À l’approche des célébrations de Noël, un groupe d’hommes armés a mené des attaques coordonnées sur plusieurs villages situés dans l’État du Plateau, au Nigeria. Plus de 200 personnes ont été impitoyablement massacrées. Ces actes se sont déroulés dans un contexte de tensions religieuses exacerbées, liées à une lutte acharnée pour le contrôle de l’eau et des terres. Au Nigéria, comme dans d’autres pays en développement, les chrétiens sont les victimes du fanatisme islamiste.
C’est une véritable tragédie qui a frappé la République fédérale du Nigeria à la veille des fêtes de Noël. Dans l’État du Plateau, une quinzaine de villages ont été simultanément attaqués par des « bandits », laissant derrière eux des monceaux de cadavres et des dizaines de maisons pillées et réduites en cendres. Plus de 200 personnes auraient été assassinées selon le bureau d’Amnesty International qui a annoncé que ce chiffre pourrait être plus élevé. Plusieurs personnes demeurent encore disparues laissant planer l’incertitude quant à leur sort : fuite ou enlèvement. Interrogés, certains habitants ont déclaré qu’il avait fallu plus de 12 heures avant que les services de sécurité ne répondent à leur appel à l’aide et rejoignent les rescapés de ce massacre qui a fait les titres des médias locaux.
Aucun groupe n’a revendiqué la responsabilité de ces attaques, mais tous les indices pointent vers les nomades-éleveurs de l’ethnie Haoussa-Fulani (ou Peuls). Ces derniers ont déjà été accusés par le passé d’orchestrer des massacres dans les régions du nord-ouest et du centre, dans le but de s’approprier les terres et l’eau. Un conflit exacerbé par une démographie élevée, le réchauffement climatique et l’antagonisme croissant entre chrétiens et musulmans, alimenté en partie par l’activisme meurtrier du groupe islamiste Boko Haram, affilié à l’État islamique depuis 2015, dans le nord du pays. Parmi les victimes, on compte une majorité de villageois, dont de nombreux chrétiens, y compris des pasteurs protestants. Solomon Gushe, révérend de l’église baptiste de Dares, un des villages ciblés, a été froidement assassiné avec neuf membres de sa famille comme le rapporte le Christian Daily International-Morning Star News. Le quotidien évoque même un autre pasteur tué avec ses cinq enfants.
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Face à cette atrocité, l’Association chrétienne du Nigéria (CAN), sous la direction de l’archevêque Daniel Okoh, a vivement condamné cette récente attaque contre les chrétiens de ce pays. Dans un communiqué officiel, l’association déclare : « Nous réprouvons fermement ces actes de violence. L’incendie délibéré de maisons et de lieux de culte, ainsi que la destruction de biens d’une valeur de millions de nairas, ne constituent pas seulement des crimes, mais également une attaque directe contre nos valeurs fondamentales de paix, d’unité et de respect mutuel. De tels agissements n’ont pas leur place dans notre société et ne doivent en aucun cas être tolérés ».
Au-delà de l’émotion suscitée, la politique mise en place par le président Bola Tinubu est également critiquée. Élu cette année avec la promesse de mettre fin à ce type d’exactions qui secouent régulièrement ce géant pétrolier, le dirigeant nigérian a ordonné que toutes les mesures nécessaires soient prises pour retrouver les coupables. L’armée nigériane a lancé une opération visant à localiser et à arrêter les criminels, en collaboration avec d’autres agences de sécurité, bien que les arrestations soient rares lors de telles attaques. Abdullsalam Abubakar, à la tête de l’opération spéciale d’intervention de l’armée dans le Plateau et les États voisins, a affirmé que ses forces ne se reposeraient pas tant qu’elles n’auraient pas identifié les responsables de ces massacres. Isa Sanusi, le directeur d’Amnesty Nigeria, a exprimé son agacement face au manque de « mesures concrètes » prises par le gouvernement actuel pour « protéger les vies des Nigérians ». Il rappelle que, parfois, des arrestations sont prétendument annoncées, mais aucune preuve tangible n’est fournie, déplorant l’incapacité manifeste des autorités à assurer la protection de la population nigériane, avec des assassinats devenus progressivement la norme.
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Selon un rapport récent sur les « chrétiens martyrs au Nigeria », publié par une ONG nigériane, la Société internationale pour les libertés civiles et l’État de droit (Intersociety), plus de 50 000 chrétiens ont perdu la vie au Nigeria depuis le début de l’insurrection de Boko Haram en 2009. Le rapport indique que 18 000 églises et 2 200 écoles chrétiennes ont été incendiées, que 5 millions de chrétiens ont été déplacés ou ont trouvé refuge dans des camps. Par ailleurs, les musulmans modérés ne sont pas plus épargnés. Avec 34 000 d’entre eux tués, ils ont été aussi les malheureuses victimes de ces attaques djihadistes au cours de ces deux dernières décennies.
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