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La régularisation des clandestins ou le blanchiment de la fraude


La régularisation des clandestins ou le blanchiment de la fraude
Interpellation d'un livreur pour délit de fuite, lors d'une opération de contrôle réalisée par la police municipale et les services de l'URSSAF, Nice, 1 juin 2022 © SYSPEO/SIPA

C’est bien de permettre à des restaurateurs, hôteliers, entrepreneurs du BTP et autres d’obtenir de la main-d’œuvre flexible et bon marché pour faire tourner leur affaire et nous fournir des services. Mais qui paie pour les dommages collatéraux de cet appel d’air migratoire permanent qui s’appellent ghettoïsation, communautarisme, radicalisation religieuse, déscolarisation, délinquance, etc. bref tous ces maux qui accablent notre pays au quotidien et depuis des décennies ? Pas ces employeurs, mais la collectivité.  


La nouvelle loi immigration proposée par Gérald Darmanin, la 30ème depuis 1981, prévoit, entre autres, la régularisation des clandestins qui travaillent dans les « métiers en tension » c’est-à-dire ceux où les employeurs déclarent ne pas pouvoir trouver en France des candidats pour leurs postes vacants. Divers métiers sont concernés, parmi lesquels notamment ceux du BTP, de la santé et de la restauration, cette liste ne prétendant pas à l’exhaustivité, tant s’en faut.

Mismatch et appel d’air permanent

Les partisans de la régularisation y voient un moyen d’intégrer des étrangers installés illégalement en France depuis parfois plusieurs années, tout en comblant « une pénurie de main-d’œuvre ». Dans un pays qui compte 2,8 millions de chômeurs de catégorie A donc sans aucune activité et 2,3 millions de chômeurs en catégorie B et C qui travaillent à mi-temps ou moins et qui disent vouloir travailler à plein temps, ce dernier argument a tout de même de quoi étonner. Cette situation invraisemblable de cohabitation entre un chômage encore très important et un prétendu « manque de main-d’œuvre » peut être dû, dans certains secteurs bien précis et pour certains postes, à des problèmes d’adéquation de formation ou d’expérience – ce que l’on nomme en économie le « mismatch ». Mais cette théorie ne marche pas pour quantités de postes peu qualifiés, où nous faisons face au refus de Français mais également à celui de nombreux étrangers légalement présents en France, de prendre les boulots disponibles.

Revenons à cette régularisation prévue par Gérald Darmanin qui fait beaucoup de bruit. Nous régularisons tous les ans en moyenne plus de 30 000 illégaux en France au titre de la circulaire Valls de 2012 dont plus personne ne parle. On hurle à l’« appel d’air » pour la mesure de Darmanin. Mais celle-ci n’est, au fond, qu’un complément ad hoc de ce qui se fait depuis des années, et qui constitue un appel d’air permanent. En effet, tous les migrants illégaux qui viennent chez nous la connaissent parfaitement et jouent la montre en attendant de pouvoir y prétendre.

Pour être éligible aux conditions prévues par la circulaire Valls et la proposition Darmanin, il faut travailler, alors que c’est illégal, sans visa de travail. Il faut donc trouver un patron qui va lui aussi faire quelque chose d’illégal, à savoir employer un étranger en situation irrégulière.

Mais les patrons n’étant pas trop bêtes et voulant pouvoir prétendre à la bonne foi en cas d’un rarissime contrôle URSSAF, ils se prêtent complaisamment à toutes les astuces déployées par les illégaux et par ceux qui les conseillent c’est-à-dire les fameuses « assos ». Voici un petit extrait d’une brochure du « Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s » (GISTI) : « Les personnes démunies d’autorisation de travail peuvent présenter à leur employeur ou employeuse potentielle des documents masquant leur situation réelle : titre de séjour périmé, document falsifié, faux document, mentionnant l’identité réelle de la personne ou une identité d’emprunt. Les employeurs soutiennent alors parfois avoir été abusés par le ou la salarié·e, bien que l’argument ne porte guère s’ils n’ont pas respecté leur obligation légale de faire procéder à une vérification par les services préfectoraux. » Il ne s’agit nullement ici d’accuser le GISTI, assos immigrationniste militante, d’incitation à enfreindre la loi. Mais cet extrait décrit très bien ce qui se passe.

