Propos recueillis par Isabelle Marchandier, François Miclo
Photos : Hannah Assouline
François Miclo : On vous savait historien de l’art, conservateur de musée, académicien. On vous retrouve météorologue… Drôle de reconversion ! Quel est cet « hiver de la culture » que vous prophétisez ? Et le printemps, c’est pour bientôt ?
Jean Clair : Vous me prenez à mon propre jeu. C’est vous qui filez la métaphore, moi je ne la développe pas. Je me contente de décrire l’hiver de la culture, sans dire que le printemps va advenir et que l’été a passé. Lorsque l’on vit à une époque du « Tous aux abris ! », on devient météorologue. Tout s’efface devant l’urgence. Alors, vous me demandez pourquoi l’hiver. L’automne était déjà pris : Nietzsche, dans Le Gai savoir, parle de cet automne interminable, dont il goûte les fruits des vendanges tardives à Turin. Il a magnifiquement décrit ce qu’il appelle « le sentiment d’un automne de la culture ». En 1880, l’Europe était à l’apogée de son pouvoir et jouissait de la plénitude de ses productions intellectuelles et artistiques. Aujourd’hui, la culture fond comme flocon tombe en hiver. Après la glorieuse saison des vendanges d’automne, vient donc la saison froide d’une très grande pénurie. La prolifération fébrile des « biens culturels » va de pair avec la longue agonie de la culture qui se dépouille et ressemble à une branche morte recouverte par le manteau de neige grisâtre de la laideur, de la technique et de la marchandisation.[access capability= »lire_inedits »]
FM : Rien de très nouveau sous le brouillard : Thomas Mann tenait déjà votre discours en 1914 !
Je m’inscris effectivement dans une filiation qui va de Nietzsche à Husserl en passant par Thomas Mann, sans avoir toutefois la prétention d’égaler le génie de ces illustres auteurs !
JC : La naissance des industries culturelles signifie la mort de la culture classique de l’individu. Hannah Arendt souligne, dans La Crise de la culture, que « les œuvres d’art doivent être délibérément écartées des procès de consommation et d’utilisation et isolées loin des sphères des nécessités humaines ». C’est une position rigoureuse à laquelle je souscris. Elle va totalement à l’inverse de l’époque actuelle, où les biens culturels sont abondamment distribués et où le système de consommation frénétique transforme les anciennes institutions culturelles en « abattoirs culturels ».
FM : Pourtant, ces « abattoirs culturels » fonctionnent à plein régime : un musée par jour ouvre ses portes à l’heure actuelle en Europe !
JC : Je signalais déjà ce phénomène dans mon livre Considération sur l’état des beaux-arts. Les musées se développent aussi rapidement que les églises en Europe au XIe siècle, où une église ouvrait ses portes chaque jour. Mais la culture n’occupe pas la place désertée par le culte. Au contraire, c’est un jeu de dupes terrifiant qui se met en place. Remarquons au passage que nous n’avons pas besoin d’un énième musée consacré à l’histoire de France, mais d’un véritable, riche et vaste Musée de l’Europe, dont celui de Bruxelles n’est qu’une brève et pauvre esquisse. Après avoir déambulé devant le chapeau de Robert Schuman et la canne de Winston Churchill, le visiteur finit son parcours devant le spectacle d’une boîte de nuit des années 1980. C’est tout de même un peu pauvre !
FM : L’Europe n’est-elle pas victime de la dénégation de soi ? À force de nier ses racines, ne serait-elle devenue exotique à elle-même ?
