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La Mecque vs Hollywood


La Mecque vs Hollywood
Radio France au bout des doigts, photo Benoît Derrier (flickr.com)
Radio France au bout des doigts, photo Benoît Derrier (flickr.com)
Radio France au bout des doigts, photo Benoît Derrier (flickr.com)

Longtemps je me suis réveillé de bonne heure le samedi matin. Comme tous les célibataires endurcis, j’avais mes habitudes. Le jour du seigneur juif, j’allumais la radio sur France Culture un peu avant huit heures et j’imposais le silence dans mon lit pendant deux émissions.

Je ne connaissais alors que la voix de celle qui terrorisait les terroristes médiatiques, et qui aujourd’hui, se fait obéir par une bande de francs-tireurs et d’anarchistes, mais les meilleures choses ayant une fin, je découvris un matin en ouvrant le poste qu’une voix masculine et gnangnan avait pris sa place et très vite, je compris que j’avais gagné une heure de sommeil le samedi et que je pouvais annuler la moitié de mes rendez-vous radiophoniques. Maintenant, c’est entre neuf et dix qu’on doit se la fermer.

J’ignore ce qui avait motivé ce remplacement. Peut-être le nouveau directeur avait-il jugé qu’il y avait trop de juifs à France Culture et décidé d’un transfert de personnel entre la station et le ministère du même nom pour donner à d’autres minorités la visibilité que la République doit à tous ses enfants. Je râlais un temps mais après tout, personne n’est obligé d’écouter la radio.

Alors ce matin du samedi 30 août, en appuyant sur le bouton du transistor un peu trop tôt, quand j’ai retrouvé la voix molle de l’usurpateur, j’étais à deux doigts de la faire taire quand elle énonça le thème de l’émission du jour : Comment les pays arabes peuvent bâtir des industries culturelles puissantes ? Si elle avait été diffusée le soir, je m’en serais tenu à ma première intention de peur de passer la nuit dans les cauchemars mais il me restait la journée pour me moquer par écrit et je choisis d’écouter le programme jusqu’au bout.

L’invité, Frédéric Sichler, ancien directeur de studio canal, recruté par le prince Al Whalid, le Rupert Murdoch arabe et l’un des nombreux petits-fils du roi saoudien Ibn Séoud, expliqua qu’à la tête du groupe de médias Rotana basé en Egypte, il était missionné pour promouvoir le cinéma arabe sur la scène internationale et lutter contre l’hégémonie planétaire d’Hollywood.

Après un calcul simple, il nous fit remarquer qu’en divisant le nombre de salles par le nombre d’Arabes dans le monde, le compte n’y était pas et qu’il œuvrait à réparer cette injustice. Espérons qu’aucun juge européen n’était à l’écoute car le besoin de se mêler de ce qui ne les regarde pas et de légiférer là où personne n’a rien demandé est grand chez ces gens-là.

Mais nous ne devons pas craindre que l’on impose des quotas de films arabes dans nos salles et ce n’est pas par la loi que notre mercenaire entend partir à la conquête de l’industrie culturelle mais avec la même arme que tout le monde : la séduction du public. C’est dire la difficulté de la tâche. En effet, de son propre aveu, il n’y a pas de star arabe mondiale depuis Omar Sharif. Il y a bien Ben Laden mais des court-métrages mal foutus, sous-titrés, avec des flingues certes mais sans la moindre gonzesse, ça risque d’être un peu juste pour séduire un public occidental jeune, habitué au sexe, au suspens et aux effets spéciaux. Evidemment, on ne peut pas réduire le cinéma arabe aux vidéos d’Al Qaïda mais la censure a toujours plombé le 7e art en terre d’islam. En Egypte, on ne tourne pas sans la présence du censeur, en Arabie saoudite une prohibition totale vient d’être levée après trente ans. La censure varie avec les époques et les régimes, les codes sont rarement écrits mais juges, ministres et imams exigent coupes et interdictions. La plupart des talents sont en exil et bien souvent, leurs films qui font la tournée des festivals dans le monde ne sont pas visibles dans leur propre pays. Quand les islamistes occupent le terrain, les cinémas sont brûlés comme à Rafah et Gaza. Les films palestiniens visibles en Europe sont réalisés par des Arabes israéliens qui jouissent d’une liberté d’expression unique, financés par l’Etat juif. Une société de production a vu le jour à Abu Dhabi, alimentée par l’argent de l’or noir et dirigée par un américain piqué à Walt Disney mais le cahier des charges est lourd. Les films produits doivent respecter les valeurs de l’islam et ne pas critiquer les régimes de la région, sauf un, on peut le supposer.

Un cinéma financé et sous la coupe de musulmans attachés au respect des valeurs de l’islam qui interdit par exemple le baiser dans les films risque d’être difficilement exportable. Quel œuvre diffusée en occident ces dernières années aurait pu échapper à une telle censure ? Microcosmos ? Pas sûr ! Il aurait fallu pour ça couper la scène des escargots pour éviter les fatwas. Retirez de nos films tout ce qui n’est pas l’islam, qu’est ce qui reste ? Un navet sans harissa !

Nous pouvons donc espérer être à l’abri des valeurs de l’islam sur grand écran pendant quelque temps encore et nous satisfaire de l’approche occidentale proposée dans les films de Geert Wilders.

Pour revenir à l’émission et au dialogue entre l’animateur Frédéric Martel et son invité, le ton faillit bien monter quand le journaliste évoqua un incident, peut être parce qu’il avait eu lieu à deux pas du siège de la société du président de Rotana : l’arrestation de 52 homosexuels après une descente sur le Nil et sur le Queenboat de la police égyptienne. Mr Sichler, sans doute habitué à esquiver ces vérités qui dérangent lui rétorqua qu’il fallait rester sur l’essentiel et ne pas se perdre dans les détails et que nous autres occidentaux ne comprenions pas ces choses là. Ce qui me fit regretter qu’un homme aussi habile à appliquer la realpolitik au service du commerce se soit vendu à une puissance étrangère au lieu de servir les intérêts de l’industrie française.

Quant à Frédéric Martel, animé soudain par un esprit de résistance qui lui restait peut être d’un ancêtre glorieux et lointain, un autre grand Charles, il fit honneur aux valeurs du monde libre en défendant le droit des hommes à ne pas opprimer les femmes dans un Orient où c’est plutôt mal vu.



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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