La nouvelle loi sur l’immigration a été bricolée en rassemblant des demi-mesures hétéroclites qui risquent de ne pas résoudre les problèmes de la France en matière de sécurité ou de besoins en main-d’oeuvre. Tribune de Sophie de Menthon, présidente d’ETHIC.
En dehors du spectacle hallucinant de l’Assemblée nationale qui vote une loi que personne ne voulait voter, mais qui sera quand même votée à la majorité et finalement soumise au Conseil d’État, qu’est-ce qui intéresse les Français ? Quand on le leur demande, ce qu’ils veulent c’est plus de sécurité et moins d’immigration. En fait, ils veulent moins d’immigration quand elle est dangereuse, mais ils veulent garder les immigrés quand ils bossent bien. Ils ont besoin de gens pendant les vendanges, de nounous pour les petits, d’autres personnes dévouées pour les citoyens âgés, sans parler des femmes de ménage, des livreurs, des manutentionnaires, des garçons de café, etc. Et que l’on ne se raconte pas qu’il faut des formations exceptionnelles pour tous ces métiers que les Français n’assurent pas !
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Cela vaut le coup de se pencher sur ce que contient vraiment le projet de loi :
1/ Chaque année les quotas migratoires seront décidés, hors demandes d’asile et de regroupements familiaux (on comprendra mieux après ?).
2/ Restriction de l’accès aux allocations familiales et aux Aides personnalisées au logement si l’on n’est pas depuis au moins 5 ans sur le territoire ou 3 mois si l’on travaille. C’est l’article qui est l’objet de tous les ressentiments. Le camp du bien est outré.
3/ Les fameux travailleurs sans papiers seront régularisés, à titre exceptionnel, au cas par cas et dans les métiers en tension, mais chacun donnera son avis ! Sans compter bien sûr les fatidiques contrôles de « l’insertion sociale à l’intégration à la société française » et j’en passe… Aux États-Unis, cela s’appelle la « green card » : vous avez un contrat de travail, vous avez un permis de séjour de la même durée. Terminé. Sans compter qu’on continue à pousser les travailleurs sans papiers à surtout travailler dans l’illégalité, pour que ce soit légal au bout de 12 mois d’activité. Ubuesque. Le conseil d’État pourrait peut-être réagir ?
4/ Le droit du sol : tout le monde a l’air d’accord pour le limiter. Sachant qu’un mineur ne pourra pas acquérir la nationalité française s’il a fait l’objet d’une condamnation pour crime. Sic. Et il a fallu une commission mixte paritaire pour trouver ça !
5/ Des expulsions facilitées. Personne n’y croit : déjà mettre dans l’avion quelqu’un qui ne veut pas est une mission quasi impossible (4 gendarmes), en plus dès qu’ils arrivent dans leur pays, on nous les renvoie illico.
6/ Le regroupement familial devient plus difficile ou plus compliqué d’un point de vue administratif, et avec un petit examen de français à l’appui (pour la complexité administrative, on leur fait confiance).
7/ Une perle ! Les binationaux ayant tué un gendarme ou policier seront déchus de leur nationalité. C’est bête que l’on n’y ait pas pensé avant… et en plus ils s’en moquent !
8/ Il faudra être cultivé : les demandeurs devront réussir un examen après leurs cours de Français (niveau ?) : une chance pour les entrepreneurs car les cours de français seront donnés pendant les heures de travail dans l’entreprise ! Elle n’est pas belle la vie ?
9/ Les étudiants, eux, devront justifier du « caractère réel et sérieux de leurs études » et à tout hasard, leurs frais d’inscription seront majorés (de combien ?).
10/ A qui s’adressera le « délit de séjour irrégulier » (soit 3.750 euros d’amende et trois ans d’interdiction du territoire français) ? A ceux qui débarquent sur nos côtes ?
11/ Le meilleur pour la fin : pas de demi-tarif dans les transports pour les clandestins, sic, parce qu’ils payent ?
12/ Et puis, si notre clandestin a « la chance » de tomber sur un « marchand de sommeil », et qu’il porte plainte à propos d’un logement trop insalubre, l’heureux gagnant aura une carte de séjour temporaire d’un an (on ne sait pas ce qui arrive en revanche aux tenanciers coupables ?).
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Toutefois réjouissez-vous braves gens, un Français sur deux est content. 24% ne sont pas satisfaits et 26% ne se prononcent pas (source : sondage Odoxa). En revanche, 52% des Français regrettent infiniment que l’on ne puisse plus mettre les mineurs en centre de rétention administrative. Vive la France et les maisons de correction !
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