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La leçon du pénitencier

Un billet de Dominique Labarrière


La leçon du pénitencier
Marseille, 28 juin 2023 © patrick aventurier-POOL/SIPA

« Oh mères, dites à vos enfants de ne pas faire ce que le jeune tué de Nanterre a fait. » Sous-entendu: « Obéissez lorsque la police ou les gendarmes vous demandent de vous arrêter. »


Le pénitencier. The house of the rising sun, en anglais. Un tube planétaire des années 1960, interprété par le groupe The Animals et repris en français par notre Johnny à nous. Dans un des couplets de cette complainte de taulard, tombent des mots qui nous paraissent sonner aujourd’hui avec une intensité toute particulière : « Oh, mothers, tell your children not to do what I have done » (Oh, mères, dites à vos enfants de ne pas faire ce que j’ai fait). Ce que, après le drame épouvantable des Hauts de Seine, qui, rappelons-le vient à la suite de quelques autres hélas, on pourrait reprendre sous une forme légèrement modifiée : « Oh mères, dites à vos enfants de ne pas faire ce que le jeune tué de Nanterre a fait. » Sous-entendu : « Obéissez lorsque la police ou les gendarmes vous demandent de vous arrêter. » Chacun en conviendra, ce serait bien là le meilleur moyen, et le plus immédiat, de faire en sorte que cette folie terrifiante ne se renouvelle jamais. Affaire d’éducation, donc.

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Très étrangement, cette recommandation de bon sens n’est venue sur les lèvres de personne. Pas même le président de la République n’a jugé opportun de s’en inspirer. Il aurait fort bien pu enfourcher cet argument et prôner ce qui associe – pour une fois – le bon sens le plus salutaire et le respect de la loi. La remarque vaut pour tous ceux, élus locaux, parlementaires, chefs de parti, avocats, qui se sont exprimés. Pas un, à ma connaissance, n’est allé sur ce terrain. Si cela avait été, on aurait même pu espérer – allez savoir ?- un consensus trans-partisan, trans-idéologique. (À l’exception notable, selon toute vraisemblance, de notre extrême gauche pour qui inviter les citoyens à se soumettre aux injonctions de la maréchaussée de la République doit être au moins aussi condamnable que d’avoir collaboré avec les nazis pendant la dernière guerre.) Mais les autres, je pense, tous les autres de l’échiquier politique, auraient pu faire chorus. Et puisque malgré la pesanteur du moment on est en droit de sourire, je me plais à imaginer l’hémicycle de l’Assemblée nationale, entonnant dans la foulée de la minute de silence une version à peine modifiée du succès des Animals. « Oh, mères, dites à vos enfants de ne pas faire ce que… etc… »

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Plus sérieusement, il est vrai qu’on aurait pu espérer que cette incitation à la prudence ait été  effectivement exprimée. Et pourquoi pas, redisons-le, au plus haut sommet de l’Etat, par celui qui pourrait aussi se voir, de temps en temps, en Père de la nation ? Cela dit, il y a plus grave, beaucoup plus grave. Pourquoi cette réaction de la plus élémentaire sagesse ne leur est-elle pas venue à l’esprit ? Tout bonnement parce que la transgression de la loi commune par certaines fractions de la population s’est inscrite durablement dans l’esprit de ces élites en déliquescence comme relevant de la normalité. Comme allant de soi, si l’on préfère. Le refus d’obtempérer vu comme un mal inévitable de l’adolescence prolongée, entre l’acné juvénile, les oreillons et la première cuite. Un rite de passage transgressif contre lequel s’agiter et mettre en garde serait considéré comme un acte de répression anti-jeune. On en est là, apparemment. Et tant que cette dérive mentale n’aura pas été abolie, il faudra s’attendre à ce que d’autres drames tout aussi épouvantables surviennent… Sauf si, bien sûr, les mères de ce pays, toutes les mères (et accessoirement les pères, bien sûr, du moins ceux qui n’ont pas encore démissionné), avaient la bonne idée de se muer en fan’ des Animals et de leur couplet si raisonnable et aujourd’hui tellement d’actualité.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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