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La police n’est pas à plaindre

La police a pour elle l'immense masse des citoyens


La police n’est pas à plaindre
Devant les locaux de l'IGPN, Paris, 3 novembre 2016, Tristan Reynaud/SIPA 00779543_000006

Malgré les politiques et les médias qui parlent comme si les policiers devraient être toujours présumés coupables, les forces de l’ordre sont soutenues par la majorité du public. Le billet de Philippe Bilger.


On me pardonnera ce titre provocateur alors que depuis plusieurs semaines on entend d’un côté attaques, partialités et haines et de l’autre doléances, réclamations et protestations. C’est pour troubler ces effervescences et controverses contrastées que je prétends que «la police n’est pas à plaindre» mais qu’elle doit être respectée à chaque fois qu’elle est respectable, donc la plupart du temps où elle s’adonne, dans les pires difficultés, à l’exercice de ses missions essentielles pour notre sauvegarde, la tranquillité publique et la stabilité démocratique.

Manuel Valls, dont la lucidité dans ce domaine est pourtant à louer, a tort lorsqu’il affirme «refuser le concept de violences policières» (JDD). En effet, si la police a le monopole de la force légitime, il arrive que certains fonctionnaires de ce corps commettent des violences illégitimes et il n’est pas sain de laisser croire qu’elles seraient toujours justifiées par un contexte de violence, de résistance, d’opposition.

Contrairement à ce que j’ai pu penser et écrire à une certaine époque, il me semble aujourd’hui que l’IGPN – à la fois service spécialisé d’enquête et service d’inspection – n’a pas à ce point démérité, bien au contraire, pour qu’il faille la déstabiliser en la réformant de fond en comble sans probablement corriger le principal grief qu’on peut lui faire : sa lenteur. Ce qui était allégué au temps excité des Gilets jaunes a révélé par la suite sa fausseté. Des poursuites ont été engagées et des condamnations édictées contre les rares policiers ayant perpétré le pire sans la moindre excuse professionnelle.

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Il n’est pas inutile d’évoquer les Gilets jaunes puisque c’est à partir d’eux qu’on a mis en branle, politiquement et médiatiquement, ce système d’égalité perverse mettant sur le même plan le manifestant vindicatif, l’émeutier violent et le policier contraint de riposter en réaction. Cet absurde parallélisme a banalisé l’autorité de la police et sans doute aggravé la propension, aujourd’hui multipliée, à la défier et à la frapper.

Je voudrais faire un sort au propos – à la source de mon billet – d’une avocate, Marie Geoffroy, qui me paraît représenter le comble de la dérive intellectuelle et judiciaire, malheureusement sans doute approuvé par les tenants d’un Etat de droit cul par-dessus tête. N’a-t-elle pas déclaré : «La parole d’un fonctionnaire de police n’a pas plus de poids que celle d’un jeune qui a plusieurs mentions à son casier judiciaire. C’est ça, le droit» (Le Monde).

Ce qui paraît relever d’une sorte de bon sens un zeste sommaire n’a en réalité rien à voir avec le droit qui n’a pas pour vocation d’apposer sur des situations radicalement différentes et des fonctions antagonistes (si être un multidélinquant est une fonction !) un même regard, une même légitimité. Je ne peux que relever la déplorable évolution qui a constitué la parole du voyou avec ni plus ni moins de crédibilité que celle du fonctionnaire de police.

J’y vois un effet général de la déliquescence causée par une conception dévoyée de la modernité, la détestation de toute hiérarchie : tout se vaut, tous se valent, les ombres et les lumières, mises ensemble, se gangrènent les unes les autres; la malfaisance n’est plus le contraire de l’honnêteté mais presque un dérivé atypique de celle-ci; ce n’est plus la perte des valeurs qu’il convient de déplorer mais leur refus puisqu’elles viendraient entraver notre liberté d’agir à notre guise, notre bon plaisir.

Le policier généralement irréprochable, confronté à une quotidienneté éprouvante et dangereuse, est pourtant de plus en plus perçu comme tout le monde.

Je persiste dans ma critique de ce qui surgit de la part de certains syndicats policiers et de personnalités bienveillantes à l’égard de la fonction policière. Réclamer des juridictions spécialisées, un statut dérogatoire, une procédure pénale distincte non seulement ne servirait à rien mais ne ferait que dégrader encore davantage le manque de proximité entre une majorité de citoyens et leur bouclier républicain. Il faut tout faire contre ces slogans ignominieux : la police tue, tout le monde déteste la police. Non pas avec une muselière mais en s’efforçant de réformer l’esprit public, sur les plans politique, judiciaire et médiatique. Sur quatre points au moins.

Les pouvoirs à venir, surtout de droite puisqu’ils se piquent d’être favorables à la police, devront le démontrer non pas par des hommages abstraits faciles et confortables mais par un soutien constant ne passant pas sous la table démocratique à la moindre empoignade et plus attentif à l’adhésion majoritaire du peuple qu’à l’émotion médiatique. Pour une police exemplaire et efficace, pas d’autre choix qu’un pouvoir courageux : sans doute ce qu’il y aura de plus difficile à trouver!

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Cela fait des années que par écrit et oralement je dénonce ce monde où la police est présumée coupable à chaque fois que les obligations de sa mission l’ont contrainte à user d’une force (si souvent maîtrisée) face à la résistance et à la fuite des personnes interpellées qui, l’expérience le démontre à chaque fois, toutes sont en état d’infraction ou recherchées : aucune n’est irréprochable. Mais quand, à cause d’elles, le drame survient, c’est le gardien de la paix, de la loi qui est incriminé. Ce scandale permanent m’indigne.

D’autant plus que s’y rajoute la partialité politique et médiatique. On ne présente jamais aux citoyens l’ensemble du processus mais seulement sa conclusion : la mort ou les blessures. Alors qu’on ne peut les expliquer, les comprendre, dans un souci d’équité, que si on vous permet l’appréhension de tout, spécialement des débuts. Par exemple, si on avait usé de cette honnêteté, le président Macron se serait moins engagé pour Michel Zecler mais quel chef d’Etat saura se dispenser de la douce démagogie des vérités partielles ?

Enfin rien ne pourra jamais restaurer le lien entre société et police, entre magistrature et police sans un changement radical : les policiers n’ont pas par définition les mains sales et les magistrats l’esprit propre. Ceux-ci ont d’abord à comprendre, à respecter ceux-là. Sans les risques qu’ils prennent, les défis qu’ils relèvent et la réalité souvent terrifiante qu’ils affrontent, l’exigence de justice demeurerait lettre morte.

Je maintiens : la police n’est pas à plaindre. Rien ne lui correspond moins que le gémissement et la faiblesse. Qu’elle n’oublie jamais, tentée par le découragement, meurtrie par le manque de respect et de reconnaissance, blessée par les abandons et les lâchetés, qu’elle n’a pour elle que l’immense masse des citoyens.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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