JC : Il y a une véritable hostilité envers toutes les traces qui rappellent l’identité ou, si vous voulez, l’entité à la fois commerciale et spirituelle que fut l’Europe. Les marchands de la Hanse faisaient pénétrer les retables des primitifs flamands jusqu’au-delà du cercle polaire ; les ateliers chartrains allaient diffuser leurs modèles jusqu’en Navarre. Et au XVIIIe siècle, quelle unité intellectuelle, encore : les philosophes, en perpétuel déplacement de Paris à Londres, à Berlin et à Saint-Pétersbourg ! Comparez avec le mépris qui règne aujourd’hui : l’oubli de la célébration des fêtes chrétiennes dans l’agenda de l’Union européenne, l’absence de portraits et de lieux dans l’iconographie de la monnaie européenne révèlent bien le refus de notre héritage culturel. Franchement, au lieu d’avoir, sur un billet de 10 euros, un dessin abstrait, ne serait-il pas plus glorieux d’y retrouver le visage de Goethe, Pascal ou Hegel ? La silhouette du Parthénon ou de la cathédrale de Chartres ?
FM : Je vous vois venir : sans transcendance, pas de culture. Dans le fond, vous êtes indécrottablement catholique – tant pis si c’est contagieux, je suis moi-même assez atteint.
JC : Vous me poussez dans mes retranchements. J’avoue, mais avec des circonstances atténuantes. J’aurais tendance à dire avec Novalis que je regrette Europe ou la Chrétienté. Mais ça ne nous mène pas très loin parce qu’on ne voit pas de quelle chrétienté l’Europe d’aujourd’hui pourrait se réclamer. Cela lui est même strictement interdit. Reste à savoir si la culture peut être le substitut de l’unité spirituelle qui a été le socle de l’Europe.
Isabelle Marchandier. On vous réduit souvent à un adversaire de l’art contemporain. Celui-ci est-il, avec la sacralisation du profane, un symptôme, voire une cause du désenchantement du monde ?
JC : L’art contemporain, cela ne veut évidemment rien dire. Je pense que, dans l’une de ses tendances, qui est, cela n’est pas un hasard, la plus célébrée par le marché et les médias, il constitue une perversion radicale. Dans De Immundo (Galilée, 2004), je recensais tous les matériaux utilisés par cet « art de l’abject » : déchets corporels, exaltation de la part animale de l’homme. Il est assez amusant d’observer tous ces plasticiens athées et iconoclastes qui nient le Mal mais utilisent sans le savoir les attributs du Malin − cheveux, poils, rognures d’ongles, humeurs du corps et autres immondices − selon la plus pure théologie médiévale. Ces sectaires d’un état adamite, qui ne croient pas à l’existence du Mal et se racontent le joli conte d’un état de nature fait de pureté, d’innocence et d’union libre, sont en réalité les fervents illustrateurs aujourd’hui des hérésies gnostiques du IIe siècle.
Il n’y a plus ni tenue ni retenue. Cet art mutant correspond à l’état infantile décrit par Freud, où le nourrisson tout-puissant ne produit jamais que sa propre déjection pour l’offrir à sa mère. C’est l’incontinence du moi : « Je pisse donc je pense ! » Retour au primitif, dans le registre du répugnant en prime. C’est la négation même de l’art, puisque celui-ci naît précisément de la sublimation du réel, transformant jusqu’aux éléments naturels comme le fumier ou la terre en matériaux précieux, pigments, ocres, huiles, vernis qui, soumis à des canons esthétiques, permettent de représenter un univers transcendant du Bien et du Beau.
FM : Tenez ces propos à un colloque d’esthétique, et vous vous faites huer !
JC : Notre époque vit dans la haine du beau et dans la délectation de l’avilissement. Tenez, j’ai sous les yeux le programme du prochain colloque organisé par l’Institut national d’histoire de l’art. Le thème porte sur les humeurs féminines, le sang menstruel. Ça commence par une intervention portant sur « Panique génitale : fluide menstruel et psychopathologie de la créativité féminine au passage du siècle ». Après la pause, ça continue avec « Présence réelle et symbolique du sang menstruel chez des artistes femmes des années 1970 à nos jours »… Il y a huit communications en tout sur ce thème…
IM. Ça fait envie ! La conférence est suivie d’une performance ?
