S’il y a bien un service public qu’on a du mal à imaginer précurseur, c’est La Poste. Le temps d’attente devant les guichets à moitié fermés faisant foi de la capacité de réaction quasi-bovine de l’administration du courrier, il semble difficile au quidam empêtré dans la queue d’imaginer l’inverse. Mais nous sommes mauvaise langue et La Poste le prouve. Car, sans en avoir l’air, l’institution ne s’occupe pas seulement de distribuer le courrier ou de faciliter vos démarches de « téléphonie mobile », elle est une lanceuse de mode.
La grande dame au chapeau jaune et bleu se sent investie d’une mission sociale auprès de la population. Certes, elle ne distribue pas de soupe, ni de pain, mais elle édite des timbres à l’image de ce que doit être notre société. Il n’y a pas si longtemps, notre Marianne nationale a pris, à cet égard, les traits d’Inna Shevchenko, chantre du mouvement féministe trash. Certains se sont étonnés de ce choix osé. Mais nous ne pouvons que remercier La Poste et son ministère qui s’occupe de notre éducation.
Cette fois-ci, c’est en Finlande que la poste nationale Itella Posti a pris le taureau populaire par les cornes. Alors qu’elle présentait sa nouvelle collection, sous les yeux ravis de spectateurs qui se plaisaient à reconnaître vulgairement les couleurs de l’an passé, celle d’un paysage en automne ou d’un cerf apeuré en hiver, vînt le tour de la ligne homosexuelle porno-chic. La Poste finlandaise est heureuse de saluer avec vous « un homoérotisme confiant et fier » annonce-t-elle sur son site. Pour les vieux schnocks qui n’auraient pas compris, ces timbres en l’honneur du grand artiste Tom of Finland, prônent la « fierté d’être soi-même », une valeur fondamentale de nos sociétés démocratiques.
Bien sûr, il n’est pas question de remettre en cause le grand art de Tom of Finland, passé « maître du coup de crayon » des bûcherons, des policiers à moto, des marins ou des motards en cuir. Chef de file dans les années 60-70 d’un nouveau genre pop-gay, son œuvre lui a valu d’être reconnu internationalement mais surtout particulièrement par Marc Cohen, rédacteur en chef de Causeur. Imaginez-donc !
D’ailleurs, si vous n’appréciez pas ces entre-jambes musclés, ces poses masculines lascives, et ces uniformes détournés sur vos enveloppes tamponnées, c’est que vous êtes timbré !
NDRECCDB (Note du rédacteur en chef chargé des brèves) : Je m’empresse de confirmer l’info : à la fin du siècle dernier, j’ai même fait un Paris-Helsinki express pour une rétrospective ToF et un concert des Leningrad Cowboys (j’en ai aussi profité pour aller voir la maison du Père Noël à Rovaniemi). Les dessins de Tom of Finland sont extraordinairement salaces, donc vivants, donc subversifs. Tout comme les œuvres de jeunesse de Gilbert & George, les Village People ou le Palace de Fabrice Emaer. Ils nous renvoient à des temps révolus et bénis où les gays étaient gais. Marc Cohen
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