Permis de frauder !

Alors disons clairement les choses : la régularisation « par le travail » des clandestins est une grande opération de blanchiment de la fraude. Celle des travailleurs en situation irrégulière et celle des employeurs. Mais le plus beau c’est que cette régularisation ne donne même pas lieu à une amende salée pour les fraudeurs !

Imagine-t-on régulariser des Français qui conduisent sans permis de conduire, au prétexte qu’ils n’ont point causé d’accidents pendant trois ou quatre ans, et qu’ils doivent travailler, faire leurs courses et amener leurs gosses à l’école ? Imagine-t-on régulariser des Français qui construisent illégalement une maison ou une extension sans permis de construire car ils ont besoin de se loger ou de s’agrandir ? Imagine-t-on régulariser l’auteur d’une thèse de doctorat dont on finit par découvrir qu’elle n’était qu’un vulgaire plagiat, au prétexte que son auteur est devenu enseignant-chercheur depuis cinq ans ? Imagine-t-on régulariser une personne qui exerce plusieurs années et sans accroc une activité règlementée (médecin, pharmacien, notaire, huissier, etc.) sans avoir les diplômes requis et en les falsifiant le cas échéant car il a une utilité sociale ? Imagine-t-on régulariser une personne gentille et travailleuse qui a juste usurpé une identité ou trafiqué des diplômes pour différentes raisons ?  Bien sûr que non.

A lire aussi, du même auteur: Les deux mamelles empoisonnées d’un pays en tension

Tout ce qui est décrit plus haut n’est tout simplement pas régularisable du tout. Et quand c’est le cas, il l’est au prix d’une lourde sanction financière. Pourtant, dans tous les exemples ci-dessus, les motivations pourraient être considérées comme tout à fait légitimes si l’on faisait preuve du même « humanisme » que celui dont on fait preuve à l’égard des étrangers sans papiers. La mobilité, la nécessité de se loger, montrer un diplôme indispensable qu’on n’a pas pu obtenir car on manquait de temps ou d’argent, etc. Dans toutes les activités illégales que commettent des centaines de milliers de gens chaque année, il y a souvent une motivation sociale humainement compréhensible. Et pourtant on ne « régularise » jamais. Bien au contraire, on sanctionne.

Mais cette intransigeance, gage de l’ordre social, ne vaut pas pour un Mamadou Ndiaye, commis de cuisine, qui se fait passer pour un Lamine Diop, à qui il a « emprunté » le titre de séjour, au moment de l’embauche, moyennant bien sûr rémunération pour le prêteur. Le patron n’y a vu que du feu ? « Ah ben, ils se ressemblent tous vous savez ! » Régularisé ! Pas non plus pour un Mohammed Bakri, manœuvre dans une petite boite du BTP, à qui il a fourni un titre de séjour grossièrement falsifié et que le patron n’a pas cru bon de vérifier auprès de la préfecture. « Ah, moi vous savez la paperasse c’est pas mon truc et puis j’ai fait confiance ». Régularisé ! Pas davantage pour une Ernestine Makumba, femme de ménage dans l’hôtellerie, employée depuis des années carrément sans papier par une petite boite d’intérim du nettoyage qui se fiche royalement des règles. Régularisée !

Totem d’immunité

Le fait de travailler devient un totem d’immunité. Comme si les centaines de milliers de gens qui chaque année commettent un délit sont exonérés de leur faute parce qu’ils travaillent.