JC : S’il y en avait une, je crois que je me forcerais à y assister, ne serait-ce que pour mesurer l’écart entre cette opération de transgression organisée et l’iconographie biblique. Le rapport aux humeurs du corps est présent dans de nombreux épisodes bibliques, du Suaire au sang de la fille de Jaïre, et du sperme de Dieu au lait de la Vierge : c’est ce fond complexe qui donne naissance à une production esthétique extraordinaire ; il suffit pour s’en convaincre d’admirer la Madone à l’enfant de Bellini, ou Le Voile de Véronique de Zurbaran…
IM : Comment cet art qui exalte ce qu’il y a de plus bas en l’homme peut-il recevoir l’appui financier et moral de l’État ?
JC : Pas seulement de l’État, mais aussi de l’Église ! On appelle « art contemporain » ce qui est déclaré comme tel par ces institutions. Il est fort intéressant de s’interroger sur les raisons pour lesquelles l’Église prête son concours à l’État pour imposer une image avilissante de la création artistique et de l’homme lui-même. On a installé récemment, dans le baptistère de Saint-Sulpice à Paris, une « machine à baptiser » qui laisse couler un liquide plastique, le « sperme de Dieu », sur des certificats de baptême géants… Je suis donc outré que ces productions reçoivent la bénédiction des pouvoirs publics et religieux alors que des artistes qui travaillent avec la même intensité, la même passion, la même puissance que les Anciens et créent des œuvres plus belles et plus profondes que toutes ces déjections sont ignorés par les « décideurs », tenus à l’écart du marché de l’art et, donc, ce qui est terrible, inconnus du public.
FM : Pourquoi ne pas les nommer dans votre livre ?
JC : Mon livre n’est pas une brochure destinée à faire connaître des artistes méconnus.
FM : Peut-être, mais nous ne sommes pas dans votre livre. S’ils sont ce que vous dites, ce serait une bonne action de le faire ici. Et s’ils incarnaient le printemps de l’art ?
JC : Je ne sais pas, je l’espère.
FM : Des noms, vous dis-je !
JC : Beaucoup de ceux qui, attirés par Giacometti et Balthus, par exemple, sont venus, de l’étranger s’établir et vivre à Paris après la guerre : Mason, Szafran, Arikha, Lucian Freud, Velickovic et tant d’autres : une sorte de seconde École de Paris – sans nommer des inconnus restés inconnus, Jörg Ortner par exemple, un génie qui vient de mourir dans une absolue misère physique …
IM : Peut-être ne sont-ils pas dans les petits papiers de François Pinault ?
JC : Il paraît que Pinault achète tout indistinctement, mais il y a ce qu’il montre et ce qu’il cache.
FM : Cela dit, en vous lisant, on a parfois l’impression que vous torturez la réalité pour qu’elle se conforme à votre démonstration. Peut-on pousser à ce point la détestation des musées ?
JC : Dès que je suis dans une ville, je me précipite au musée ! Il est vrai que je me rends plus spontanément dans les musées scientifiques que dans les musées d’art, parce que j’y trouve un intérêt plus grand sur le plan des idées et des formes. Aujourd’hui, ce sont d’ailleurs les musées scientifiques qui ferment les uns après les autres. Leurs collections ne sont plus guère entretenues. Quel manque de respect pour l’histoire de l’humanité ! Pendant ce temps, tous les moyens sont mobilisés pour financer les expositions d’art contemporain. Je dois bien admettre que le musée tel que je l’ai connu lorsque j’étais conservateur est en voie de disparition. Bien sûr, nous avons de beaux restes, parce que les institutions – et un musée en est une – mettent longtemps à mourir, et aussi parce que des individus comme Françoise Cachin se sont battus. Mais le système muséal est une implacable machine à détruire les musées. Dès lors que les conservateurs, qui étaient des connaisseurs et historiens d’art, habités par le souci de la qualité et de l’intégrité du patrimoine, ont été remplacés par des énarques, des techniciens et des commerciaux, la politique des musées a changé de nature. Le musée-patrimoine devient le musée-marché. Quant aux œuvres, louées moyennant finance, et non plus prêtées, elles deviennent de vulgaires produits utilisés pour la fabrication de ces autres produits que sont les expositions thématiques dites « de prestige », surtout quand elles sont organisées à l’étranger avec le concours d’une multinationale du divertissement. Dans ce monde où la culture a été bannie, la valeur esthétique est détrônée par la valeur marchande et le raffinement par le culte de la laideur, « dérangeante » de préférence.
