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La méchanceté, ça fait du bien


Kate Winslet, Jody Foster, John Christopher Reilly et Christoph Waltz, dans Carnage

Adapté du Dieu du carnage, pièce de Yasmina Reza créée en 2008 au Théâtre Antoine à Paris, le nouveau long métrage de Roman Polanski est un chef-d’œuvre d’une grande intelligence et d’une subtilité maligne. C’est une comédie noire d’une rare méchanceté, un film réjouissant, caustique et drôle.

Il nous raconte la rencontre de deux couples à la suite d’un fait divers banal: le fils des uns (les Cowan) a cassé deux incisives et défiguré à coups de bâton le fils des autres (les Longstreet). Superbement interprété par un quatuor d’acteurs justes et brillants, Kate Winslet (Nancy Cowan) est une femme travaillant dans les affaires, stupide, frivole et irréfléchie, Christoph Waltz (Alan Cowan) est un avocat cynique, un goujat magnifique, Jodie Foster (Penelope Longstreet) est austère et rigide, obsédée par l’idée du bien, de la justice et de l’équité morale, et John C. Reilly (Michael Longstreet), représentant en objets domestiques, un couard qui tente d’éviter tous conflits.

Les Cowan viennent chez les Longstreet, pour pacifier la situation. Dès lors Polanski nous entraine dans un huis clos étouffant et anxiogène. Les quatre adultes ne quittent plus l’appartement des Longstreet, et après une série de premiers échanges mielleux et suintant l’hypocrisie, survient une succession de scènes où les alliances et les ruptures se font et se défont à mesure que chacun se dévoile. Lâcheté et mépris, cynisme et lassitude, arrogance et haute estime de soi font éclater les conventions de bon aloi affichées par ces deux couples de la bourgeoisie new-yorkaise. Comme aimanté par une force pulsionnelle de nuisance, de contamination du mal, les deux couples ne peuvent quitter l’appartement. Chaque fois que les Cowan, sur le point de partir, sont sur le pallier, une réplique de l’un ou de l’autre des protagonistes relance la dispute et les quatre personnages rentrent de nouveau dans le logement. Polanski organise de main de maître la circulation des acteurs, évitant le piège du théâtre filmé lié à ce type de projet par un cadrage cinématographique acéré.

Personne n’est épargné dans ce film d’une grande justesse sur la noirceur des êtres humains. C’est une vision à des années lumières de « L’empire du bien ». Les réparties d’Alan, l’avocat et celles mutines de Michael contre l’envahissante soif de justice de sa femme, éternelle indignée et militante des droits de l’homme sont cinglantes. La scène du portable d’Alan jeté dans l’eau d’un vase est un summum de cruauté, tant l’intéressé semble anéanti.

On retrouve dans cette farce sombre tout l’univers du mal selon Polanski, un mal qui hante son cinéma depuis Le Couteau dans l’eau jusqu’à Ghost Writer en passant par Répulsion, Rosemary Baby ou Le Locataire. Carnage est décidément une bonne nouvelle : la méchanceté est enfin de retour dans notre paysage cinématographique actuellement bien englué dans les bons sentiments, tendance Intouchables.

Carnage (la jubilation du mal), Roman Polanski avec Jodie Foster, John C. Reilly, Christoph Waltz, Kate Winslet – 1H20



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est directeur de cinéma.

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