Il faut être sévèrement borné pour croire que l’écriture est une occupation intellectuelle quand c’est le métier le plus physique qui soit. Qu’on regarde Flaubert jeter tout son corps dans chacun de ses livres. Qu’on aille cet été à la Charité-sur-Loire. L’exposition s’y tient jusqu’au 31 août et les organisateurs du Festival du Mot (songer un jour à faire un Festival de la Phrase, rien que pour les écraser) ont eu l’excellente idée de montrer au public le travail d’Annie Assouline. Depuis quelques années déjà, cette excellente photographe de presse (les lecteurs de Causeur connaissent son travail) réalise des portraits de mains d’écrivains. C’est que Claude Lévi-Strauss, Jürgen Habermas, Emmanuel Lévinas, Françoise Sagan ou encore Philippe Sollers sont des ouvriers manuels ! Certes, ils sont assez limités : ils confectionnent de leurs doigts de petits objets assez inutiles qu’on appelle manuscrits. Quoi ! vous dites qu’ils ne sont pas, pour autant, des manuels ? Coupez-leur un jour ou l’autre leurs mains et voyez la tête qu’ils font !
[access capability= »lire_inedits »]La main de Druon sur la joue de ces Zouaves
En attendant, on remerciera Annie Assouline d’avoir permis à Causeur de reproduire la photo ci-dessus. Ce sont les mains de Maurice Druon. Ceux de ma génération ont toujours eu l’impression de le connaître vieux. Pensez-vous : secrétaire à perpétuité de l’Académie française (ou perpétuel, je ne sais plus), ancien ministre, neveu de Joseph Kessel, prix Goncourt, auteur des Rois maudits et des Grandes familles. Le Chant des Partisans, le vol noir des corbeaux sur nos plaines. Et, avec ça, réac comme pas un. Les mains de Druon racontent une autre histoire : celle d’un jeune homme, cadet de Saumur, qui avait tout juste 25 ans quand il partit pour Londres s’engager dans la France libre. Un homme, un vrai.
Soixante-dix ans après, elle est là, la vraie jeunesse. Et pas chez les lambins clopinant du SNES qui pétitionnent comme des malades contre l’inscription, à la rentrée 2010, des Mémoires de Guerre du général de Gaulle au programme des terminales littéraires. Des inspecteurs généraux avaient, pour leur part, estimé qu’au moment où la France célébrait le 70e anniversaire de l’Appel du 18-Juin, l’idée n’était pas totalement saugrenue.
Or, les andouilles glorieuses du SNES estiment que c’est trop politique, que ça cache une manœuvre de l’Élysée et que, franchement, l’élève de Gaulle était nul en rédac. Trop politique, la littérature française ? Elle n’est que cela. Pierre Lepape y a consacré en 2007 un excellent essai : Le Pays de la littérature (Points Seuil). Vraisemblablement, au SNES, les profs de lettres se roulaient un tarpé hors de l’amphi quand les noms de Voltaire, Lamartine, Hugo, Zola ou Sartre étaient évoqués. Ils mériteraient aujourd’hui qu’on leur fasse bouffer le dernier Pennac. En mâchonnant, page après page, cette médecine paradoxale, ils apprendraient que la littérature c’est la vie. Pas une mauvaise fable pour enfants.[/access]
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