Hannah Assouline : Vous oubliez, cher Jean Clair, que de grandes expositions permettent aussi à un public très large de découvrir de grandes œuvres. Ne seriez-vous pas un aristocrate masqué qui pense que l’art n’est accessible qu’à une élite ? Peut-on dire que l’exposition Monet, qui a connu une énorme affluence contribuait au « culte de la laideur » ? Mais peut-être est-ce la foule qui, plus que l’exposition, vous donne envie de fuir ?
JC : Il est vrai que la foule me fait fuir. Mais il ne s’agit pas seulement de ma chimie personnelle : dans cette foule qui piétine des heures pour avoir une chance d’apercevoir 250 tableaux, je perçois une forme de démesure, d’hybris, que je ne parviens pas bien à analyser. La volonté démentielle de montrer « tout Monet » est bien la preuve que, pour les directeurs marketing qui sont à la tête des musées, l’important, c’est la quantité. Pour attirer des milliers de visiteurs, on organise des expositions géantes présentant un maximum d’œuvres accolées les unes aux autres mais, surtout, en épargnant au visiteur de fastidieuses explications. Ce genre d’exposition à succès est à la peinture ce que les best-sellers sont à l’édition. Les directeurs marketing que je citais plus haut y trouvent la confirmation par les chiffres de leur conviction profonde, à savoir qu’il est inutile de proposer des expositions conçues avec un minimum d’exigence intellectuelle et d’ambition artistique puisqu’elles coûtent plus et rapportent moins. La « rétrospective » Munch, présentée à Paris par un musée privé, a été montée à la va-vite, ne présentait aucune œuvre d’importance, mais les visiteurs s’y pressaient. Pourquoi se casser la tête ?
Hannah Assouline : Tout cela est certainement vrai, mais les gens qui font la queue ont peut-être un désir profond de voir des œuvres et, même dans le cadre d’expositions à grand spectacle, ils peuvent en voir !
JC : Le visiteur de musée est une sorte de pèlerin moderne. Ses pas, comme ceux des pèlerins à la fin du Moyen Age, sont guidés par l’espoir de trouver un salut et un sens non plus dans les saints, le Christ ou la Vierge, mais dans une supposée jouissance esthétique. Cet espoir s’achève sur une désillusion et un désarroi communs. La solitude de l’homme moderne le pousse à aller en troupeau dans les musées, comme si se rassembler dans un lieu clos pour regarder des œuvres sans les voir allait recréer des liens qui n’existent plus. État, religion, nation, utopie sociale : tout ce qui assurait notre cohésion disparaît. Du coup, pour nos âmes en peine, le culte de l’art est l’une des dernières aventures collectives. Évidemment, ce n’est qu’une illusion qui ne cache même pas l’absence de croyance commune.
IM : Le musée, en somme, serait le nouvel opium du peuple ?
JC : Même pas, malheureusement ! Si c’était le cas, il servirait encore à quelque chose… Le musée est devenu le lieu du divertissement et du loisir qui permet de distraire le visiteur de l’ennui, tout en le maintenant dans l’asile de l’ignorance. Un tableau ne se réduit pas à un amas disparate de couleurs et de formes. Il est une réalité complexe dont on ne peut savourer l’enchantement et apprécier le sens que si l’on possède certaines clés. Comment voulez-vous que les œuvres d’art soient comprises quand il n’y a pas d’enseignement de l’histoire de l’art ? Et quand on ajoute que les collections des musées sont composées, pour plus de la moitié, d’œuvres à caractère religieux, on imagine aisément l’étendue du désastre dans un pays où la laïcité a été interprétée comme la nécessité de faire disparaître la religion non seulement du présent mais aussi du passé. À partir du moment où on ne comprend plus rien ni à l’art, ni à la religion, notre patrimoine artistique est un continent indéchiffrable. Or, je le répète, pour aimer l’art, il faut y comprendre quelque chose.
