Pas à la hauteur de la gravité des évènements. Après le massacre de plus d’un millier d’innocents en Israël, et une erreur politique majeure, le leader des « Insoumis » s’enferme dans le déni et essaie d’embrouiller le monde. Il affirme, sans convaincre, que personne n’a rien compris. Et que son refus de qualifier de terroriste le Hamas est justifié au motif que cela le soustrairait au droit international… Même si François Ruffin a tenté timidement de la réduire, la désintoxication à l’égard de la Mélenchon-dépendance à gauche sera difficile.
Jean-Luc Mélenchon a une telle emprise sur LFI, un rôle si primordial dans la Nupes, une influence si forte sur la vie politique nationale, qu’elle soit positive ou négative, un désir toujours aussi intense de gagner enfin l’élection présidentielle de 2027, que rien de ce qu’il dit, dénonce, déclare ou accomplit n’est indifférent, que toutes ses humeurs et provocations sont prises au sérieux et qu’il est si peu crédible dans sa modestie ostentatoire surjouée que cette dernière ressemble à une immense vanité. Pourtant, à y regarder de près, Jean-Luc Mélenchon est en train, à cause de sa personnalité et ce qui paraît être de plus en plus le dérèglement d’une force qui ne se contrôle plus, de créer autour de lui, et bien au-delà, plusieurs dégâts qu’on feint de ne pas remarquer mais qui blessent la démocratie. LFI, clanique, est devenu discorde, ressentiment, frustration. Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot qu’il a qualifiée de « femme tribun » (mon dieu !), Louis Boyard, un excité dont le seul but est de se faire remarquer par le pire, Thomas Portes qui ne trouve rien de mieux en ces moments qu’attaquer Enrico Macias dont le propos sur « dégommé » devait évidemment être pris au figuré, Manuel Bompard écartelé entre sa fidélité et sa lucidité, obligé de soutenir cette absurdité honteuse que le Hamas n’est pas terroriste, Clémentine Autain tentant de faire entendre sa voix parfois heureusement dissidente, le couple formé par Alexis Corbière et Raquel Garrido à l’évidence éberlué par ce qui se passe et qui aujourd’hui dépasse leur conception pourtant extrême de l’engagement, Antoine Léaument qui, miracle, depuis quelques jours se tait, la députée Ersilia Soudais dont le ton révolutionnaire donne des frissons et fait craindre un futur où elle serait bourreau de la République. Un parti divisé, de moins en moins insoumis, sinon à l’égard du réel, et qui désespère tous ceux qui aspiraient à une extrême gauche n’attachant pas d’importance qu’à l’adjectif.
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François Ruffin, l’alternative
Jean-Luc Mélenchon, surtout, à cause de ce qu’il a laissé surgir en lui et hors de lui, a fait naître au sein du parti un authentique, un vrai rival, François Ruffin, qui a compris que LFI devait changer de registre, de logiciel, reprendre pied dans le social et le populaire, se délester du clientélisme musulman, ne plus mépriser l’exigence de sécurité et se soucier prioritairement des classes modestes.
François Ruffin a attaqué frontalement son parti en affirmant sans détour le caractère évidemment terroriste du Hamas et en dénonçant sans la moindre équivoque les monstruosités et barbaries commises par ce dernier. C’est un grand pas qui montre que, malgré le couplet plus classique sur la cause palestinienne et la nostalgie d’une période où la France avait de l’influence et du poids sur le plan international, le député de la Somme est décidé à ne plus retenir ses coups. Il va, par son attitude qui ne mâche plus ses mots sur l’essentiel, aggraver d’abord le climat délétère de son parti pour ensuite probablement faire réfléchir ce dernier et sans doute faciliter la désintoxication à l’égard de la Mélenchon-dépendance.
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Perversion partisane
Le climat installé et instillé par Jean-Luc Mélenchon, les pressions qu’il exerce pour que l’activité parlementaire ne soit faite que d’opposition systématique, de refus des consensus même les plus évidents, d’une sorte de prurit révolutionnaire en chambre plus grotesque et débraillé qu’autre chose, de chahut mêlant des députés malheureusement égarés et des militants ayant oublié qu’ils étaient députés, ont eu pour conséquences, notamment, de faire percevoir par une majorité de Français le RN comme « plus compétent et plus crédible » que LFI.
Combattre le RN, sur le plan politique, sans s’attacher à stigmatiser l’un des ressorts fondamentaux de son avancée – LFI sous influence mélenchonienne – est aberrant, incohérent.
Plus globalement, croit-on que la ligne épouvantable choisie par une majorité (apparemment) au sein de LFI, révélant à la fois l’inaptitude à nommer immédiatement la barbarie du Hamas et la volonté de prétendre faire un jeu égal avec les actions israéliennes, va susciter dans l’opinion publique une adhésion, une confiance, une envie de voir le responsable de cette perversion partisane à la tête de notre pays en 2027 ? Avec, de surcroît, des enquêtes pour apologie de terrorisme. Marine Le Pen ne gagnera pas en 2027. François Ruffin, s’il est candidat, non plus. Jean-Luc Mélenchon, s’il est choisi et désigné malgré tous les dégâts qu’il aura engendrés d’un côté comme de l’autre de l’espace politique, sera défait pour la dernière fois. Mais lui, il l’aura bien mérité.
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