« La France est plus belle, car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester», s’est félicité hier Emmanuel Macron… une fois les résultats du référendum sur l’indépendance connus – le troisième du genre.
Dimanche, les Néo-Calédoniens ont décidé de leur avenir. Ils se voyaient offrir le choix entre le maintien dans la République française ou le divorce. Les habitants de Nouvelle-Calédonie ont voté contre l’indépendance de leur territoire, à 96,49%, mais les indépendantistes avaient appelé à ne pas se déplacer.
Alors que ce référendum devait être le dernier d’une longue série, le président de la République n’a pas appelé au « NON » à l’indépendance jeudi, lors de sa conférence de presse sur la prochaine Présidence française de l’Union européenne. C’est une faute.
Peut-être que 17 000 kilomètres séparent le Caillou de la métropole, mais la France a la chance de pouvoir compter sur ce territoire aux nombreux atouts dans la région indopacifique. De son côté, la Nouvelle-Calédonie a la chance d’avoir ce lien historique avec la France qui lui accorde, notamment par sa présence dans l’Union européenne, un véritable soutien économique. Si la Nouvelle-Calédonie nous est éloignée géographiquement, elle nous est proche sur tous les autres plans – géostratégique, géopolitique, et surtout civilisationnel. Aussi bien pour l’avenir des Néo-Calédoniens que pour celui des Français métropolitains, cette collectivité ultra-marine doit rester française.
La Nouvelle-Calédonie, une ouverture française et européenne sur le Pacifique
La récente crise des sous-marins nous l’a enseigné : si la France ne change pas de stratégie dans la région indopacifique, elle y sera tôt ou tard rayée de la carte. Nos partenaires – ou plutôt adversaires – n’ont que faire des intérêts français et ne respectent pas nécessairement – c’est le moins que l’on puisse dire – les accords qu’ils ont ratifiés. La Chine profite alors de cet affaiblissement français dans la région pour rêver de s’arroger une collectivité qui nous est affiliée depuis plus de 150 années.
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Il nous faut donc être pragmatique, c’est-à-dire ne pas rentrer en confrontation – ce serait absurde – avec la Chine, mais démontrer que nous avons des intérêts à défendre dans cette région indopacifique.
En effet, le Caillou c’est la quatrième production mondiale de nickel, une richesse précieuse pour les batteries électriques. C’est aussi de nombreux métaux rares – indispensables aux nouvelles technologies – comme le cobalt. C’est encore une terre de biodiversité, indispensable à la cosmétique et à la pharmacie. C’est enfin 1,36 million de kilomètres carrés de zone économique exclusive française et de multiples ressources halieutiques, minerais et coraux dont une partie ne sont pas encore développées et/ou exploitées. La Nouvelle-Calédonie, c’est l’avenir : la Chine l’a bien compris. Pour le nickel qui est essentiel à son activité économique, cette dernière réfléchirait à étendre son expansionnisme jusque dans notre chère collectivité ultra-marine. L’éxécutif a donc tort de rester muet. Il s’agit d’un mauvais signal envoyé à ceux qui convoitent ce territoire du Pacifique qui, contre vents et marées, nous est resté fidèle depuis la fin du Second Empire et a défendu avec ardeur la patrie française, aussi bien lors de la Grande Guerre que dans la Seconde qui lui a succédé.
Par ailleurs, si la raison de ce silence présidentiel était la crainte d’une remise en cause de la sincérité du scrutin, l’exécutif se trompe. Dans ce cas, François Mitterrand, président lors de la période du Traité de Maastricht, aurait dû aussi s’abstenir de débattre face à Philippe Séguin à la Sorbonne le 3 septembre 1992, car le chef de l’État se prononçait publiquement pour une intégration européenne qui changeait substantiellement l’architecture institutionnelle de la France.
Sans le Caillou, la France ne serait plus la même ; l’Europe non plus d’ailleurs, un président pro-européen comme Emmanuel Macron devrait le comprendre. En cas de victoire du « OUI » à l’indépendance, la stratégie indopacifique de l’Union européenne aurait été réduite à la portion congrue. Le lien civilisationnel fort qui unit le Vieux Continent et ce magnifique territoire aurait été rompu. La Nouvelle-Calédonie est le seul territoire européen dans cette région en pleine mue.
Nouvelle-Calédonie menacée mais espérons-le… préservée
Depuis la guerre entre les indépendantistes kanaks et les partisans du maintien dans la France (1984-1988), les divisions sont vives et s’éternisent. Les différents référendums qui se sont succédé dans la collectivité ou à l’échelle nationale – 1987, 1988, 1998, 2018, 2020 et donc hier – n’ont pas mis un terme aux différends. Au contraire, si le « NON » à l’indépendance l’a toujours emporté, l’écart entre les deux camps s’est depuis resserré.
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Étant donné que les indépendantistes ont appelé à boycotter le vote de dimanche arguant de la situation épidémique, on peut craindre que l’instabilité reste toujours vive à l’issue du scrutin. Le résultat du référendum sera évidemment contesté par des indépendantistes. Ainsi, quoiqu’il arrive, il nous faudra raffermir les liens avec les Néo-Calédoniens pour qu’une solution viable soit trouvée mais sans céder à une pression internationale qui affaiblirait, une fois de plus, notre position dans le monde.
Si la Nouvelle-Calédonie n’était un jour plus française, notre incapacité à maintenir notre unité nationale serait raillée sur la scène internationale, ce qui ferait l’affaire des Chinois. Cela reviendrait également à dissoudre le lien – pourtant indispensable – avec cette collectivité qui a versé son sang pour la liberté de nos aïeux. La France romprait avec un territoire, des habitants et leurs magnifiques richesses avec qui, depuis fort longtemps et malgré la distance, elle vit sous le même toit.
Si demain la Nouvelle-Calédonie n’est plus française, elle ne sera donc plus européenne, ses citoyens perdront la citoyenneté de l’Union, le territoire ultramarin ne bénéficiera plus des programmes de soutien comme Horizon Europe ou Erasmus appuyant le développement de son agriculture locale pour le premier, l’insertion professionnelle de nombreux jeunes pour le second. Alors, pour la prospérité de la Nouvelle-Calédonie, la sûreté de ses 271.407 habitants et au nom de notre Histoire commune, oui, le Président de la République aurait dû appeler à voter « NON » à l’indépendance. La Nouvelle-Calédonie c’est la France, rien que la France !
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