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La parole d’une femme n’est pas sacrée

Entretien avec Me Delphine Meillet


La parole d’une femme n’est pas sacrée
Delphine Meillet. © Hannah Assouline

Selon l’avocate de Roman Polanski, le jugement en sa faveur est une décision majeure à l’heure de la révolution MeToo : un homme accusé publiquement a le droit d’exprimer publiquement sa vérité. Il est peu probable, cependant, que ce jugement calmera les meutes qui, comme l’a reconnu le tribunal, poursuivent le cinéaste de leur « vindicte ».


Causeur. Vous venez de remporter une belle victoire. Charlotte Lewis attaquait Roman Polanski pour diffamation, devant la 17e chambre. Elle a été déboutée. Quelle est votre interprétation de cette décision ? 

Delphine Meillet. Cette décision concerne tous ceux qui sont accusés injustement et qui s’en défendent. Elle nous dit qu’un homme qui est accusé publiquement de crimes sexuels a le droit de se défendre publiquement. Un accusé a le droit d’exprimer aussi sa vérité, y compris en affirmant qu’une femme ment. Ce jugement est particulièrement significatif, compte tenu du symbole Polanski pour le mouvement MeToo. Il confère au célèbre metteur en scène le bénéfice de la « jurisprudence MeToo » sur la libération de la parole de la femme qui est transposé en défense à la parole de l’homme. De plus, dans le jugement, je dois préciser qu’il est satisfaisant de voir souligner par les juges eux-mêmes que la plaignante déboutée participe à « la vindicte engagée contre Roman Polanski ».

MeToo ne dit pas juste qu’une femme a le droit de se défendre, mais qu’une femme a un droit imprescriptible à être crue quand elle parle.

Ce qu’on peut déduire de ce jugement est que ce droit de se défendre publiquement dans des termes mesurés, d’accusations est désormais reconnu. Ce n’était pas le cas jusqu’au 14 mai. Auparavant, deux hommes, Éric Brion et Pierre Joxe, qui ont poursuivi leurs accusatrices en diffamation, ont été déboutés. La Cour de cassation a validé, estimant que les accusatrices étaient de bonne foi.

Cela correspond-il au droit général de la diffamation ou y a-t-il une sorte d’extraterritorialité des délits sexuels ? 

On est sur le terrain de la diffamation publique, avec un modus vivendi, énoncé explicitement par les juges français qui ont débouté Brion et Joxe au nom de la libération de la parole de la femme : on demande à la femme qui accuse de justifier ces accusations publiques en ne produisant que quelques témoignages. Les juges européens vont encore plus loin. « On ne peut faire peser sur les épaules de la femme la charge de la preuve excessive qu’elle a été agressée… » écrivent-ils dans leur dernière décision sut le thème. En clair, si elle le dit, elle n’a pas à le prouver.

Cette formule de la CEDH n’est-elle pas la négation de toute la justice ?

Évidemment. Elle correspond à l’air du temps. Tous les paramètres sont déréglés, et l’analyse de la CEDH va beaucoup trop loin.

Comment Roman Polanski a-t-il réagi à cette décision ?

Bien qu’il ait été calomnié toute sa vie, Polanski n’a jamais engagé aucune action judiciaire contre des accusatrices. Ici, ce n’est pas lui qui a initié ce procès, c’est une ancienne accusatrice anglaise qui le poursuivait en diffamation pour avoir


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Juin2024 - Causeur #124

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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