FM : Si on vous comprend bien, puisque nous avons perdu l’intelligibilité des œuvres, l’Art est mort…
JC : Lorsque Courbet peint Un Enterrement à Ornans, il a à l’esprit les innombrables mises au tombeau du Christ et dormitions de la Vierge. Il transpose une iconographie religieuse dans le registre social et rural. De même, La Mort de Marat, de David, est une référence évidente à La Déposition de Croix du Caravage. Le linge de bain dans lequel gît Marat, c’est le suaire qui enveloppe le Christ. Le coup de poignard de Charlotte Corday, c’est le coup de lance du centurion Longin. Aussi irréligieux que fût David, il puisait son inspiration dans cette tradition. Le néophyte ne peut pas deviner toutes ces significations imbriquées. Elles doivent être apprises. Il faut du travail !
IM : La conclusion de votre propos, c’est que l’avenir des musées n’est pas franchement radieux !
JC : Le musée est aujourd’hui isolé dans une sorte de no man’s land historique et culturel, coincé entre une Europe qui renie son identité fondée sur une communauté de foi, de commerce, d’idéal politique et des sociétés balkanisées par les revendications communautaires. En conséquence, il est régi par le mercantilisme le plus effréné. Ses collections permanentes d’œuvres du passé ne sont que les faire-valoir d’expositions d’art contemporain. De même que les réserves-or de la Banque centrale garantissent l’émission des monnaies-papier (enfin, c’était ainsi dans le monde d’avant), le patrimoine ancien des musées garantit la valeur des assignats de l’avant-garde. La polémique hargneuse suscitée par l’idée d’un Musée national est significative : ce n’est pas par hasard si l’art et la nation meurent en même temps. Cela n’empêche pas, je le répète, qu’il faudrait faire un Musée de l’Europe digne de ce nom. Je serais prêt à mobiliser mon énergie pour ce genre d’aventure, mais je ne lèverai certainement pas le petit doigt pour que le Musée du Louvre attire 10 millions de visiteurs au lieu de 9, ni pour qu’un Musée de l’histoire de France s’ouvre place de la Concorde. Lorsqu’on constate que la France vit dans l’oubli de son identité, c’est un projet qui n’a aucun sens.
FM : Deux disciplines échappent, selon vous, à « l’hiver de la culture » : la danse et la musique.
JC : Oui, pour des raisons physiques. Dans ces domaines, qui supposent une grande maîtrise corporelle et l’apprentissage d’une technique particulière, le « tout le monde artiste ! » est intenable. Sans entraînement intensif du corps, pas de grâce du danseur. Et personne ne peut s’improviser musicien. En art plastique, c’est moins vrai, sauf dans les disciplines qui nécessitent une haute maîtrise technique. Il n’est d’ailleurs pas anodin que les ateliers de gravure aient disparu de la quasi-totalité de nos écoles d’art : on ne grave pas une plaque n’importe comment.
FM : Lorsque vous comparez les foules qui fréquentent les musées aux gens qui se pressaient pour assister aux exécutions sur les places publiques, on se dit que vous aimez tellement l’art que vous n’aimez pas le partager !
JC : Je suis peut-être plus attaché aux objets qu’aux rapports humains. Je vis dans un monde d’objets et de livres parce qu’en transmettant le passé, ils rendent le monde habitable et porteur de sens. Les objets sont très fragiles, mais ils confèrent, comme l’écrivait Arendt, un sentiment d’immortalité à ceux qui les fréquentent. Je suis peut-être comme le libraire trop bibliophile pour se dessaisir de ses livres. Mais je suis un peu plus paradoxal que ce que vous pensez : sinon, aurais-je passé ma vie à tenter de transmettre aux autres l’amour de l’art qui est en moi ?[/access]
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