Afin de faire passer la pilule on nous avance un argument fiscal censé nous rasséréner. « Ces gens paient des impôts ! ». Vraiment ? Les clandestins sont au SMIC ou à peine au-dessus. Ils ne paient donc aucun impôt sur le revenu car ils sont en dessous du seuil d’imposition. Ils ne sont quasiment jamais propriétaires donc ne paient aucune taxe foncière. « Ah mais ils paient des cotisations sociales ». Pas leurs patrons, car leurs bas salaires sont quasiment exonérés de charges patronales. Il ne reste que de modestes cotisations salariales. A bout d’arguments on nous dira qu’ils paient la TVA. Effectivement. Mais le petit dealer des quartiers nord de Marseille la paie aussi quand il va faire ses courses. Du coup, il faut lui foutre la paix ?

Et si encore nous avions une forme de donnant-donnant de la part du gouvernement, ça se réfléchirait. Donnant-donnant qui consisterait par exemple à purger le passé (régulariser ceux qui sont déjà là) mais à instaurer la règle de l’impossibilité de toute future régularisation de gens entrés ou restés clandestinement en France dans le cadre d’une loi organique extrêmement robuste. Il n’en est rien. Le « deal » est de passer un coup d’éponge sur « les métiers en tension » et de continuer à régulariser les clandestins au fil de l’eau avec la circulaire Valls.    

D’autant que ce petit manège qui dure depuis bien longtemps est bien rodé.  Une fois régularisés, ces travailleurs n’ont plus aucun intérêt à continuer à être payé au lance-pierre et à accepter des conditions de travail dégradées ; ils peuvent prétendre à des conditions nettement plus favorables. Les patrons adeptes du « docile et pas cher » n’y trouvent plus leur compte et les remplacent progressivement par des nouveaux illégaux. Vous connaissez le mouvement perpétuel de la montre suisse. Nous y sommes.  

On fait peu de cas de notre identité nationale

Attardons-nous maintenant sur l’argument économique de la régularisation. C’est bien de permettre à des restaurateurs, hôteliers, entrepreneurs du BTP et autres d’obtenir de la main-d’œuvre flexible et bon marché pour faire tourner leur affaire et nous fournir des services. Mais qui paie pour les dommages collatéraux de cet appel d’air migratoire permanent qui s’appellent ghettoïsation, communautarisme, radicalisation religieuse, déscolarisation, délinquance, etc. bref tous ces maux qui accablent notre pays au quotidien et depuis des décennies ? Pas ces employeurs, mais la collectivité.  

Alors au fond, l’intérêt supérieur de notre pays ne serait-il pas de préserver d’abord notre cohésion sociale et identitaire de notre pays au prix d’une baisse temporaire d’activité dans ces secteurs, le temps de trouver les outils pour mettre au boulot ceux qui y rechignent ?

En effet, avec son nombre encore impressionnant de demandeurs d’emploi, la France n’a aucun problème de quantité de main-d’œuvre disponible pour faire tourner son économie. Numériquement, elle a largement assez de bras et pour de nombreuses années. Elle a, en revanche, un problème à mettre au boulot des centaines de milliers de gens, « Gaulois » ou non, qui ont l’âge et la santé pour travailler mais qui vivent de l’assistanat ou du va-et-vient travail-chômage appelé « permittence ».  

Cette situation est tout aussi intenable que l’immigration clandestine et on ne peut pas simplement y répondre par « il faut payer plus ». Pour prendre un exemple simple, va-t-on payer une certes très utile aide-soignante mais qui fait 12 mois de formation sans exigence du BAC comme une enseignante qui, elle, doit avoir une formation de type BAC + 5 ? Va-t-on payer un serveur comme un ingénieur, un plombier comme un pilote de ligne, un chauffagiste comme un dentiste, etc. ? A un moment, il va falloir remettre l’église au milieu du village et faire en sorte que les gens qui ne veulent pas bosser ou qui ne consentent à bosser qu’à leurs conditions et seulement dans les métiers qui les attirent ne bénéficient plus de la solidarité nationale quand ils sont Français et d’un titre de quand ils sont étrangers.

Nous ne pouvons pas accepter de devenir l’Afrique car une partie de la France refuse de travailler.



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Jean Messiha est Président de l’Institut Apollon. Frédéric Amoudru est Directeur Études et Stratégie de l’Institut Apollon.

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