez vos petits favoris sans code barre, date de péremption et barquette fraîcheur ! Chaque trouvaille est une joie pour l’esprit et une fête pour les papilles.
Ni technique, ni garanties, ni argent. Vous anéantissez en un champignon le système consumériste actuel. Vous êtes libre. Un instant.
Heureusement, des articles experts et documentés vous ramèneront à la raison raisonnée en vous brandissant le danger de cueillir un cèpe ou un bolet sans le faire vérifier immédiatement pas un pharmacien. Que fait le législateur. Quid du principe de précaution. Vite, une loi anti-cueillette !
Alors, nous serons sauvés…
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