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La pilule, dure à avaler ?


Donc, les lycéennes françaises pourront dorénavant se fournir en contraceptifs à l’heure de la récré sur le lieu même de leur activité principale, l’école.

Et cela affole mon éminent confrère François Taillandier.

On peut penser que l’Education nationale se mêle une fois encore de ce qui ne la regarde pas, confondant avec ou sans malice, l’enseignement, qui est son rôle, avec l’éducation qui devrait être le pré carré des parents. Mais il faut aussi constater que cette confusion est devenue monnaie courante.

Dès la fin des années 1970, des responsables de la Santé publique arpentaient les classes primaires, distribuant des dentifrices et initiant des écoliers, trop heureux d’éviter la table de multiplication par 7, à l’art et la manière de se brosser les dents.

Depuis quelques années, ces bonnes âmes dispensatrices du savoir hygiéniste nous bassinent avec leur pyramide de l’alimentation, voire, organisent des petits-déjeuners bios et équitables dans les salles de classe.

C’est un peu crétin et certains murmurent qu’il serait peut-être plus judicieux de consacrer les heures de cours à l’apprentissage de la règle de 3, de l’imparfait du subjonctif ou du relief du bassin lorrain et de laisser les parents s’occuper du p’tit-déj.

Mais ce qui tracasse François Taillandier, ce n’est ni le dentifrice ni le petit-déjeuner, c’est la pilule !

Pourquoi ?

Eh bien, à en croire notre talentueux romancier du désastre contemporain, les parents, modernes Spartiates, ont renoncé à éduquer leurs enfants et s’en remettent mollement à la collectivité. On ne saurait donc imaginer que Charlotte, après avoir pris conseil auprès de maman et discuté la chose avec le jeune homme de sa jeune vie, se fournisse sur le lieu même où elle se coltine la trigonométrie et les cornéliens dilemmes. Si elle se fournit au lycée, c’est la preuve irréfutable d’un abandon de poste de ses parents. Déjà qu’ils étaient un peu légers sur le coup de l’hygiène buccale…

Et aussi, bien sûr, parce que notre époque désenchantée, forcément, ne supporterait plus les jeunes gens timides et les jeunes filles rêveuses. On a peut-être oublié de signaler à François Taillandier que le « pass-contraception » était un cours à option et qu’il ne faisait pas l’objet d’une évaluation en fin d’année. Rassurez-vous, mon ami, on a toujours le droit de rêver. Et en plus, on a le droit de rêver que le rêve ne vire pas au cauchemar.

« On n’allait pas leur parler indéfiniment de leur sensibilité, de leurs rêves, de leurs désirs, de leurs questionnements, de leurs émerveillements, de leurs cœurs qui battent (…) », nous dit Taillandier. Non. Effectivement, on n’allait pas leur en parler. Cela s’appelle le respect de l’intimité, le droit de chacun à cheminer à son rythme et à sa façon, sans que l’école vienne dicter sa loi et sa cadence. Les cœurs qui palpitent, c’est infiniment secret.

On a respecté leurs émois, leur envie de tendresse, leur besoin de chaleur et de douceur. On leur a juste donné l’outil pour que la tendresse demeure de la tendresse, pour que les premiers pas vers l’érotisme ne se transforment pas en premiers pas vers une maternité qui, à seize ou dix-sept ans, deviendrait une malédiction.

Et aussi pour qu’une erreur d’un soir ne se paye pas toute une vie.

Non, cher François Taillandier, faciliter la contraception n’a rien de collectiviste. C’est même exactement le contraire. C’est rendre l’homme unique, libre et responsable.

Sauf qu’en ce cas, l’homme, c’est une femme. Que dis-je, une jeune fille ! Ce n’est pas vous qui me direz que les jeunes filles ne contribuent pas à l’enchantement du monde ?



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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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