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La journée d’une antiraciste

La journée de Caroline, militante antiraciste


La journée d’une antiraciste

Depuis le meurtre de George Floyd par un policier américain à Minneapolis, Caroline en est convaincue : la France est un pays raciste. Voici le récit de sa journée.


Pour se rendre au rassemblement place de la République, Caroline monte dans le métro. 17 blancs pour 4 noirs dans sa rame, preuve de plus du racisme systémique (son nouveau mot préféré) à l’entrée des rames de métro. Elle envisage d’aller s’excuser pour la colonisation, mais elle ne veut pas perdre sa place assise. À la place, elle lance Instagram et aperçoit le commentaire d’un internaute qui critique le mouvement Black Lives Matter. « Ah donc black lives don’t matter ? » répond-elle courageusement avant de bloquer le fasciste. Comment peut-il y avoir tant de gens en désaccord avec elle, tant de gens contre la justice sociale et l’égalité raciale ?

Un virus incurable : le racisme

En sortant du métro, Caroline est abordée par une femme noire qui lui demande l’heure. Choisissant ses mots avec soin (certains termes relèvent de l’appropriation culturelle), dans un timbre de voix aigu (parler d’une voix grave, réflexe inconscient d’oppresseur), elle répond qu’elle ne connait pas l’heure (sa montre indique 11h23 mais elle refuse de whitesplainer). Elle est fière, elle a réussi à éliminer ses biais inconscients.

Arrivée place de La République, Caroline retrouve ses frères/soeurs/non-binaires de lutte. Il y a un mois, elle exhortait le gouvernement à prolonger le confinement ; aujourd’hui, elle manifeste contre le seul virus dont notre pays est malade : le racisme. Caroline passe par un premier stand : un homme crie des noms de personnalités et elle doit hurler « raciste ! ». Le sens du devoir accompli (il ne suffit pas de ne pas être raciste, il faut être activement anti-raciste), elle passe au stand suivant : il s’agit de vandaliser une statue (une statue raciste). L’activité d’après est encore plus amusante : elle se jette par terre pour mimer une arrestation violente. Elle se fait mal et personne ne filme : déception, elle espérait buzzer sur Twitter. Pour finir, elle passe devant les caméras télé pour scander ses revendications : « Justice sociale, égalité raciale, bonheur pour tous, paix sur Terre ! » Et elle ajoute (en anglais au cas où CNN voudrait récupérer les images) : « White people are fucking racist ! ». Caroline a beaucoup progressé en anglais grâce au mouvement BLM.

Rééducation sur Instagram

Un peu plus tard, Caroline constate, scandalisée, que certains de ses abonnés Instagram n’ont pas publié de carré noir. S’ils ne militent pas, c’est qu’ils n’ont pas été assez éduqués. Pour les aider, elle partage donc en story des « ressources à l’attention des personnes blanches », qui permettent de « s’éduquer sur le racisme ». Au programme, Rokahya Diallo, Frantz Fanon, Angela Davis et notamment des oeuvres telles que (vraie liste) : « Pour détruire le racisme il faut renverser le capitalisme », « La prison est-elle obsolète ? », « Un féminisme décolonial », « La gynécologie est une discipline mise au monde par des pères racistes », bref une liste de lecture variée puisqu’elle contient non seulement des textes d’activistes identitaires d’extrême gauche, mais aussi des textes d’activistes identitaires communistes. Hier, Caroline a appris que Staline envoyait ses opposants dans des camps de rééducation où ils devaient étudier les textes communistes. Bon, Staline était un peu méchant, se dit elle intelligemment, mais si la cause est noble – et ici elle l’est – l’idée a quelque chose de bon.

En fin d’après-midi, Caroline rend visite à sa grand mère (son grand père est mort du Covid, bon débarras, c’était un mâle blanc de plus de 50 ans). Sur le chemin du retour, elle aperçoit un homme noir, cigarette à la bouche, l’air un peu opprimé. Elle s’approche.
– Monsieur, je m’excuse pour mon privilège. Sachez que je suis votre alliée : je peux vous compenser financièrement pour la colonisation ou vous aider à trouver un emploi.
– Merci mais ça ira, je suis neuro-chirurgien.
Bonne idée ces quotas pour les noirs en Fac de médecine, pense Caroline.

… et Twitter

De retour chez elle, Caroline répond à quelques tweets (« tais-toi, mâle blanc cisgenre privilégié », « ha ha fragilité blanche », « @Amazon vous n’avez que 9% d’employés noirs alors que 13% des américains sont noirs, vous êtes des suprémacistes blancs »), signe plusieurs pétitions pour interdire des trucs (important pour « faire évoluer les mentalités ») et partage un article d’Omar Sy, personnalité préférée des français, qui explique que les français sont racistes. Caroline s’endort heureuse ; il lui reste tant de combats à mener.



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Samuel Fitoussi est étudiant et rédacteur de La Gazette de l’Étudiant

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