On célèbre cette année le centenaire du restaurant La Mère Brazier. La première femme qui décrocha deux fois trois étoiles au Guide Michelin est devenue la divinité protectrice de la cuisine lyonnaise – et française.

« Eugénie Brazier, c’était Germinal. » Les mots sont de Jacotte Brazier, sa petite-fille. Eugénie Brazier naît le 12 juin 1895 à La Tranclière, à un jet de pierre de Bourg-en-Bresse. Enfance dure et sans joie, scandée par les saisons : « J’allais à l’école par hasard et seulement l’hiver lorsqu’il n’y avait pas de travail à la maison. » Sa mère meurt quand elle a 10 ans. Placée dans une ferme par l’Assistance publique, elle garde les cochons et tombe enceinte à 19 ans d’un homme marié. Scandale. Son fils Gaston (père de Jacotte) est aussitôt confié à une nourrice, tandis qu’Eugénie part à Lyon et devient bonne à tout faire chez les Millat, des bourgeois clients de la mère Fillioux, la « mère des mères lyonnaises ». Cette dernière initiera Eugénie Brazier à la « perfection simple » (selon l’expression du critique gastronomique Curnonsky) et lui enseignera la recette de la poularde demi-deuil. La mère Fillioux, née Françoise Fayolle, en aurait préparé plus de 500 000 au cours de son existence, en utilisant la même paire de couteaux ! Eugénie Brazier apprend vite. Le 19 avril 1921, à 26 ans, on la retrouve
