Ancienne permanente au PS des grandes heures, celles de la victoire de Mitterrand et de l’exercice du pouvoir, Renée Fregosi revient sur la déchéance de ce parti. La plus grande trahison de la gauche fut envers la gauche elle-même, ses idéaux de départ étant oubliés par les alliances bancales entre les différentes sensibilités, et surtout les méprisables ambitions personnelles des responsables carriéristes. C’est aussi le peuple de France qu’elle a abandonné, se tournant vers les immigrés, nouveau lumpenprolétariat, et reniant la laïcité, qui faisait partie de son essence.
J’ai refermé le livre de Renée Fregosi Comment je n’ai pas fait carrière au PS (Balland, 2021) avec un sentiment de tristesse, tant je partage son analyse politique mais aussi le triste constat qui est posé du cynisme, de la médiocrité et de l’arrivisme d’un parti pour qui l’accès au pouvoir a coïncidé avec la mort de la réflexion, voire même de la liberté de pensée. Les trahisons successives de son histoire, de ses idéaux et de ses électeurs aboutirent à faire de ce parti centenaire un « astre mort » dans le ciel politique. La « vieille maison » à laquelle Renée Fregosi est attachée et qu’elle a cru rejoindre n’était pas le Parti socialiste. Cette vieille maison que voulait garder Léon Blum, l’héritier spirituel de Jaurès, aura été démolie justement par ceux qui sont venus y faire carrière quand le socialisme est devenu lucratif, abandonnant la classe ouvrière et les classes moyennes, pour servir la cause du capitalisme triomphant. Bientôt la réforme n’eut plus comme horizon l’amélioration de la condition de ceux qui n’avaient que leur force de travail à proposer, mais la soumission aux impératifs de la mondialisation tels que définis par les financiers.
Une socialiste pur jus
Renée Fregosi ne faisait pas partie de ces prédateurs que la victoire engendre et que le pouvoir multiplie. Elle a grandi avec le socialisme. Ses parents et ses grands-parents d’origine modeste ont toujours cru à cet idéal émancipateur, profondément laïque et dont la justice sociale était la boussole. En cela, ils ressemblaient à tous ces militants profondément attachés à ce parti, héritier de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière), qui avaient refusé l’alliance avec le bolchévisme auquel ils préféraient la social-démocratie. Ils n’étaient pas de ces révolutionnaires exaltés qui prêchent la révolution pour mieux construire leur ascenseur social individuel en envoyant leurs convertis dans le mur. Non, eux croyaient en la réforme qui promettait des changements de société profonds, sans violence inutile et surtout sans le totalitarisme et les massacres qui ont accompagné le communisme triomphant de l’URSS. Mais le Parti socialiste français a toujours cultivé sur ce point une ambiguïté délétère, né du mariage de raison entre une gauche réformiste, celle de Blum, et une gauche révolutionnaire, dont le cœur battait à Moscou.
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Cette tension aura marqué jusqu’à nos jours l’évolution du Parti socialiste et l’a entraîné dans des dérives sans fin qui lui ont coûté cher en matière de crédibilité et ont écœuré les électeurs. Cette incapacité à trancher et à croire que l’on peut incarner quelque chose de cohérent quand on essaie de rassembler sous le même toit tout et son contraire ont entraîné sa disparition. Ce que Renée Fregosi démontre avec brio, c’est que la théorie des deux gauches incompatibles est bien plus ancienne que les derniers rebondissements
