Bonne nouvelle : nous sommes sortis de la récession. Après la plus grave crise économique depuis près d’un siècle, les chiffres de croissance du 2ème trimestre confirment que nous échappons à une rechute. Mais cette embellie globale cache une grande divergence…
Pour le CAC 40, la crise est presque un souvenir
Le CAC 40 connaît des hauts et des bas depuis le début d’année. Après avoir rebondi au-delà des 4000 points en début d’année, il est tombé sous les 3300 points au moment de la crise des dettes souveraines avant de remonter à plus de 3700 points cet été, une hausse de plus de 10% depuis l’été. Ces mouvements erratiques montrent que les marchés sont pris entre deux sentiments contradictoires.
D’une part, ils doutent du potentiel de croissance du monde occidental et constatent le haut niveau du chômage et des dettes publiques, d’où leurs accès de nervosité.
D’autre part, ils prennent aussi en compte le rebond massif des profits des grandes entreprises. Le Figaro montre ainsi que pour les 28 entreprises du CAC 40 qui ont déjà annoncé leurs résultats semestriels, le cumul des profits atteint 33 milliards, plus du double des 14,7 milliards du premier semestre 2009 et à peine moins que les 39 milliards de 2008. Bref, les entreprises du CAC 40 ont déjà presque totalement effacé la crise et il y a fort à parier que dès l’an prochain, de nouveaux records devraient tomber. Pour ce secteur de l’économie, il aura donc suffi d’un an à peine pour effacer la plus grave crise depuis 80 ans.
Des citoyens à la peine
Cette situation contraste violemment avec la situation des citoyens. En France, le chômage (au sens large) approche le cap des 4 millions de personnes. Aux Etats-Unis, près de 10% de la population est officiellement sans emploi et le chiffre de 15 % est sans doute plus proche de la réalité. Le salaire médian, qui avait déjà baissé de 4% de 2000 à 2008 selon Joseph Stiglitz, a sans doute poursuivi sa chute. Enfin, si l’Allemagne n’a pas connu de forte hausse du chômage, cela s’explique à la fois par sa démographie et par l’augmentation du nombre de travailleurs pauvres (deux millions de salariés gagnent moins de six euros de l’heure).
Conclusion : cette crise a encore accentué les inégalités entre des multinationales (et leurs actionnaires) qui parviennent toujours à extraire plus de profits de leur activité, aussi bien grâce à la croissance des pays émergents qu’à la compression des coûts chez nous, et la population en général. Ce phénomène est à la fois injuste et inquiétant. Injuste car tout le bénéfice de la création de richesse, donc du travail de tous, passe dans les profits des grandes entreprises et les revenus d’une petite minorité. Inquiétant car cela montre bien que strictement rien n’a changé depuis la crise.
Dans ces conditions, beaucoup contestent le terme même de « reprise » même s’il paraît validé par des indicateurs économiques. Peut-être faudrait-il parler de pertes pour les uns et de profits pour les autres. Et que ceux-ci soient supérieurs à celles-là ne change rien à l’affaire : pour une immense majorité de citoyens, pendant la reprise, la crise continue.
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