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La poussée de l’inflation sera-t-elle temporaire?

"Un phénomène jamais vu en économie de marché..."


La poussée de l’inflation sera-t-elle temporaire?
Joe Biden en visite dans une usine produisant des protections médicales, à Tempe, Arizona, lors de sa campagne aux élections présidentielles américaines, 8 octobre 2020 © Carolyn Kaster/AP/SIPA. Numéro de reportage : AP22501169_000054

Faut-il vraiment craindre un retour de l’inflation, ou assistons-nous à une poussée et à une baisse du pouvoir d’achat temporaires? Analyse.


La très forte hausse du prix de l’énergie et des matières premières en général a entraîné un fort rebond de l’inflation dans le monde. Les chaînes de production mondiales s’étant étirées fortement avec le libre-échange, des goulots d’étranglement ont créé des situations de fortes hausses des prix voire de pénuries dans certains secteurs. La pratique de la commande juste à temps dans les grandes entreprises financiarisées a accéléré le phénomène. Le manque de compétence des dirigeants politiques, y compris des dirigeants chinois, a aussi contribué aux hausses de prix : après le programme de relance américain trop puissant de Joe Biden, Xi Jinping a voulu baisser beaucoup trop vite l’utilisation du charbon en Chine, ce qui a provoqué de massives coupures d’électricité et une forte baisse de la production industrielle dans le plus vaste atelier du monde. Enfin, la fermeture de certains pays ou la perturbation dans certains secteurs pour cause de Covid-19 a encore accentué ces phénomènes de surchauffe.

A lire aussi, Gil Mihaely: Joe Biden: le fossoyeur des classes moyennes sera-t-il leur sauveur?

Périls industriels

Avec le rebond de l’économie mondiale impulsé par les plans de relance, l’inflation a augmenté à des niveaux inconnus depuis longtemps aux Etats-Unis et en Europe : +6% sur un an en octobre aux États-Unis et environ 5% sur un an en novembre dans la zone euro. L’inflation en Chine reste encore calme à 1,5% sur un an en octobre.

Les prix à la production industriels, les plus volatils, augmentent encore plus vite : +16% aux Etats-Unis, 13% en zone euro et 14% en Chine sur un an en octobre. Les prix dans les services sont pour l’instant beaucoup plus sages.

Certains économistes anticipent maintenant un dérapage appuyé de l’inflation, l’injection continue de monnaie par les banques centrales dans les marchés financiers faisant office de carburant pour l’inflation. Cependant, cette monnaie reste depuis plus de 10 ans encapsulée dans les marchés financiers et immobiliers, poussant sans cesse leurs prix à la hausse, sans ruisseler dans l’économie réelle, celle de « Monsieur tout le monde », des entreprises et des salariés.

Pour que l’inflation poursuive sa progression, il faudrait que la hausse rapide des prix des matières premières se poursuive ou que les salaires augmentent fortement, entraînant une nouvelle hausse des prix (c’est ce que les économistes appellent la « boucle prix salaires »).

Les arbres ne montant pas jusqu’au ciel

Les prix de l’énergie, gaz et pétrole, commencent à baisser : -20% pour le pétrole et le gaz par rapport à leurs sommets atteints il y a un mois. Les prix des autres matières premières ne progressent plus. Les arbres ne montent en effet pas jusqu’au ciel.

Qu’en est-il des salaires ? Les salaires augmentent le plus fortement aux Etats-Unis : de 5% soit 1 point de moins que l’inflation sur un an en octobre. Les hausses de salaires en Europe seront d’environ 2% en 2021 soit 3% de pertes de pouvoir d’achat. Rien d’étonnant à cela, le nombre de personnes réellement au chômage reste trop élevé, loin des images d’Epinal de centaines de milliers de postes vacants à plein temps que tente de propager le gouvernement en France et dans d’autres pays. En effet, comment imaginer qu’il y ait beaucoup d’emplois vacants mais aucune hausse des salaires et même des pertes de pouvoir d’achat ? Il s’agirait d’une pénurie sans hausse de prix, phénomène jamais vu en économie de marché. En Chine, les hausses de salaires restent pour l’instant limitées, même si une nouvelle tendance émerge : les jeunes rechignent à travailler dans les usines et préfèrent un travail de bureau, ce qui à terme pourrait changer la donne économique mondiale.

A lire aussi, de Philippe Murer : Économie: hyperinflation ou dépression sociale?

La croisière s’amuse…

Rien n’est certain dans ce monde chaotique. Il est cependant fort probable que les pertes de pouvoir d’achat aux Etats-Unis et plus encore en Europe auront tendance à court terme à donner un coup de frein à la consommation et à la croissance mondiale plutôt que d’engendrer une spirale à la hausse entre les prix et les salaires. Autre point en faveur d’une baisse de l’inflation, les goulots d’étranglement dans le transport maritime commencent à se résorber comme le démontre la division par deux de l’indice des prix du transport maritime, le « Baltic Dry Index » en 2 mois.

Ce sont donc les salariés et les petits entrepreneurs qui risquent de payer avec une perte de pouvoir d’achat, la note d’une poussée d’inflation liée à une mondialisation et à des politiques économiques de plus en plus défaillantes. L’inflation, elle, devrait heureusement baisser avec le ralentissement de la croissance. Jusqu’à quand les citoyens des pays occidentaux accepteront-ils de voir les prix des bourses et de l’immobilier exploser, provoquant le bonheur des rentiers quand leur pouvoir d’achat a lui tendance à diminuer ? Telle est la question.

Préfacé par Jacques Sapir, le nouveau livre de notre contributeur Philippe Murer Sortir du capitalisme du désastre, vient d’être publié chez l’éditeur Godefroy NDLR.

Sortir du capitalisme du désastre

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Economiste

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